Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 avril et 20 septembre 2018, M. et Mme A... C..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction, à concurrence de la somme de 208 831 euros, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que la restitution de cette somme.
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-435 QPC du 5 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... B..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... C... ont été assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2011. Ils contestent la prise en compte dans l'assiette de cette imposition de la plus-value de cession de droits sociaux réalisée au cours de cette même année et demandent, en conséquence, l'annulation du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la réduction de cette imposition, à concurrence de la somme de 208 831 euros.
2. D'une part, l'article 223 sexies du code général des impôts, inséré dans ce code par le I de l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, a institué à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu une contribution assise sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, calculée en appliquant un taux de 3 % à la fraction du revenu fiscal de référence comprise entre 250 000 euros et 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et entre 500 000 euros et 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune, puis un taux de 4 % à la fraction du revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et supérieure à 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune et déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. En vertu du III de l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, les dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts sont applicables " à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 ".
3. Les dispositions du III de l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-435 QPC du 5 décembre 2014, sous la réserve, énoncée au considérant 10 de cette décision, selon laquelle elles ne sauraient être interprétées comme permettant d'inclure, dans l'assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus due au titre des revenus de l'année 2011, les revenus de capitaux mobiliers soumis aux prélèvements libératoires de l'impôt sur le revenu prévus au paragraphe I de l'article 117 quater et au paragraphe I de l'article 125 A du code général des impôts. La réserve d'interprétation ainsi émise par le Conseil constitutionnel ne concerne pas, en revanche, les plus-values de cession de valeurs mobilières dont l'imposition à l'impôt sur le revenu selon un taux forfaitaire ne donne lieu à aucun prélèvement libératoire.
4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires (...) pour assurer le paiement des impôts (...) ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime de conserver ou d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.
5. En premier lieu, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, instituée par les dispositions de l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 insérant dans le code général des impôts l'article 223 sexies, est perçue exclusivement sur les plus hauts revenus. Elle est assise sur l'ensemble des revenus entrant dans la composition du revenu fiscal de référence, de sorte que son assiette est plus large que celle de l'impôt sur le revenu, et son taux varie, en fonction du niveau des revenus du contribuable et de la composition du foyer fiscal, selon des modalités différentes de celles qui président à l'application du barème d'imposition à l'impôt sur le revenu. Il s'agit, dès lors, d'une imposition nouvelle.
6. Toutefois, le fait générateur de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, qui frappe dans leur ensemble les revenus qui y sont assujettis au titre d'une même année civile, intervient le 31 décembre de celle-ci. S'agissant des plus-values de cession de valeurs mobilières, le fait générateur de l'imposition se distingue ainsi du fait générateur de la plus-value proprement dite, qui est constitué par le transfert de propriété. Dès lors, en prévoyant l'application immédiate des dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts aux revenus de l'année 2011, y compris aux plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées au cours de cette année, les dispositions du paragraphe III de l'article 2 de la loi du 28 décembre 2011 n'ont pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, conféré à ces dispositions une portée rétroactive.
7. Les requérants soutiennent, en outre, que lorsque la plus-value de cession de valeurs mobilières soumise à l'imposition litigieuse a été réalisée en 2011, avant même la discussion et l'adoption de la loi de finances pour l'année 2012, ils pouvaient légitimement s'attendre à ce que cette plus-value ne soit soumise à aucune imposition autre que celles alors connues. Toutefois, l'effet immédiat conféré par le législateur, ainsi qu'il a été dit au point précédent, à l'imposition nouvelle que constitue la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ne porte, par lui-même, atteinte à aucune espérance légitime au sens des dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En second lieu, M. et Mme A... C... font valoir qu'ils ont été contraints de vendre certains éléments de leur patrimoine pour s'acquitter de la cotisation de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011. Toutefois, cette seule circonstance ne permet pas de regarder l'obligation financière née de l'imposition ainsi mise à la charge des requérants, au titre de la cotisation de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, comme présentant un caractère confiscatoire ou manifestement disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi et comme méconnaissant, par suite, le droit aux biens garanti par les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la réduction de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011, et à la restitution de cette imposition. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... A... C... et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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No18DA00830