Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 juin 2018, le 23 novembre 2018, le 4 décembre 2019, le 20 décembre 2019 et le 14 janvier 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge de cette imposition ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de cette imposition à 15 725 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... a exercé à titre individuel, jusqu'en août 2011, une activité libérale d'expertise comptable. En prévision de la cessation de cette activité, liée à un départ en retraite, M. C... a cédé, au cours de l'année 2011, sa clientèle ainsi que l'immeuble, situé à Valenciennes (Nord), affecté à l'exercice de sa profession. A la suite de cette cession, il a déclaré, d'une part, une plus-value à long terme d'un montant de 106 994,79 euros, correspondant à la cession des éléments incorporels de son fonds de commerce, qu'il a placée sous le régime d'exonération prévu à l'article 151 septies A du code général des impôts, d'autre part, une plus-value à long terme de 116 995 euros, concernant la cession de l'immeuble d'exploitation, calculée en tenant compte de la valeur de la construction et du terrain d'assiette, à l'exclusion des agencements, qu'il a placée sous le régime d'exonération de l'article 151 septies B de ce code, enfin, une moins-value à court terme de 30 261,64 euros correspondant à la sortie de ces agencements de l'actif immobilisé. Au cours de l'année 2012, M. C... a fait l'objet, en ce qui concerne son activité libérale, d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 août 2010, au cours de laquelle le vérificateur a centré ses investigations sur les cessions ainsi opérées en 2011. Le vérificateur a notamment constaté que M. C... avait exclu, dans le calcul de la plus-value de cession de son immeuble, les dépenses correspondant aux grosses réparations exposées à la suite d'un incendie ayant affecté celui-ci en 1995 et que ces dépenses avaient été inscrites à l'actif immobilisé de l'entreprise et avaient donné lieu à des amortissements. Ces constats ont amené l'administration à envisager des rehaussements des revenus imposables de M. C... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en particulier en ce qui concerne la détermination de la plus-value de cession de cet immeuble, ce dont l'intéressé a été informé par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 juin 2012. Les conséquences susceptibles de résulter de ces rectifications sur le revenu imposable global de M. C... ont été portées à sa connaissance par une seconde proposition de rectification, datée du 19 décembre 2012. M. C... a présenté des observations afin de contester ce rehaussement de son revenu catégoriel et a été reçu, à sa demande, par l'interlocuteur départemental. Au vu de l'argumentation développée par lui, l'administration a décidé de maintenir la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu contestée, mais d'abandonner la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont elle avait initialement envisagé de faire application. La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu contestée a, dès lors, été mise en recouvrement le 31 janvier 2015, pour un montant de 29 585 euros, exempt de majoration. M. C... relève appel du jugement du 6 avril 2018 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de cette imposition. Il conclut, à titre principal, au bénéfice de cette décharge, à titre subsidiaire, à ce que le montant de cette imposition soit ramené à 15 725 euros.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 8 novembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France a accordé à M. C... le dégrèvement, à concurrence de la somme de 1 351 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige. Dans cette mesure, la requête de M. C... est devenue sans objet.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. / ( ...) ".
4. Il résulte de l'instruction que, si l'administration n'a pas fait connaître à M. C..., dans la première proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 juin 2012 et qui faisait suite à la vérification de comptabilité de son activité libérale, les incidences financières qu'étaient susceptibles de comporter, sur son revenu passible de l'impôt sur le revenu, les rehaussements notifiés, ce document se limitant à indiquer au contribuable que cette information lui serait ultérieurement communiquée, il est constant que celle-ci lui a été communiquée dans la seconde proposition de rectification, qui lui a été adressée le 19 décembre 2012. M. C... a ainsi été mis à même de présenter des observations sur ce point à la suite de la réception de ce second document, qui lui a été adressé dans le délai de reprise de l'administration et qui lui a expressément imparti un délai de trente jours pour ce faire. Par suite et en dépit de la circonstance que M. C... ne disposait pas de cette information lorsqu'il a formulé, le 19 juin 2012, des observations sur la première proposition de rectification qui lui avait été notifiée le 8 juin 2012 pour lui faire connaître les rectifications envisagées en ce qui concerne ses bénéfices non commerciaux, l'administration a mis le contribuable en mesure d'exercer les garanties qui lui sont offertes par la loi. En conséquence, la procédure d'imposition n'est entachée d'aucune irrégularité substantielle au regard des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. En vertu du 1. de l'article 93 du code général des impôts, dont les dispositions régissent la détermination du bénéfice imposable des professions non commerciales, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Ces dispositions précisent que le bénéfice imposable tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. En outre, le I. de l'article 93 quater de ce code dispose que les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime défini notamment à l'article 39 duodecies du même code. Aux termes de l'article 39 duodecies, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. (...) les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : / (...) / b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B ; / (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que M. C... a, le 20 mai 2011, cédé, pour un prix de 150 000 euros, l'immeuble dans lequel il exerçait son activité libérale d'expert-comptable et dont il avait acquis la propriété en 1985 pour un montant équivalent à 42 546 euros. M. C... a également cédé, à la même date, le terrain d'assiette de cet immeuble, élément non amortissable, qui a fait l'objet d'une évaluation séparée. L'immeuble avait, avant sa cession, subi d'importants travaux, représentant un montant total de 107 259 euros, qui portaient sur les murs, les sols, la toiture et les menuiseries et qui avaient pour objet de remédier aux conséquences dommageables d'un incendie survenu en 1995. Il résulte également de l'instruction, notamment d'un extrait du registre des immobilisations de l'exploitation, produit par M. C..., que ces travaux ont fait l'objet, le 25 novembre 1995, d'une inscription comptable en tant qu'immobilisation et qu'ils ont donné lieu à des amortissements. Par cette décision de gestion, qui lui est opposable et dont l'administration était fondée à tirer les conséquences, M. C... a entendu constater comptablement l'incorporation de ces travaux à l'immeuble sur lequel ils ont été effectués, ceux-ci ayant, d'ailleurs, eu pour effet, eu égard à leur nature et à leur ampleur, de prolonger la durée probable d'utilisation de cet immeuble. Par suite, pour l'application des dispositions, citées au point précédent, de l'article 39 duodecies du code général des impôts, les aménagements apportés à l'immeuble par ces travaux de grosses réparations et de remplacement d'ouvrages doivent être regardés comme ayant été cédés en même temps que l'immeuble, de sorte que leur valeur a vocation à majorer, pour la détermination du montant de la plus-value à court terme imposable, le coût d'acquisition de cet immeuble. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment de l'extrait de registre des immobilisations mentionné précédemment, que M. C... n'a pas tenu compte de la valeur résiduelle de ces travaux pour la détermination de la plus-value à court terme qu'il a déclarée au titre de la cession de l'immeuble. C'est, par conséquent, à bon droit que l'administration a rectifié, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 duodecies du code général des impôts, les éléments ainsi déclarés par le contribuable en réintégrant, dans le calcul de la valeur d'acquisition de l'immeuble, la valeur nette comptable de ces travaux, telle qu'elle ressortait de la comptabilité de l'activité libérale de M. C....
En ce qui concerne l'interprétation formelle de la loi fiscale par l'administration :
7. En vertu du dernier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportées à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.
8. M. C... invoque, sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions du paragraphe n°150 de la doctrine administrative BOI-BIC-CHG-20-20-20 du 12 septembre 2012, qui reprennent celles du paragraphe n°38 de l'instruction 4 A-13-05 du 30 décembre 2005. Bien que ces prévisions soient relatives à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux, elles peuvent être utilement invoquées par les titulaires de bénéfices non commerciaux, dont la détermination obéit aux même règles s'agissant du sort fiscal des dépenses se rapportant à des immobilisations existantes.
9. Les prévisions ainsi invoquées par M. C... énoncent, s'agissant des modalités de traitement comptable des remplacements imprévus d'éléments d'immobilisations corporelles en cas d'accident, que : " Les remplacements d'éléments significatifs indispensables au fonctionnement doivent être immobilisés, dès lors qu'à la date de ce remplacement, l'immobilisation ne peut plus être utilisée en l'absence de ce remplacement. (...) / Ces dépenses doivent être traitées comme des composants, tant du point de vue comptable que fiscal (...). Dans ces conditions, l'inscription à l'actif des dépenses de remplacement a pour contrepartie la sortie en charge de la valeur nette comptable (VNC) de l'élément remplacé. A cette fin, la VNC de l'élément remplacé doit être reconstituée en deux temps : / - la reconstitution de la valeur brute de l'élément remplacé à la date du remplacement, selon une méthode rationnelle et cohérente, lorsque le prix d'origine de l'élément remplacé ne peut être déterminé avec précision (...) ; / (...) / - la reconstitution des amortissements pratiqués sur cet élément à partir de sa valeur brute reconstituée et en fonction de la durée d'amortissement de l'immobilisation. ".
10. M. C... soutient avoir fait application, dès la réalisation des travaux sur l'immeuble en cause, de ces prévisions qui préconisent, pour ce qui concerne les travaux de remplacement effectués sur des immobilisations corporelles existantes, des modalités de traitement comptable et fiscal différentes de celles résultant de l'application du texte fiscal alors en vigueur, et qu'il a, sur cette base, déterminé le montant, porté sur sa déclaration, de la plus-value de cession de l'immeuble. Le ministre conteste cependant que M. C... ait fait effectivement application de ces nouvelles modalités de traitement comptables, qui reprennent les préconisations émises par le Conseil national de la comptabilité dans son avis n° 2004-11 du 23 juin 2004, dès lors que leur application à la cession de l'immeuble en cause impliquait nécessairement un retraitement de la comptabilité de l'activité de M. C... en ce qui concerne, en particulier, les travaux qui y avaient été enregistrés le 25 novembre 1995. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment de l'extrait du registre des immobilisations qu'il a produit, que M. C... a, ainsi qu'il a été dit au point 6, comptabilisé dès cette date ces travaux en tant qu'immobilisations, conformément aux prévisions qu'il invoque, de sorte qu'il était fondé, sans qu'un retraitement de sa comptabilité ait été nécessaire, à constater comptablement, au jour de la cession, la sortie en charge de la valeur nette comptable des éléments remplacés. Cependant, le même extrait du registre des immobilisations révèle que M. C... a constaté comptablement, à la date de la cession de l'immeuble, la sortie en charge non pas de la valeur nette comptable des éléments remplacés, mais de celle des éléments de remplacement, ce qui revient à faire totale abstraction de la valeur résiduelle des travaux pour la détermination de la plus-value de cession. M. C... n'ayant ainsi pas fait une exacte application des prévisions qu'il invoque, il n'est pas fondé à en revendiquer le bénéfice, sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour obtenir la décharge, ni même la réduction, du supplément d'imposition qu'il conteste.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, restant en litige, à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, dès lors que l'Etat n'est pas partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement de 1 351 euros prononcé en cours d'instance, sur les conclusions de la requête de M. C... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA01205