Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2021, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît le droit d'être entendu et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- et il reprend en appel tous ses moyens soutenus en première instance :
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 24 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité serbe, né le 4 juillet 1975, est entré en France le 24 octobre 2019. La demande d'asile présentée par le requérant a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 mai 2020 et par la cour nationale du droit d'asile le 28 décembre 2020. Le préfet de l'Isère a pris un arrêté le 11 décembre 2020 par lequel il l'a obligé à quitter le territoire français avec un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 22 janvier 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 décembre 2020 :
2. M. B... réitère en appel ses moyens de première instance selon lequel l'arrêté est insuffisamment motivé et méconnait le droit d'être entendu. Ces moyens ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. M. B... a subi un traumatisme à l'œil droit datant de trente ans dans son pays d'origine. Il a été opéré en France de cet œil en juin 2020. Il fait valoir qu'il doit effectuer un suivi médical notamment à la suite de la pose d'une prothèse oculaire. Il ajoute que ce suivi médical ne pourrait avoir lieu dans son pays d'origine. Toutefois, il est constant que le requérant n'avait pas fait part au préfet des éléments médicaux le concernant préalablement à la date de l'arrêté attaqué. Les éléments produits concernant la nécessité d'un suivi médical en suite de cette intervention chirurgicale n'établissent pas que ce défaut de suivi pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ne pourrait bénéficier d'un suivi médical adapté dans son pays d'origine à la suite de cette opération réussie. Dans ces conditions, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français ne méconnait pas l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B..., entré sur le territoire français le 24 octobre 2019, soutient que son épouse et ses trois enfants sont entrés en France en décembre 2020 et qu'il a créé des attaches sociales. Il fait valoir qu'il a subi en France une intervention chirurgicale en juin 2020 Cependant, l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans dans son pays d'origine où il a conservé des attaches privées et familiales. Alors que sa famille proche n'est entrée en France que postérieurement à la date de l'arrêté attaqué et qu'il ne justifie pas que son état de santé nécessiterait un maintien sur le territoire national, sa seule présence sur le territoire depuis à peine un an au jour de la décision attaquée et la circonstance qu'il y ait noué des liens sociaux et que résident en France plusieurs de ses frères et sœurs, ne suffisent pas à faire regarder l'arrêté attaqué comme portant au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 11 décembre 2020, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
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N° 21LY01082