Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019, Mme J..., représentée par la SELARL Alterius, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2019 ;
2°) d'annuler les certificats d'urbanisme négatifs des 4 et 5 avril 2016 ainsi que les décisions rejetant ses recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune d'Abondance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié des demandes d'avis des collectivités, établissements publics et services gestionnaires des eaux visés à l'article R. 410-10 du code de l'urbanisme, de sorte que la commune n'a pas disposé de toute l'information nécessaire sur la desserte du projet ; au surplus, l'unique avis d'ERDF, annexé aux décisions est entaché d'erreur ; la délivrance d'un certificat d'urbanisme en zone NAc est soumise au seul état de l'existant ; le secteur est déjà urbanisé et desservi par les réseaux ;
- c'est à tort que le tribunal a validé le motif tiré de la méconnaissance des articles L. 122-5 et L. 122-10 du code de l'urbanisme ; les terrains d'assiette des lotissements projetés ne constituent pas des coupures d'urbanisation ; la véritable coupure est située à l'est ; le secteur est urbanisé au sens du schéma de cohérence territoriale du Chablais ;
- l'intérêt agricole du site n'est pas établi ; le terrain est enserré dans l'enveloppe urbanisée du hameau et confiné à l'ouest par la montagne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, la commune d'Abondance, représentée par la SCP Pianta et associés, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par un courrier, enregistré le 10 décembre 2019, Me F... informe la cour que sa cliente est décédée le 20 octobre 2019 et que ses enfants entendent reprendre l'instance.
Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2020, Mme D... J..., M. E... J..., M. I... J..., Mme A... J... et M. C... J..., représentés par la SELARL Alterius, entendent poursuivre l'instance en leur qualité d'héritiers.
Ils font valoir les mêmes moyens que précédemment et soutiennent que le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme est insuffisamment motivé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H... G..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Les héritiers de Mme J... relèvent appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des certificats d'urbanisme du maire de la commune d'Abondance des 4 et 5 avril 2016 déclarant non réalisable l'opération de division, en vue de la création de quatre lots à bâtir, de la parcelle cadastrée section D n° 2090 située lieu-dit " Melon ", ainsi que les décisions de rejet de ses recours gracieux.
2. Pour déclarer non réalisable l'opération de division en vue de la création de quatre lots à bâtir de la parcelle en litige, le maire d'Abondance a opposé la méconnaissance des articles L. 122-5 et L. 122-10 du code de l'urbanisme.
3. Aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (...). "
4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé au lieu-dit Melon, caractérisé par la présence de nombreuses constructions principalement implantées le long et à l'est du chemin de la Maladière et du ruisseau de Melon et formant un hameau. Les constructions projetées, qui doivent s'implanter à quelques mètres des constructions les plus proches, s'insèrent en continuité de cet espace urbanisé, quand bien même elles se situent de l'autre côté de la voie et du ruisseau, qui ne constituent pas une rupture de l'urbanisation, dès lors que d'autres constructions entourent le terrain sur ses parties nord et sud. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont confirmé le bien-fondé du motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.
5. Aux termes de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable à la date des certificats d'urbanisme attaqués, et reprenant les dispositions du I de l'article L. 145-3 du code : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. ".
6. La seule circonstance relevée par le tribunal que le terrain constitue une vaste prairie très faiblement pentue qui présente les caractéristiques d'un pré agricole ne suffit pas à établir la méconnaissance des dispositions citées au point précédent. Les requérants sont fondés à soutenir qu'en l'absence de tout élément relatif au rôle et à la place de ce terrain dans le système d'exploitation local, ce motif, d'ailleurs insuffisamment motivé comme il le soutiennent, ne pouvait fonder les certificats d'urbanisme en litige.
7. Pour l'application, de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation des certificats d'urbanisme attaqués.
8. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation des certificats d'urbanisme des 4 et 5 avril 2016 déclarant non réalisable l'opération de division en vue de la création de quatre lots à bâtir de la parcelle cadastrée section D n° 2090 ainsi que celle des décisions rejetant les recours gracieux de Mme B... J..., et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Abondance le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2019, les certificats d'urbanisme du maire d'Abondance des 4 et 5 avril 2016 ainsi que les décisions rejetant le recours gracieux de Mme B... J... sont annulés.
Article 2 : La commune d'Abondance versera aux requérants une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... J..., pour l'ensemble des requérants, et à la commune d'Abondance.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. E... Besse, président-assesseur,
Mme H... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
2
N° 19LY01654