Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2018, Mme B...E...A...épouseC..., représenté par Me Meriau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ce jugement du 19 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté sa demande d'autorisation de travail, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans cette attente, à défaut, de procéder dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir à un réexamen de sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...épouseC..., ressortissante sénégalaise née le 26 janvier 1985, est entrée en France en 2011 pour poursuivre ses études. Elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé jusqu'à la fin de l'année 2015. Mme A...épouse C...s'est ensuite vu délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français valable jusqu'au 31 décembre 2016. A la suite de la séparation des époux, Mme A...épouse C...a présenté une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée. Par arrêté du 14 septembre 2017, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer une autorisation de travail, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A...épouse C...relève appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 septembre 2017 du préfet de l'Oise.
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle son article L. 111-2, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, les stipulations applicables à cet égard sont, d'une part, celles de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes et, d'autre part, celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.
3. Aux termes de l'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue du point 1 de l'article 2 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV (...) ".
Sur la légalité de la décision refusant de délivrer une autorisation de travail :
4. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que pour examiner une demande d'autorisation de travail présentée par un ressortissant sénégalais, il incombe à l'administration compétente d'apprécier si l'intéressé remplit les conditions énumérées par l'article R. 5221-20 du code du travail, à l'exception de celle tenant à la situation de l'emploi telle qu'elle est précisée au 1° de cet article dans le cas où le métier envisagé est mentionné dans la liste figurant à l'annexe IV de l'accord modifié du 23 septembre 2006 conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, relatif à la gestion concertée des flux migratoires.
5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, pour refuser une autorisation de travail concernant l'embauche de Mme A...épouse C...sur un emploi de réceptionniste, métier qui figure à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, lui a opposé la circonstance qu'elle ne présentait pas un contrat de travail visé par l'autorité compétente et qu'elle ne justifiait pas que l'emploi de réceptionniste nécessitait un savoir-faire rare sur le marché du travail, stratégique pour son entreprise qu'elle maîtriserait à la différence des autres demandeurs d'emploi. En se fondant sur ce dernier motif, le préfet de l'Oise doit être regardé comme ayant opposé la situation de l'emploi en méconnaissance des stipulations citées au point précédent de l'accord franco-sénégalais. En conséquence, Mme A...épouse C...est fondée à soutenir que la décision refusant de délivrer une autorisation de travail est entachée d'une erreur de droit, étant au demeurant précisé qu'une telle décision ne pouvait valablement statuer sur une prétendue demande de l'intéressée alors qu'en application de l'article R. 5221-11 du code du travail la demande d'autorisation est présentée par l'employeur, ce qui, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier a d'ailleurs été fait par ce dernier, la société Hôtel Financière Sylvia, le 7 avril 2017. Or, l'autre motif de refus ne pouvait davantage légalement fonder cette décision puisque en vertu des dispositions des articles R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail, le préfet étant lui-même l'autorité compétente pour viser le contrat de travail produit à l'appui d'une demande d'autorisation de travail, il ne saurait, de ce fait, opposer l'absence de visa du contrat de travail. Il suit de là que la décision du préfet de l'Oise rejetant la prétendue demande d'autorisation de travail de Mme A...épouse C...doit être annulée.
Sur la légalité des autres décisions contenues dans l'arrêté en litige :
6. Il ressort des mentions mêmes de la décision refusant à Mme épouse C...la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié que ce refus lui est opposé au seul motif que sa demande d'autorisation de travail est rejetée. Par suite, Mme A...épouse C...est fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être annulée en raison de l'illégalité et de l'annulation de la décision lui refusant une autorisation de travail. Par voie de conséquence, les décisions du même jour l'obligeant à quitter le territoire national et désignant le pays de renvoi doivent également être annulées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A...épouse C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 14 septembre 2017.
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Enfin, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. En vertu des dispositions précitées, le présent arrêt, eu égard aux motifs d'annulation retenus aux points 4 et 5 de l'arrêté du 14 septembre 2017 du préfet de l'Oise, n'implique nécessairement ni la délivrance d'un titre de séjour à Mme A...épouse C...ni la délivrance d'une autorisation de travail, mais seulement le réexamen des demandes présentées à cette fin respectivement par Mme A...épouse C...et par la société Hôtel Financière Sylvia. Il y a donc lieu de prescrire au préfet de l'Oise de se prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la situation de l'intéressée au regard de ces deux demandes et de la munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit toutefois besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il sera mis à la charge de l'Etat, au titre des frais de l'instance, le versement à son conseil, Me Meriau, de la somme de 1 000 euros, sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702970 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté la demande d'autorisation de travail prétendument présentée par Mme A...épouseC..., a refusé de délivrer un titre de séjour à cette dernière, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise de réexaminer la situation de Mme A...épouse C...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera à Me Meriau, avocat de Mme A...épouseC..., la somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...A...épouseC..., au préfet de l'Oise, au ministre de l'intérieur et à Me D...Meriau.
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N°18DA01054