Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 et 12 février 2020 et le 12 septembre 2021, la commune de Blérancourt, représentée par Me Jamais, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner la communauté de communes Picardie des Châteaux, venant aux droits de la communauté de communes du Val de l'Ailette, à lui verser, d'une part, une somme de 244 494 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la réduction indue des attributions de compensation qui lui ont été versées au titre des années 2014, 2015 et 2016, d'autre part, une somme de 1 923,47 euros correspondant aux intérêts et frais de dossier de l'emprunt qu'elle a contracté afin de compenser ces réductions ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la communauté de communes Picardie des Châteaux, venant aux droits de la communauté de communes du Val de l'Ailette, à lui verser 99 % des sommes de 244 494 euros et 1 923,47 euros sur le fondement de la perte de chance ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la commune de Blérancourt n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Blérancourt, ainsi que six autres communes, ont intégré, à compter du 1er janvier 2014, la communauté de communes du Val de l'Ailette devenue, à compter du 1er janvier 2017, par fusion avec la communauté de communes du Vallon d'Anisy, la communauté de communes Picardie des Châteaux. Par une délibération du 15 juin 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes du Val de l'Ailette, qui avait opté pour le régime de la fiscalité professionnelle unique et dont les statuts prévoyaient en leur article 2 la prise en charge du fonctionnement des écoles primaires et maternelles ainsi que des cantines associées, a arrêté le montant des attributions de compensation qu'il proposait de verser aux sept nouvelles communes membres à compter de la date de leur adhésion. Par deux délibérations n° 2015-079 et n° 2015-081, adoptées le 30 novembre 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes, après avoir constaté l'absence d'accord de l'ensemble des conseils municipaux des communes membres sur les montants arrêtés le 15 juin 2015, a décidé que les montants des attributions de compensation définitives à verser aux sept nouvelles communes membres seraient calculés selon le régime prévu par défaut au 2° du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts au titre des années 2014 et 2015, s'agissant de la délibération n°2015-079 et au titre de l'année 2016, s'agissant de la délibération n°2015-81. Par un jugement n°1600231 du 17 avril 2018, confirmé par un arrêt n°18DA01178 du 3 mars 2020 de la cour administrative d'appel de Douai, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la commune de Blérancourt tendant à l'annulation de ces deux délibérations. Par un jugement du 13 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la commune de Blérancourt tendant à la condamnation de la communauté de communes Picardie des Châteaux à lui verser une indemnité, sur le fondement de la responsabilité sans faute et sur celui de la responsabilité pour faute, en réparation des préjudices subis à raison de la réduction indue des attributions de compensation qui lui ont été versées au titre des années 2014, 2015 et 2016. La commune de Blérancourt relève appel de ce jugement.
2. Aux termes du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1° L'établissement public de coopération intercommunale verse à chaque commune membre une attribution de compensation. (...) / 1° bis Le montant de l'attribution de compensation et les conditions de sa révision peuvent être fixés librement par délibérations concordantes du conseil communautaire, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la commission locale d'évaluation des transferts de charges. / A défaut d'accord, le montant de l'attribution est fixé dans les conditions figurant aux 2°, 4° et 5° ; / 2° L'attribution de compensation est égale à la somme des produits mentionnés au I et aux 1 et 2 du I bis et du produit de la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artians âgés, perçus par la commune l'année précédant celle de la première application du présent article, diminuée du coût net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. / (...) ".
Sur les conclusions présentées à titre principal :
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la communauté de communes :
3. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la fixation du montant des attributions de compensation versées par la communauté de communes du Val de l'Ailette, les communes ayant rejoint ladite communauté de communes à compter du 1er janvier 2014, dont la commune de Blérancourt, se sont vu imputer sur le montant desdites attributions le coût net des charges afférentes au service scolaire, relevant de la compétence de la communauté de communes, ce qui a représenté un coût annuel de 81 498 euros au titre des années 2014, 2015 et 2016. Aucune des communes déjà membres de la communauté de communes du Val de l'Ailette n'a vu s'opérer une telle imputation de charges sur le montant des attributions de compensation qui leur ont été allouées. Cette différenciation, qui résulte de l'application des dispositions précitées du V de l'article 1609 nonies du code général des impôts en raison de l'absence d'accord de l'ensemble des conseils municipaux des communes membres sur les montants arrêtés le 15 juin 2015, n'est pas de nature à établir que la commune de Blérancourt aurait subi un préjudice anormal et spécial lui ouvrant droit à réparation au titre de la rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que les six autres communes entrant dans cette communauté de communes qui comptait, avant élargissement, dix-neuf membres, se sont vu appliquer les mêmes règles d'imputation. Il n'est au surplus pas davantage établi que ces règles de calcul auraient entraîné pour la commune une perte financière d'une particulière gravité. Dans ces conditions, la commune de Blérancourt n'est pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la communauté de communes Picardie des Châteaux, venant aux droits de la communauté de communes du Val de l'Ailette.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la communauté de communes :
4. D'une part, en arrêtant le montant des attributions de compensation à verser aux sept nouvelles communes membres à compter de la date de leur adhésion, par les deux délibérations du conseil communautaire n° 2015-079 et n° 2015-081 du 30 novembre 2015, faute d'accord de l'ensemble des conseils municipaux des communes membres sur les montants arrêtés le 15 juin 2015, conformément au régime prévu par défaut au 2° du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, la communauté de communes Picardie des Châteaux n'a commis aucune illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.
5. D'autre part, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient traitées différemment des communes placées dans des situations différentes, en ce qu'elles étaient déjà membres de la communauté de communes.
6. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ce calcul, opéré conformément aux modalités prévues au 2° du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, aurait fait peser sur les communes concernées un double financement des charges afférentes au service scolaire.
7. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 4 à 6 que la commune de Blérancourt n'est pas davantage fondée à soutenir que la responsabilité pour faute de la communauté de communes Picardie des Châteaux, venant aux droits de la communauté de communes du Val de l'Ailette, serait engagée.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 du présent arrêt, que la responsabilité de la communauté de communes Picardie des Châteaux n'est pas engagée, ce qui, en tout état de cause, fait obstacle à toute indemnisation de la commune de Blérancourt au titre d'une prétendue perte de chance de percevoir des recettes fiscales et d'éviter le recours à l'emprunt.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Blérancourt doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Blérancourt le versement d'une somme de 1 500 euros à la communauté de communes Picardie des Châteaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Blérancourt est rejetée.
Article 2 : La commune de Blérancourt versera à la communauté de communes Picardie des Châteaux une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Blérancourt et à la communauté de communes Picardie des Châteaux.
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N°20DA00253