Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... F... D..., de nationalité angolaise, est, selon ses déclarations, entrée sur le territoire français le 1er août 2014. Par un arrêt du 18 juin 2015, la cour d'appel de Douai, considérant que Mme D... était née le 13 décembre 1997, a ordonné son placement à l'aide sociale à l'enfance du département du Nord jusqu'à sa majorité. Par un arrêté du 25 octobre 2018, le préfet du Nord a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que Mme D... avait présentée le 4 décembre 2017, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 29 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :
2. En premier lieu, eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 25 juillet 2018, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à Mme E... B..., adjointe au chef du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière auprès de la direction de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord, à l'effet de signer notamment des décisions, en matière de police des étrangers, au nombre desquelles figurent les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
3. En second lieu, l'arrêté attaqué comporte, dans ses visas et ses motifs, l'ensemble des motifs de droit et des considérations de fait sur lesquelles le préfet du Nord, qui n'était pas tenu de mentionner tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressée, s'est fondé pour refuser de délivrer à Mme D... un titre de séjour, lui faire obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixer le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord, pour refuser de délivrer à Mme D... un titre de séjour, a procédé à un examen particulier et attentif de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme D... manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme D..., le préfet du Nord, retenant ainsi plusieurs motifs, s'est fondé sur ce que celle-ci, en se prévalant d'un acte de naissance contrefait, avait usé de manoeuvres frauduleuses, qu'elle ne justifiait pas de son état civil dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, enfin, qu'elle ne satisfaisait pas, à défaut de justifier du caractère sérieux du suivi d'une formation professionnelle et d'une insertion dans la société française, des conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 de ce code.
6. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a, durant une période de plus de six mois dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, préparé le certificat d'aptitude professionnelle " agent de propreté et d'hygiène ". Si, elle a obtenu ce diplôme le 30 juin 2017, le préfet du Nord fait valoir, toutefois, son défaut d'assiduité, tout au long de cette formation, relevé tant par ses enseignants que par la structure d'accueil qui a souligné, en particulier, les difficultés notables de Mme D... à respecter un cadre horaire et les contraintes quotidiennes. En outre, l'appelante ne justifie, à la date de l'arrêté contesté, ni de la perte de tout lien avec sa famille restée dans son pays d'origine ni du suivi de la formation à l'école professionnelle de l'industrie lilloise dont elle s'est prévalue dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, qu'elle n'a présentée, au demeurant, que le 4 décembre 1997, soit au-delà du terme de l'année suivant son dix-huitième anniversaire. Dans ces conditions, le préfet du Nord a pu, pour ce seul motif, sans commettre ni erreur de droit ni erreur manifeste dans l'appréciation globale qu'il a ainsi portée sur la situation de Mme D..., refuser de délivrer à celle-ci le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui séjourne depuis quatre ans sur le territoire français, n'a pas d'enfant à charge. La relation de concubinage avec un ressortissant étranger en situation régulière de séjour, dont elle se prévaut, présente, à la date de l'arrêté contesté, un caractère récent. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Nord, en rejetant la demande de Mme D... tendant à la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette décision et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni davantage les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces mêmes circonstances, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte des points 2 à 8 que l'arrêté du préfet du Nord, en ce qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à Mme D..., n'est entaché d'aucune des illégalités reprochées. Par suite, l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de cet arrêté, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'ils sont soulevés par Mme D... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, il résulte des points 2, 3, 9 et 10 que l'arrêté du préfet du Nord, en ce qu'il fait obligation à Mme D... de quitter le territoire français, n'est entaché d'aucune des illégalités reprochées. Par suite, l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de cet arrêté, en tant qu'il fixe le délai de départ volontaire accordé à l'intéressée pour déférer à cette mesure d'éloignement, doit être écartée.
12. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord, en fixant à trente jours le délai de départ volontaire accordé à Mme D..., aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée, dès lors notamment que, ainsi qu'il a été dit, celle-ci ne justifie pas suivre, à la date de l'arrêté contesté, une formation professionnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, il résulte des points 2, 3, 9 et 10 que l'arrêté du préfet du Nord, en ce qu'il fait obligation à Mme D... de quitter le territoire français, n'est entaché d'aucune des illégalités reprochées. Par suite, l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de cet arrêté, en tant qu'il fixe le pays de renvoi de Mme D..., doit être écartée.
14. En second lieu, l'appelante n'allègue pas qu'elle encourrait des risques pour sa vie ou sa liberté en cas de retour en Angola ni qu'elle y serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté, en ce qu'il fixe le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, la requête de Mme D... doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
4
N°19DA02657