Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 novembre 2018 et le 10 mai 2019, la SARL Smow, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder la restitution du crédit d'impôt recherche qu'elle a déclaré au titre de l'année 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à la réparation des " dommages répétitifs " et de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2013-116 du 5 février 2013 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Smow, qui exerce une activité de conception, de fabrication et d'assemblage d'ensembles mécaniques de précision, a présenté, le 12 octobre 2015, une demande en vue d'obtenir, sur le fondement des articles 199 ter B et 244 quater B du code général des impôts, le remboursement immédiat d'un crédit d'impôt au titre, d'une part, de dépenses, affectées à la recherche, qu'elle a supportées au cours de l'année 2014 et, d'autre part, de dépenses affectées au cours de la même année à l'innovation. L'ensemble de ces dépenses se rapportaient aux projets " Master'billes " (établi roulant à billes porteuses escamotables), " Benne à copeaux " (bac avec système de récupération des huiles de coupe) et " Scarificateur " (outil à doigts rétractables permettant de contrôler la qualité du dépôt de vernis ou de peinture sur un matériau dur bombé). Par une décision d'acceptation partielle de sa demande, en date du 1er avril 2016, l'administration a accordé à la SARL Smow le remboursement partiel du crédit d'impôt sollicité au titre des dépenses affectées à l'innovation et a refusé de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt au titre des dépenses affectées à la recherche. La SARL Smow relève appel du jugement du 11 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant au remboursement, pour la fraction des dépenses qui n'a pas été prise en compte par l'administration, du crédit d'impôt recherche qu'elle a sollicité le 12 octobre 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le jugement attaqué énonce, en son point 6, que " les vices qui entachent soit la procédure d'instruction par l'administration, de la réclamation d'un contribuable, soit la décision par laquelle cette réclamation est rejetée, sont sans influence sur la régularité des impositions " et que " par suite, la société contribuable ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision du 1er avril 2016, par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Oise a admis partiellement sa réclamation, est insuffisamment motivée ". C'est donc au terme d'une motivation suffisante que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen, soulevé devant eux par la SARL Smow, tiré de ce que la décision du 1er avril 2016 par laquelle l'administration avait rejeté partiellement sa réclamation n'était pas suffisamment motivée.
3. En second lieu, le jugement attaqué cite, en son point 7, dans leur version applicable au litige, les dispositions du I. de l'article 244 quater B du code général des impôts instituant le principe d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche exposées par les entreprises, ainsi que, dans leur intégralité, les dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code, qui définissent les activités pouvant être qualifiées d'opérations de recherche scientifique ou technique au sens des dispositions du I. de l'article 244 quater B du code général des impôts. Au même point, le jugement explicite les règles de dévolution de la charge de la preuve dont le tribunal a entendu faire application. Après l'exposé, au point 8 du jugement, des motifs pour lesquels l'administration a estimé que la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte par la SARL Smow pour la détermination du crédit impôt recherche déclaré au titre de l'année 2014 n'étaient pas éligibles à ce dispositif, le point 9 de ce jugement énonce, de manière suffisamment circonstanciée au regard des arguments avancés par les parties, la réponse au moyen, soulevé devant lui par la SARL Smow, tiré de l'éligibilité des projets en cause au crédit d'impôt recherche. En particulier, pour répondre à ce moyen, le tribunal n'avait pas à se prononcer expressément sur l'affectation à l'innovation, au sens des dispositions du k) du II. de l'article 244 quater B issues de l'article 59 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, des dépenses exposées par la société. Enfin, le point 10 du jugement attaqué énonce qu'en se bornant à invoquer les " instructions administratives qui définissent le crédit d'impôt recherche ", la SARL Smow n'assortit pas son moyen des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé et qu' " il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à invoquer le bénéfice de la doctrine administrative, à supposer le moyen soulevé ". Le jugement attaqué est, par suite, suffisamment motivé, également sur ce point.
4. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que la SARL Smow n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.
Sur la régularité de la procédure au terme de laquelle l'administration a refusé de procéder au remboursement du crédit d'impôt recherche déclaré par la SARL Smow au titre de l'année 2014 :
5. D'une part, en vertu des dispositions du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, la créance constituée par le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée, notamment, par une entreprise qui satisfait à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie).
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, (...) établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir (...) le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, qui tend à obtenir le bénéfice du droit au crédit d'impôt recherche prévu par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, constitue une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.
8. En premier lieu, il incombe à l'administration de s'assurer du bien-fondé des réclamations dont elle est saisie, sans que puissent y faire obstacle, en l'absence de dispositions contraires, les dispositions susmentionnées du II de l'article 199 ter B du code général des impôts prévoyant, au profit de certaines entreprises, le " remboursement immédiat " de la créance qu'elles constatent au titre d'un crédit d'impôt recherche. La SARL Smow n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait vérifier l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche qu'elle avait déclaré au titre de l'année 2014, sans avoir au préalable procédé au remboursement sollicité.
9. En second lieu, la décision par laquelle l'administration rejette tout ou partie de la réclamation que constitue une demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement. Ainsi, les irrégularités susceptibles d'avoir entaché la procédure d'instruction d'une telle réclamation sont sans incidence sur le bien-fondé de la décision par laquelle l'administration refuse de rembourser un crédit d'impôt recherche.
Sur le bien-fondé du refus par l'administration de procéder au remboursement du crédit d'impôt recherche déclaré par la SARL Smow au titre de l'année 2014 :
10. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ".
11. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.
12. La demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche formée par la SARL Smow au titre de l'année 2014, détaillée dans le dossier justificatif adressé par cette société à l'administration fiscale le 10 décembre 2015, portait, ainsi qu'il a été dit au point 1, sur des dépenses affectées aux projets " Master'billes ", " Benne à copeaux " et " Scarificateur ". Au vu de l'avis qui lui a été transmis par la délégation départementale à la recherche et à la technologie le 21 janvier 2016, l'administration fiscale a considéré qu'aucun de ces projets n'était éligible au crédit d'impôt recherche, au motif que, dans les trois cas, la société avait mis en oeuvre une démarche classique de développement d'un nouveau produit, issu d'un travail de conception, mais non d'un travail de recherche et développement.
En ce qui concerne l'utilité de nouvelles mesures d'instruction :
13. En premier lieu, la SARL Smow, qui entend contester les qualifications de l'auteur de l'avis mentionné au point précédent, n'invoque aucun élément permettant de douter de l'adéquation des compétences de ce dernier à la nature des projets qu'il était chargé d'examiner, alors qu'elle a reçu en première instance communication de cet avis, comportant l'identité de son auteur, et n'allègue pas que, dans ces conditions, elle n'aurait pas été mise à même d'accéder à des données, rendues publiques, relatives à ses qualifications. Dès lors, si les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de prescrire une mesure d'instruction afin d'obtenir de l'administration des précisions sur ce point.
14. En second lieu, la seule circonstance que l'avis a été émis dans le cadre de l'instruction de la demande présentée par la SARL Smow en vue de bénéficier d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2013 ne permet pas d'écarter ce document comme dépourvu de caractère probant, dès lors, d'une part, que les projets analysés dans ce document incluaient ceux présentés par la SARL Smow à l'appui de sa demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2014 et, d'autre part, que la société requérante n'apporte aucune précision de nature à établir qu'au cours de cette année, les projets en cause auraient acquis ou seraient entrés dans une phase présentant des caractéristiques différentes au regard des dispositions, citées au point 10, de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents qu'il n'y a pas lieu de prescrire une expertise sur l'affectation à la recherche des dépenses en cause.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'affectation à la recherche des dépenses exposées par la SARL Smow au cours de l'année 2014 :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
16. En premier lieu, en se bornant à affirmer, sans autre précision, que ses activités présentent le caractère de recherche fondamentale, de recherche appliquée ou d'opérations de développement expérimental, au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, la SARL Smow n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'administration sur ses trois projets. En particulier, la circonstance qu'elle a déposé de nombreux brevets, notamment pour les projets " Benne à copeaux " et " Scarificateur ", ne caractérise pas, à elle seule, une démarche de recherche et de développement.
17. En deuxième lieu, la SARL Smow soutient qu'elle crée de nouveaux produits et que ni l'administration, ni les premiers juges n'ont procédé à l'analyse des améliorations apportées par les trois projets en cause aux produits existants. Toutefois, les opérations de recherche et de développement définies par les dispositions, citées au point 10, de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, se caractérisent, s'agissant des opérations de développement expérimental, non seulement par la création de nouveaux produits ou l'amélioration significative de produits existants, mais aussi par une démarche tendant à réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, à laquelle la SARL Smow ne démontre pas s'être livrée. Par ailleurs, le présent litige porte sur le refus par l'administration d'accorder à la SARL Smow le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche, tel qu'il est défini par les dispositions combinées de l'article 244 quater B du code général des impôts, également cité au point 10, et de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code. La société requérante ne saurait, par suite, utilement faire valoir que les dépenses qu'elle a exposées se rattachent aux opérations de conception de prototypes visées par les dispositions du k) du II de l'article 244 quater B qui, issues de l'article 59 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, sont relatives aux conditions d'obtention de l'avantage spécifique communément appelé " crédit d'impôt innovation ", prévu en faveur des micro, petites et moyennes entreprises au sens de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie).
18. En troisième lieu, les activités exercées par la SARL Smow dans le cadre des trois projets en cause ne sont, ainsi qu'il vient d'être dit, pas éligibles au crédit d'impôt recherche défini par les dispositions combinées des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III à ce code. Dès lors que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a rejeté sa demande tendant au bénéfice de ce dispositif, la société requérante ne saurait utilement faire valoir, à supposer cette circonstance établie, que l'administration aurait à tort requalifié sa demande en demande de crédit d'impôt innovation.
S'agissant de la doctrine :
19. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ".
20. Le second alinéa du même article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
21. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche a le caractère d'une réclamation préalable, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, et ne constitue, par suite, ni un rehaussement d'imposition ni une rectification. La société requérante ne peut, par suite, opposer à l'administration sa propre doctrine, que ce soit sur le fondement des dispositions du premier alinéa ou du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Smow n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt qu'elle a sollicité au titre de l'année 2014. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la SARL Smow, au demeurant non chiffrées, tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de " dommages répétifs " ainsi qu'au paiement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Smow est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité (SARL) Smow et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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No18DA02270