Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Cans, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 21 février 2020 ;
3°) d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le Système d'Information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée par la décision des médecins de l'OFII ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 10 février 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme C... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité congolaise (RDC), née le 30 mars 1946, est entrée en France à la date déclarée du 19 décembre 2013. La demande d'asile présentée par la requérante a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 mai 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 14 décembre 2015. Le préfet de l'Isère a pris un arrêté le 21 février 2020 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français avec un délai de trente jours, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 décembre 2020 qui a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 février 2020 :
2. Mme C... réitère en appel son moyen de première instance selon lequel la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant senti lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII. Ce moyen a été écarté à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile A... en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
4. Le collège des médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge médicale pouvait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, elle pouvait y bénéficier d'un traitement approprié. En versant aux débats un rapport relatif au système de santé congolais et à l'accès au soin émanant d'une organisation internationale et plusieurs certificats médicaux attestant de ce que Mme C... souffre de plusieurs pathologies, en particulier, une hypertension artérielle, une dysphonie spasmodique, une arthrose au niveau des genoux et des lombaires, une tendinite au niveau de l'épaule ainsi qu'une colopathie fonctionnelle, la requérante n'apporte pas d'éléments probants de nature à infirmer l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII sur son état de santé. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions de l'article citées au point précédent en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C....
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme C... soutient que son époux, ses deux parents et quatre de ses enfants sont décédés et qu'elle justifie d'une bonne intégration au sein de la société française dans laquelle elle a désormais sa vie privée. Cependant, l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de soixante-sept ans dans son pays d'origine où résident encore deux de ses enfants. A... qu'elle a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement non exécutée, sa seule présence sur le territoire depuis près de sept années au jour de la décision attaquée et la circonstance qu'elle y ait noué des liens amicaux au travers d'une implication dans différentes associations ne suffisent pas à faire regarder l'arrêté attaqué comme portant au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
7. A... que l'avis du collège des médecins de l'OFII précise que la requérante peut voyager sans risque vers son pays d'origine, la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français ne méconnait pas l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Mme C... reprend également en appel ses moyens selon lesquels la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an méconnait les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle. Ces moyens ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.
9. Il y a également lieu d'adopter les motifs par lesquels le tribunal a écarté le moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de destination, de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 21 février 2020, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.
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N° 21LY00775