Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mars 2018 et le 29 novembre 2018, Mme B..., représentée par la SCP d'avocats Bejin-Camus-Bélot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ainsi que la restitution des sommes correspondantes, majorées des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... exerce, à titre individuel, une activité de gestion de projets immobiliers sous l'enseigne " URBA Conseil ". Elle a fait l'objet, au titre de cette activité, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Le vérificateur a été amené à constater, au cours de ce contrôle, que Mme B... s'était abstenue, en dépit des mises en demeure qui lui avaient été adressées à cette fin, de déposer les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices non commerciaux qu'elle était tenue de souscrire dans le cadre de l'exercice de cette activité indépendante. En outre, Mme B... n'a présenté au vérificateur aucun document comptable relatif à la période vérifiée, ce dont il a dressé procès-verbal. Dans ces conditions, l'administration a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires taxable et des résultats imposables réalisés par Mme B... dans le cadre de son activité individuelle, comme elle l'en a informée par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 17 juin 2014. Les rehaussements correspondants ont été maintenus en dépit des observations de Mme B.... Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été mis en recouvrement le 10 novembre 2014. Mme B... relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à raison de l'activité de gestion de projets immobiliers qu'elle exploite à titre individuel, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, à raison de la même activité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Par les observations qu'elle a formulées le 29 août 2014 sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 17 juin 2014, Mme B..., tout en contestant les rehaussements envisagés, en particulier s'agissant de la reconstitution des charges de son entreprise individuelle, a demandé la prise en compte d'un quotient familial de 1,5 part, tenant compte du rattachement de sa fille majeure à son foyer fiscal. Par la réponse qu'elle a apportée, le 8 septembre 2014, à ces observations, l'administration a, d'une part, écarté celles-ci en ce qui concerne le montant des charges prises en compte pour fonder les rehaussements, d'autre part, précisé que le rehaussement notifié en matière d'impôt sur le revenu de l'année 2011 tenait compte d'un quotient familial de 1,5 part, enfin, exposé les raisons pour lesquelles il ne pouvait être fait droit à la demande, formée par Mme B..., de rattachement de sa fille à son foyer fiscal au titre de l'année 2012, tirées de ce que, n'ayant souscrit aucune déclaration de revenus pour cette année, l'intéressée n'avait pas exercé l'option à laquelle le rattachement d'un jeune majeur à un foyer fiscal est subordonné. En répondant ainsi à Mme B... sur ce dernier point, l'administration n'a aucunement remis en cause, pour la première fois, un avantage dont l'intéressée bénéficiait antérieurement au titre de l'année 2012, ni ne lui a fait connaître un nouveau motif susceptible de fonder le rehaussement notifié, en matière d'impôt sur le revenu, pour cette année, mais a seulement répondu à une demande que Mme B... avait cru pouvoir utilement formuler à ce stade de la procédure d'imposition. Il suit de là que l'administration n'était pas tenue, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, d'adresser une nouvelle proposition de rectification à l'intéressée, ni de lui accorder un nouveau délai d'un mois pour lui permettre de formuler des observations sur ce point.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme B... s'étant abstenue de déposer les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices non commerciaux qu'elle était tenue de souscrire dans le cadre de l'exercice de cette activité indépendante et n'ayant pu présenter au vérificateur aucune pièce comptable se rapportant aux exercices compris dans la période vérifiée, l'administration a établi d'office les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les suppléments d'impôt sur le revenu en litige. Par suite, Mme B... supporte, s'agissant de ces deux impositions, la charge de la preuve, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée :
4. En vertu du I. de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du c) du 2. de l'article 269 du même code, pour les prestations de services, la taxe est exigible lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération.
5. N'ayant pu avoir accès à des pièces comptables relatives à la période vérifiée ni disposer des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée y afférentes, le vérificateur a procédé, à partir des relevés des deux comptes courants de Mme B... correspondant à cette période, à une reconstitution du chiffre d'affaires de son entreprise individuelle. Si Mme B... soutient que le vérificateur aurait retenu à tort que l'ensemble des crédits figurant sur ces relevés correspondent à des recettes de son entreprise individuelle, alors que l'un des deux comptes courants en cause n'était pas exclusivement affecté à son activité professionnelle mais avait été géré comme un compte mixte " à tout le moins durant les derniers mois de l'année 2012 ", elle n'apporte, au soutien de ce moyen, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la charge de la preuve lui incombe, aucun élément de nature à permettre d'exclure de ces crédits, inscrits, d'une part, sur un compte à affectation exclusivement professionnelle, d'autre part, sur un compte à affectation professionnelle à tout le moins prépondérante, des sommes comme correspondant à des revenus personnels détachables de son activité professionnelle. Par suite, l'administration était fondée à procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise individuelle de Mme B... après l'avoir estimé égal à la somme des crédits figurant sur les relevés, se rapportant à la période vérifiée, des comptes courants détenus par l'intéressée. En outre, Mme B... n'ayant fait état auprès du vérificateur d'aucun élément de nature à établir qu'elle aurait convenu, avec les clients de son entreprise, d'ajouter au prix stipulé pour ses prestations un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération, l'administration était fondée, dès lors que de tels éléments ne résultent pas davantage de l'instruction, à regarder les recettes ainsi reconstituées comme correspondant au prix stipulé diminué du montant de cette taxe. Dès lors, l'administration a pu valablement procéder, sur la base de cette reconstitution de chiffre d'affaires, qui, compte-tenu du peu d'éléments d'information dont disposait le vérificateur, n'est pas excessivement sommaire, ni radicalement viciée dans son principe, à la détermination du montant de la taxe sur la valeur ajoutée que Mme B... est réputée avoir collectée dans le cadre de son activité individuelle.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
6. En vertu du 1. du I. de l'article 271 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération.
7. Afin de déterminer le montant des charges courantes de l'entreprise individuelle de Mme B... au cours de la période vérifiée, le vérificateur a appliqué aux montants ressortant des factures fournies par l'intéressée et se rapportant à l'ensemble des dépenses courantes auxquelles elle avait dû faire face dans le cadre de l'exercice, au cours de cette période, de cette activité à son domicile, un ratio tenant compte soit du nombre moyen de jours travaillés dans l'année, soit de la part affectée à cette activité individuelle de la surface du domicile de la contribuable.
8. Pour procéder à l'évaluation des charges de télécommunication, l'administration a retenu que Mme B... consacrait une durée égale à 300 jours sur 365 jours par an à l'exploitation de son entreprise individuelle et a ainsi estimé qu'une part de 82 % des communications téléphoniques passées par l'intéressée durant une année se rapportait à cette activité. Si Mme B... soutient que la part ainsi retenue serait notoirement insuffisante et qu'un taux de 90 %, voire de 95 %, aurait permis de tenir plus exactement compte de la réalité de son activité, elle n'apporte aucun élément probant au soutien de ce moyen, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la charge de la preuve lui incombe. A cet égard, la seule référence imprécise et non étayée à ce qui correspondrait aux usages de la profession de " prestataire de service libéral ", tels qu'ils ressortiraient des statistiques des centres de gestion, ne peut suffire à constituer une telle preuve.
9. Pour procéder à l'évaluation des charges d'électricité et de chauffage, l'administration a mis en oeuvre une méthode voisine, en retenant qu'une part de 10 % de la surface totale du domicile de Mme B... était affectée à l'exercice par l'intéressée de son activité professionnelle et que, par voie de conséquence, une part de 10 % des dépenses d'électricité et de chauffage exposées par l'appelante au cours de la période vérifiée constituait une charge de l'entreprise individuelle. Mme B... soutient que cette méthode aurait conduit à une sous-évaluation de cette charge et que l'utilisation d'un ratio tenant compte non de la surface utilisée pour son activité professionnelle mais du temps consacré à cette activité aurait conduit à retenir un taux de 60 %, voire de 80%, et à établir ainsi une évaluation plus fidèle de ce poste. Toutefois, en se bornant à soutenir que les consommations d'électricité et de chauffage sont nécessairement plus importantes dans les parties d'immeuble dans lequel se tient l'occupant, ce qui n'est au demeurant pas de nature à étayer son moyen tiré de l'insuffisante évaluation de cette charge, Mme B... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'insuffisance de cette évaluation.
10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 9, l'administration était fondée à mettre à la charge de Mme B... les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, établis sur la base de la reconstitution de chiffre d'affaires et des charges à laquelle s'est livré le vérificateur et dont l'appelante ne démontre pas le caractère exagéré.
En ce qui concerne le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu :
11. En vertu du 1. de l'article 93 du code général des impôts, dont les dispositions ont pour objet de définir les règles de détermination des bénéfices non commerciaux entrant dans les bases de l'impôt sur le revenu, les bénéfices à retenir sont constitués par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession.
12. En l'absence de présentation d'une comptabilité pour les exercices vérifiés, le vérificateur a reconstitué les produits générés par l'entreprise individuelle de Mme B... à partir des crédits inscrits sur les comptes courants mentionnés au point 5. Eu égard à l'affectation professionnelle exclusive du premier de ces comptes et à l'affectation professionnelle prépondérante du second, Mme B... n'apporte pas, par ses seules allégations, la preuve, qui lui incombe ainsi qu'il a été dit au point 3, de ce que les produits ainsi reconstitués par l'administration incluraient des revenus extraprofessionnels et n'établit pas davantage le caractère excessif du montant obtenu au terme de cette reconstitution, qui n'est pas excessivement sommaire.
13. En l'absence de présentation d'une comptabilité, le vérificateur a reconstitué les charges de l'entreprise individuelle de Mme B... à partir des justificatifs de dépenses courantes exposées par l'intéressée au cours des années correspondant aux exercices comptables vérifiés. Il a ensuite, comme il l'a fait pour la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle il s'est livré en matière de taxe sur la valeur ajoutée, affecté à ces dépenses des ratios tenant compte soit du nombre moyen de jours travaillés dans l'année, soit de la fraction de la surface du domicile de Mme B... affectée à cette activité individuelle. L'administration a, en outre, pris en compte, au titre des charges, des dépenses d'achat de matériels informatiques et de fournitures de bureau, ainsi que des frais de déplacement.
14. Mme B... critique la pertinence du taux de 82 % retenu par l'administration pour déterminer la part de ses dépenses téléphoniques qui était rattachable à son activité professionnelle. Pour les motifs exposés au point 8, il y a lieu d'écarter ces critiques. Si Mme B... soutient, en outre, que la période de 300 jours prise en compte par l'administration comme correspondant aux journées durant lesquelles elle a exercé son activité individuelle inclurait, en réalité, des jours de congés durant lesquels les communications téléphoniques auxquelles l'intéressée a pris part auraient été moindres, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation, qui, à la supposer avérée, ne peut suffire à remettre en cause le bien-fondé du taux ainsi retenu.
15. Mme B... entend également critiquer le taux de 10 % appliqué par le vérificateur à ses dépenses d'électricité et de chauffage pour déterminer la part de ces dépenses qui devrait être admise en déduction en tant que charges de l'entreprise individuelle de l'intéressée. Pour les motifs exposés au point 9, il y a lieu d'écarter cette critique.
16. Mme B... n'ayant pu présenter au vérificateur aucune pièce comptable, ni aucun justificatif des déplacements professionnels qu'elle a indiqué avoir effectués, au cours des deux années vérifiées, au moyen de ses deux véhicules personnels, l'administration a estimé, en tenant compte, sur la base des factures d'entretien présentées, du kilométrage total parcouru par ces véhicules au cours de ces années et en appliquant le taux de 82 % pour tenir compte du nombre de jours travaillés au cours d'une même année, que Mme B... avait effectué, au moyen de ces véhicules, des déplacements professionnels couvrant une distance totale de 19 151 kilomètres au titre de l'année 2011 et de 11 414 kilomètres au titre de l'année 2012. Si Mme B... soutient que les frais de déplacement réels qu'elle a exposés au cours de ces deux années seraient supérieurs à ceux correspondant aux distances ainsi reconstituées par l'administration, elle n'apporte, alors qu'elle supporte la charge de la preuve comme il a été dit au point 3, aucun élément, ni aucun justificatif, au soutien de cette allégation.
17. Enfin, si Mme B... soutient que d'autres charges courantes de son entreprise auraient été omises dans la reconstitution à laquelle s'est livré le vérificateur, telles des charges sociales, d'assurance ou de loyers, de sorte que cette reconstitution serait excessivement sommaire, elle n'apporte aucune précision, ni aucun élément au soutien de cette assertion, alors que, comme il a été dit au point 3, la charge de la preuve lui incombe.
18. Eu égard à ce qui a été dit aux points 11 à 17, c'est à bon droit que l'administration a procédé aux rehaussements en cause, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, des revenus imposables de Mme B... au titre des années 2011 et 2012.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente à fin de restitution des impositions et pénalités en litige, avec intérêts moratoires, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA00538