Par une requête enregistrée le 10 avril 2020, et un mémoire enregistré le 9 novembre 2021, M. C... B..., représenté par Me Hequet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 février 2020 ;
2°) d'enjoindre l'Etat français et le maire de Curnier de réinstruire les deux demandes de permis de construire dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué du 25 janvier 2018 portant sur la rénovation et la reconstruction du siège d'exploitation est illégal du fait de l'incompétence du signataire de l'avis défavorable du directeur départemental des territoires car la publication de l'arrêté préfectoral donnant délégation est incomplète ;
- il méconnait les dispositions des articles R. 423-23 et R. 423-24 du code de l'urbanisme au regard du délai d'instruction et des conditions de la saisine de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, le délai d'instruction étant de deux mois et la commission n'ayant pas à être saisie ;
- l'arrêté attaqué, qui retire le permis tacitement accordé le 13 décembre 2017, méconnaît le principe du contradictoire prévu par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et n'avait pas à être soumis à la commission ;
- le maire a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté portant sur la construction d'une bergerie et d'un abri pour le matériel, qui retire le permis tacitement accordé le 2 octobre 2017, méconnait le principe du contradictoire prévu par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le maire a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 122-5 et R. 111-14 du code de l'urbanisme dans les deux arrêtés ;
- il a fait une inexacte application des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme dans les deux arrêtés.
Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé et s'en rapporte aux écritures de première instance du préfet de la Drôme.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un projet de modification de son activité agricole, M. B... a sollicité, le 2 août 2017, la délivrance de deux permis de construire portant, d'une part, sur la reconstruction à l'identique d'un bâtiment à usage d'habitation et, d'autre part, la création d'une bergerie et d'un abri de stockage de matériel agricole. Il a sollicité l'annulation des deux arrêtés du 25 janvier 2018 par lesquels le maire de Curnier a, au nom de l'Etat, rejeté ces demandes. M. B... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses deux demandes.
2. M. B... soutient que les arrêtés attaqués du 25 janvier 2018 sont illégaux du fait de l'incompétence du signataire de l'avis conforme défavorable du directeur départemental des territoires. Il ressort des pièces du dossier que le ministre n'a produit que les bordereaux de proposition de décision relatives aux permis de construire attaqués sans produire la délégation de signature litigieuse. Le préfet soutient que M. A..., responsable de l'unité territoriale sud de la direction départementale des territoires de la Drôme, dispose d'une délégation de signature. Toutefois, si l'arrêté n° 2017-09-405 du 18 septembre 2017 portant subdélégation de signature aux agents de la direction départementale des territoires de la Drôme, consultable par le public sur le site Internet de la préfecture de la Drôme, confère une délégation permanente à certains agents, dont M. A..., à l'effet de signer les actes relevant de leurs attributions, conformément à un tableau, cette annexe n'est quant à elle consultable, selon les mentions de l'arrêté, qu'au secrétariat général de la direction départementale des territoires de la Drôme. Ainsi l'annexe à laquelle renvoie la délégation de signature litigieuse ne fait l'objet d'aucune mesure de publication et n'est donc pas opposable. Dans ces conditions, les arrêtés du 25 janvier 2018 édictés par le maire de Curnier qui sont fondés sur ces avis conformes signés par une autorité incompétente sont illégaux.
3. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation des arrêtés du 25 janvier 2018.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. "
6. Il est enjoint au préfet de la Drôme et au maire de Curnier d'instruire à nouveau les deux demandes de permis de construire dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 février 2020 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du maire de Curnier du 25 janvier 2018 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Drôme et au maire de Curnier d'instruire à nouveau les deux demandes de permis de construire dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme et à la commune de Curnier.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.
2
N° 20LY01330