Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mai et 2 septembre 2018, l'association sportive Beauvais Oise, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des année 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'association sportive Beauvais Oise a notamment pour objet l'animation d'un club de football professionnel et d'un centre de formation de football. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010, à 1'issue de laquelle l'administration lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en particulier au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, et a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2009 et 2010. L'association sportive Beauvais Oise fait appel du jugement du 15 mars 2018 par laquelle le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " 1. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, qui transposent l'article 2, paragraphe 1 sous a) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent.
4. Il résulte de l'instruction que l'association sportive Beauvais Oise a conclu avec trois sociétés des conventions distinctes en vertu desquelles elle s'engageait à leur fournir un ensemble de prestations publicitaires, telles, notamment, que l'apposition du logo de l'entreprise sur une banderole, la promotion de manière visible du nom ou de la marque de l'entreprise à l'occasion des manifestations sportives et des actions de communication du club ou le droit pour l'entreprise d'utiliser le logo ou la photographie officielle de celui-ci sur tout support, pendant toute la durée de la convention. Il n'est pas contesté que chacune de ces conventions stipulait que la société contractante verserait à l'association sportive Beauvais Oise, " en contrepartie des engagements du club ", une somme totale fixée par la convention à 50 000 euros hors taxe, pour les deux premières sociétés, et à 30 000 euros hors taxe pour la troisième, dont une part " sous forme de partenariat " et une part " sous forme de don aux oeuvres ". Ces conventions établissaient ainsi un lien direct entre les prestations, définies comme il a été dit ci-dessus par les stipulations contractuelles, que l'association sportive Beauvais Oise s'engageait à fournir à chacune de ces sociétés et l'intégralité des sommes contractuellement mises à la charge de chacune d'elle, quelles qu'en soient les modalités de versement, et sans que l'association requérante puisse utilement se prévaloir de l'impossibilité d'évaluer avec exactitude les retombées économiques pour chaque société des prestations fournies. Par ailleurs, l'association sportive Beauvais Oise n'apporte aucun élément dont il résulterait que les engagements financiers des sociétés cocontractantes seraient sans rapport avec la valeur des services procurés.
5. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, après avoir constaté qu'au cours de l'exercice clos en 2009, l'association sportive Beauvais Oise avait d'abord émis à destination de chaque société une facture correspondant au montant total stipulé par la convention dont elle était signataire, puis adressé à chacune d'elle une facture rectificative, d'un montant de 20 000 euros pour les deux premières sociétés et de 10 000 euros pour la troisième, et, pour le surplus des sommes versées au titre de la convention, soit 30 000 euros pour les deux premières sociétés et 20 000 euros pour la troisième, un reçu pour un don à une association " cultuelle et de bienfaisance ", l'administration a estimé que ces dernières sommes, s'élevant au total à 80 000 euros, devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées des articles 256 et 266 du code général des impôt, quelle que soit la qualification retenue par les parties contractantes.
En ce qui concerne la doctrine de l'administration fiscale :
6. L'association sportive Beauvais Oise n'est pas fondée à se prévaloir, en application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations d'une lettre du ministre du budget, en date du 23 août 1990, admettant l'absence de lien direct entre la subvention accordée par un conseil général au comité d'organisation des internationaux de France de boxe amateurs et l'obligation pour ce comité de faire figurer le logo du conseil général sur les panneaux de salles où se déroulaient les manifestations, qui concerne une situation distincte dès lors que cette lettre est relative à une aide accordée par une collectivité territoriale. Au surplus, l'association requérante ne démontre pas, en tout état de cause, que l'équilibre entre les engagements réciproques des parties était comparable à celui des conventions qu'elle avait conclues.
7. L'association sportive Beauvais Oise ne saurait pas davantage se prévaloir, sur le fondement des mêmes dispositions, du commentaire de l'administration fiscale publié au point 410 du bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOFiP), sous la référence BOI-TVA-BASE-10-10-10, qui est relatif aux subventions publiques et dans les prévisions duquel elle n'entre donc pas. Elle n'est pas non plus fondée à opposer à l'administration fiscale sa propre doctrine, publiée aux points 420 à 460 du même bulletin officiel, selon laquelle il convient de rechercher, dans un premier temps, s'il existe une prestation de services individualisée et précise rendue par le bénéficiaire à l'entreprise qui a consenti l'aide, puis, à défaut, " si l'aide constitue un complément de prix à inclure dans la base d'imposition conformément aux dispositions du a du 1 de l'article 266 du code général des impôts ", avant d'analyser l'aide, dans la négative, " en une subvention non imposable ", dès lors que ces énonciations ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application aux points 3 à 5 du présent arrêt.
Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) ".
9. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
10. L'association sportive Beauvais Oise ne produit aucune pièce justificative relative tant à la nature qu'au montant des charges qu'elle avait inscrites en comptabilité comme correspondant au remboursement des frais de déplacement exposés par les joueurs et les entraîneurs pour participer à des entraînements et à des rencontres sportives et dont l'administration a remis en cause la déductibilité, à hauteur de 162 571 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 251 935 euros au titre de l'exercice clos en 2010. L'association requérante ne saurait utilement faire valoir, comme commencement de preuve, qu'à l'issue d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, période coïncidant d'ailleurs seulement avec une partie de la seconde période au titre de laquelle les impositions contestées lui ont été assignées, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Picardie a constaté qu'elle avait versé à certains de ses salariés des indemnités, dites " remboursements de frais ", et procédé en conséquence à la réintégration des sommes correspondantes dans l'assiette des cotisations et contributions sociales relevant de sa compétence, dès lors que cette réintégration était motivée par la circonstance qu'aucun élément n'établissait que ces salariés avaient effectivement été exposés à ces frais supplémentaires. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes en cause dans les résultats de l'association sportive Beauvais Oise au titre des exercices clos en 2009 et en 2010.
En ce qui concerne la doctrine de l'administration fiscale :
11. L'association sportive Beauvais Oise, qui n'établit pas, ni même n'allègue, que certaines des charges dont la déductibilité a été remise en cause par l'administration avaient pour objet le remboursement de frais de déplacements exposés par ses dirigeants, ne saurait se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations figurant au point 50 du bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOFiP), sous la référence BOI-BIC-CHG-1 0-20-20, dès lors que celles-ci sont expressément relatives aux déductions des frais des chefs d'entreprise et ne peuvent être étendues, " par analogie ", à la déduction des frais exposés par l'ensemble des salariés.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
13. Pour appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par ces dispositions à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés résultant, au titre de l'année 2010, de la réintégration des charges, mentionnées au point 10, non justifiées de l'exercice clos la même année par l'association sportive Beauvais Oise, l'administration s'est fondée sur la nature de ce manquement et son caractère réitéré, des manquements de même nature ayant été relevés au titre de l'exercice précédent. L'administration établit ainsi l'intention délibérée par l'association requérante d'éluder l'impôt, sans que celle-ci puisse utilement faire valoir, s'agissant de la déduction en charges, en l'absence de tout justificatif, des sommes de 162 571 euros et de 251 935 euros, son absence de compétence particulière en matière fiscale. C'est donc à bon droit que l'administration a fait application au rehaussement en cause de la pénalité prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
14. L'association sportive Beauvais Oise n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine de l'administration fiscale énoncée au point 30 du bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOFiP), référencé BOI-INF-10-20-20, selon laquelle il appartient à cette dernière de " réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment ", dès lors que ces énonciations ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application au point précédent.
15. Il résulte de tout ce qui précède que l'association sportive Beauvais Oise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités contestées. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association sportive Beauvais Oise est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association sportive Beauvais Oise et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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No18DA00983