Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 25 juin 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. E... et Mme D..., représentés par Me Petit, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 septembre 2020 ainsi que les arrêtés du préfet du Rhône du 19 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de délivrer à chacun d'eux une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt de la cour et sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement de renvoyer l'affaire à une formation collégiale du tribunal administratif de Lyon ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier ; seule une formation collégiale du tribunal pouvait statuer sur la demande de Mme D... dirigée contre l'arrêté du 19 février 2020 dès lors que le refus de titre de séjour a été formulé sans lien avec une demande d'asile ;
- les refus de titre de séjour méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le délai de départ sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
Le préfet du Rhône à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
M. E... et Mme D... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ;
- les observations de Me Petit pour M. E... et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et Mme D..., ressortissants russes nés en 1978 et en 1985, relèvent appel du jugement 22 septembre 2020, par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a, après les avoir jointes, rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 19 février 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office.
Sur la régularité du jugement :
2. Avant comme après leur modification par la loi du 10 septembre 2018, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle, dans l'hypothèse où un étranger à qui a été refusée la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire a également présenté une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, à ce que l'autorité administrative assortisse le refus qu'elle est susceptible d'opposer à cette demande d'une obligation de quitter le territoire français fondée à la fois sur le 3° et sur le 6° du I de cet article. En outre, il résulte des dispositions du I et du I bis de cet article que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et a fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1, cette contestation suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° du I de cet article. Dès lors, les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-26 du code de justice administrative sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées devant le juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.
3. En l'espèce, les décisions portant obligation de quitter le territoire prises à l'encontre de M. E... et Mme D... ont été prises notamment sur le fondement du 6°) de l'article L. 511-1 du code précité et sont concomitantes à des refus de séjour opposés aux intéressés sur le fondement de l'article L. 311-11 du même code, déposés concomitamment à une demande de réexamen de la demande d'asile de chacun des requérants. Par suite, et indépendamment de la circonstance que le préfet du Rhône ait, par l'un des arrêtés attaqués, abrogé une précédente mesure d'éloignement prise envers M. E... et ayant le même objet, le jugement de l'affaire relevait de la compétence du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon et non d'une formation collégiale du tribunal. Il s'ensuit que le jugement n'est à ce titre entaché d'aucune irrégularité.
Sur la légalité des arrêtés du 19 février 2020 :
4. En premier lieu, pour demander l'annulation des arrêtés du 19 février 2020 en ce qu'ils portent refus de titre de séjour, M. E... et Mme D... font valoir leur présence en France depuis 2015, leurs efforts d'intégration et invoquent le suivi psychothérapeutique de M. E..., le retard de développement que présente leur fils aîné B..., justifiant un suivi et accompagnement spécialisés d'un orthophoniste, d'un psychologue et en milieu scolaire compte tenu d'un retard de langage. Toutefois, si les requérants sont entrés en France en 2015, ils s'y sont maintenus irrégulièrement après le rejet définitif de leur première demande d'asile et d'une obligation de quitter le territoire français dont ils ont fait l'objet en janvier 2017 et qu'ils n'ont pas exécuté, intervenue avant leur demande de réexamen de leur demande d'asile. Ils peuvent poursuive normalement leur vie privée et familiale avec leurs deux enfants à l'étranger et, en particulier, dans leur pays d'origine en Russie, où ils ne démontrent pas que M. E... ou leur aîné ne pourraient y poursuivre le traitement approprié à leur état de santé respectif alors même qu'ils n'y ont plus aucun membre de leur famille, celle-ci demeurant en grande partie en Arménie. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les refus de titre de séjour portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de la situation des requérants exposée ci-dessus, cette décision ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui imposent aux autorités administratives d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, et ne saurait être regardée comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
5. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que l'illégalité du refus de titre de séjour qui leur a été opposé entache d'illégalité les décisions qu'ils contestent portant obligation de quitter le territoire français, ni que ces dernières décisions violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ou sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième et dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité la décision fixant le pays de destination.
7. Il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles qu'ils présentent, au bénéfice de leur conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et Mme C... D... épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 septembre 2021.
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N° 21LY00005