Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2018, la SARL Invest, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité (SARL) Invest, qui exerce une activité de courtage de prêts immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2012, étendue au 31 décembre 2012 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration a mis à la charge de la SARL Invest, par la procédure de taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, à hauteur d'un montant de 31 589 euros en droits et pénalités, à raison de la taxe mentionnée sur les factures que cette société avait délivrées sur cette période, ainsi que des rappels de taxe sur les salaires, à hauteur d'un montant de 42 403 euros en droits et pénalités. En l'absence d'observations de la société, ces suppléments d'impositions ont été mis en recouvrement le 12 novembre 2013. Par un jugement du 12 avril 2018, dont la SARL Invest relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des redressements de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période vérifiée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit et de fait. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les redressements qu'il pourrait envisager.
3. La SARL Invest fait valoir qu'elle a été privée de la garantie attachée au débat oral et contradictoire, dès lors que le vérificateur n'aurait pas fait état, lors des opérations de contrôle auxquelles il a procédé dans ses locaux ainsi que, à la demande de son dirigeant, dans les bureaux de son expert-comptable, des redressements de taxe sur la valeur ajoutée qu'il envisageait de mettre à sa charge. Toutefois, la société requérante n'apporte, au soutien de ses allégations, qui sont contestées en défense, aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur portant sur les éléments sur lesquels celui-ci s'est fondé pour assigner les redressements en litige, dont, notamment, ceux portant sur les factures mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée dont il avait pris connaissance au cours du contrôle, alors qu'il n'est pas contesté que le vérificateur a procédé à sept interventions dans les locaux de l'entreprise ou ceux de son expert-comptable, entre le 30 mai 2013 et le 12 août 2013, en présence à chaque fois du ou des représentants du contribuable. Par suite, la SARL Invest n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière pour ce motif.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ". La SARL Invest soutient que la proposition de rectification datée du 17 septembre 2013, comportant les indications prévues par ces dispositions, ne lui a pas été notifiée avant la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. Elle fait valoir, au soutien de ce moyen, d'une part, que la copie de la proposition dont elle a obtenu la communication, par l'administration, sur sa demande, a été adressée au n°34 de la rue d'Elbeuf à Rouen, qui abrite le siège de plusieurs entreprises, alors que son siège social, déclaré à l'administration, se trouve au n°34/36 de cette rue, d'autre part, que la signature apposée sur l'avis de réception du pli correspondant n'est ni celle de son gérant ni celle de l'un de ses salariés. Toutefois, l'administration, à qui il incombe d'apporter la preuve de la régularité de la notification de cette proposition de rectification, justifie de sa présentation par voie postale au n°34 de la rue d'Elbeuf, ainsi que d'une copie au n°36 de la même rue, effectuée à chaque fois sous plis séparés libellés à l'attention du représentant de la société Invest. L'administration établit également que ces plis ont été distribués, le 19 septembre 2013, comme l'attestent les deux avis de réception qu'elle verse au dossier, sur lesquels, d'ailleurs, figure une signature identique. Dans ces conditions, et alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que d'autres plis adressés, au cours de la procédure de vérification, par voie postale, au n° 34 ou au n°36 de la rue d'Elbeuf, sont effectivement parvenus à la société Invest, la proposition de rectification datée du 17 septembre 2013 doit être regardée comme ayant été présentée à l'adresse déclarée par le contribuable. Dès lors, il appartient à la société Invest d'établir que le signataire de l'accusé de réception du pli ayant contenu la proposition de rectification n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. En se bornant à faire valoir que la signature apposée sur les accusés de réception versés au dossier ne correspond ni à celle de son gérant, ni à celles de ses salariés, la société requérante n'établit pas le défaut de notification régulière de la proposition de rectification, le 19 septembre 2013, soit plus de trente jours avant la mise en recouvrement des impositions intervenue le 12 novembre 2013. Par suite, la SARL Invest n'a pas été privée des garanties attachées aux dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
5. Aux termes du 3. de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée une personne à raison de la mention de cette taxe sur les factures qu'elle a délivrées alors même que les opérations ainsi facturées ne constitueraient pas des opérations passibles de cette taxe ou que cette personne n'y serait pas en principe assujettie.
6. La SARL Invest, à qui il incombe, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'établir le caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge par la procédure de taxation d'office, ne conteste pas que les redressements qui lui ont été assignés correspondent au montant de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures qu'elle a délivrées sur la période vérifiée. Dès lors, elle est redevable de ladite taxe en vertu des dispositions précitées de l'article 283 du code général des impôts, sans qu'y fassent obstacle, ni la circonstance que cette mention procéderait d'une erreur de paramétrage de son logiciel de facturation, ni celle qu'elle n'a pas déduit la taxe qu'elle a acquittée, ni même celle que ses clients n'auraient pas récupéré la taxe ainsi facturée, dès lors qu'elle ne démontre ni avoir éliminé complétement le risque de perte de recettes fiscales, ni même, à la supposer de bonne foi, avoir procédé à l'émission de factures rectificatives. Elle ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article 231 du code général des impôts qui prévoient l'assujettissement à la taxe sur les salaires des employeurs peu ou pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, qui est sans incidence sur sa qualité de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée du seul fait qu'elle l'a facturée. Par suite, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été mis à bon droit à la charge de la société requérante.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, en droits et pénalités. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Invest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Invest et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
2
N°18DA01207