Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rehaussements notifiés à M. B... ;
2°) de remettre cette majoration à la charge de l'intéressé ;
3°) à titre subsidiaire, de substituer à cette majoration celle de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de souscription de déclarations ;
4°) de réformer en ce sens le jugement attaqué.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) JD, qui exploite à Béthune (Pas-de-Calais) un fonds de commerce de discothèque et de débit de boissons, ce contrôle ayant porté sur la période allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010, étendue au 30 avril 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a estimé que des minorations de recettes, ainsi que la déduction en charges, par cette société, de dépenses non justifiées correspondaient à des revenus distribués par l'EURL JD entre les mains de son gérant et associé unique, M. B.... Elle a, en conséquence, réintégré les sommes correspondantes dans les revenus imposables déclarés par M. B... au titre des années 2008 à 2010 et a soumis celles-ci à l'impôt sur le revenu et à des prélèvements sociaux, sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, ce qu'elle a fait connaître à l'intéressé par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 22 décembre 2011. Ces rehaussements ont été assortis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Les rectifications ayant été, pour l'essentiel, maintenues malgré les observations formulées par le contribuable puis mises en recouvrement les 30 septembre et 30 novembre 2014, M. B..., après le rejet de sa réclamation, a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 30 janvier 2019 du tribunal administratif de Lille en tant que ce jugement, après avoir rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010, a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré, prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont ces cotisations supplémentaires ont été assorties.
2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
3. Pour prononcer, par le jugement attaqué, la décharge de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. B... ont été assorties, le tribunal administratif de Lille a estimé que l'administration s'était bornée à justifier, dans la proposition de rectification adressée à l'intéressé, comme dans la réponse apportée aux observations du contribuable, l'application de cette majoration par l'importance des rehaussements d'impôt notifiés à celui-ci et qu'elle ne pouvait, par ce seul élément, être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des omissions déclaratives de M. B....
4. Les termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 22 décembre 2011 à M. B... et de la réponse apportée le 20 avril 2012 aux observations de ce dernier confirment que, pour retenir que les omissions déclaratives de M. B... procédaient d'une intention d'éluder l'impôt et pour justifier, en conséquence, qu'il soit fait application, aux suppléments d'impôt mis à sa charge, de la majoration pour manquement délibéré, l'administration, après avoir établi un tableau récapitulant, par année, les montants que le contribuable avait omis de porter sur ses déclarations de revenus, s'est exclusivement fondée sur l'importance des rehaussements notifiés à l'intéressé, alors que, si cet indice est susceptible de conforter l'appréciation de l'administration quant à l'existence d'une intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt, il ne peut suffire, à lui seul, à justifier le bien-fondé de la majoration.
5. Toutefois, alors même que, dans le document comportant la motivation des pénalités, l'administration se serait bornée à invoquer des indices insuffisants, à eux seuls, à lui permettre d'apporter la preuve de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qu'elle prête au contribuable, l'administration est en droit d'apporter, devant le juge de l'impôt, tous indices de nature à établir que le contribuable avait effectivement cette intention, sous réserve toutefois que ces indices nouveaux reposent sur des éléments de fait qu'elle avait initialement retenus pour motiver la pénalité.
6. En faisant valoir, dans ses écritures contentieuses, que les omissions déclaratives de M. B... présentaient un caractère répété et que l'intéressé, seul maître de l'affaire, en sa qualité de gérant et d'associé unique de la société distributrice, ne pouvait ignorer que ses déclarations de revenus étaient fortement minorées, le ministre, qui ne se fonde pas sur des faits nouveaux, mais sur l'existence des omissions déclaratives qui avaient été mises en évidence dans la proposition de rectification adressée le 22 décembre 2011 au contribuable afin de lui faire connaître, notamment, la décision de lui infliger la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, doit être regardé comme invoquant des indices de nature à apporter la preuve de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a été celle de M. B... au cours des années d'imposition en litige. Le ministre est donc fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lille a retenu à tort que l'administration n'apportait pas cette preuve par la seule mention, dans la proposition de rectification du 22 décembre 2011 et dans la réponse apportée le 20 avril 2012 aux observations du contribuable, de l'importance des rehaussements d'impôt.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie, dans la limite des conclusions de la requête présentée par le ministre de l'action et des comptes publics, de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés, devant le tribunal administratif de Lille, par M. B... à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis les suppléments d'impôt mis à sa charge.
8. La proposition de rectification adressée le 22 décembre 2011 à M. B... pour lui faire connaître, notamment, la décision de l'administration de mettre à sa charge la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, précise le fondement légal de cette majoration, ainsi que son taux, et mentionne que l'importance des rehaussements notifiés à M. B... est de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a été la sienne au cours des années d'imposition en litige. Ce document comporte ainsi, conformément à l'exigence posée par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour infliger cette majoration à M. B....
9. Par ailleurs, dès lors, d'une part, que, comme il a été dit au point 6, l'administration a établi, devant le juge de l'impôt, le caractère délibéré des omissions déclaratives de M. B... et, par suite, a justifié qu'elle était fondée à faire application de la majoration prévue, dans un tel cas, par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, lesquelles prévoient l'application d'un taux fixe de 40 %, d'autre part, que le tribunal administratif de Lille a jugé, sans que ce point ne soit contesté en appel, que les suppléments d'impôt mis à la charge de M. B... étaient légalement fondés, la majoration infligée à l'intéressé ne peut être tenue comme disproportionnée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré infligée à M. B..., ainsi qu'à demander que cette majoration soit remise à la charge de l'intéressé.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1608164 du 30 janvier 2019 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il prononce la décharge de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2008 à 2010.
Article 2 : La majoration pour manquement délibéré dont la décharge a été prononcée par le jugement mentionné à l'article 1er ci-dessus est remise à la charge de M. B....
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille, tendant à la décharge de cette majoration, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué chargé des comptes publics et à M. A... B....
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°19DA00559