Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 avril 2021, M. A..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2021, ainsi que les arrêtés du 16 mars 2021 du préfet de l'Isère ;
2°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande de titre de séjour ou à défaut, d'examiner sa demande et dans l'attente, de lui délivrer récépissé de demande de titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le préfet a omis de prendre en compte le PACS qu'il a conclu avec une ressortissante française, ainsi que son insertion sociale et professionnelle en France ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur d'appréciation, d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle et est disproportionnée ; un départ immédiat est rendu impossible par la situation sanitaire et par ses attaches sur le territoire ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est disproportionnée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant assignation à résidence a été prise sans examen particulier, moyen sur lequel le tribunal a omis de répondre.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 1er mai 1996, est entré en France selon ses déclarations en mai 2017, en vue de solliciter l'asile. La confrontation de ses empreintes avec la base de données européenne Eurodac a révélé que ses empreintes étaient identiques à celles relevées par les autorités suisses le 23 mai 2017, qui ont refusé sa réadmission au motif qu'une demande de réadmission vers l'Espagne avait été faite, pays vers lequel il a été transféré le 19 septembre 2017. A une date indéterminée, M. A... est revenu en France qui est devenue responsable de sa demande d'asile. A la suite du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 31 mai 2019, M. A... a fait l'objet d'un arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours de M. A... contre l'arrêté du 10 décembre 2019. Le 15 mars 2021, il a été interpellé par les gendarmes de La Mure en raison de violences envers sa concubine. Par arrêté du 16 mars 2021, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, la critique de l'appréciation portée par le premier juge sur la situation privée et familiale de l'intéressé relève d'une contestation au fond du jugement et non de sa régularité.
3. En second lieu, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence, M. A... soutenait que le préfet de l'Isère avait omis de procéder à un examen particulier de sa situation. Or, le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant, alors que ce moyen a été visé dans le jugement et figurait dans les écritures de première instance. Par suite le jugement doit être annulé uniquement en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre cette décision.
4. Compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points précédents, il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... dirigées contre la décision l'assignant à résidence et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et refusant un délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, M. A... réitère en appel sans y ajouter de nouveau développement son moyen tiré de la violation par la décision portant obligation de quitter le territoire de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle dont cette décision serait entachée. Il convient de les écarter par adoption des motifs circonstanciés retenus au point 6 du jugement.
6. En second lieu, pour refuser un délai de départ volontaire à l'intéressé, le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance que le requérant ne dispose d'aucune ressource propre et se maintient irrégulièrement sur le territoire malgré l'intervention d'une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, ni la situation sanitaire internationale, ni les attaches privées dont se prévaut le requérant, alors, au demeurant qu'il avait été interpellé le 15 mars 2021 pour des faits de violences conjugales sur sa concubine après avoir quitté le domicile commun du couple, ne justifiaient l'octroi d'un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère a procédé à une exacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision lui refusant un délai de départ volontaire n'est ni disproportionnée, ni entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision lui interdisant le retour sur le territoire pendant une durée de deux ans :
7. Compte tenu de la situation privée et familiale du requérant ainsi que de ses conditions d'entrée et de séjour en France, rappelées aux points 5 et 6 du présent arrêt, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, n'est pas disproportionnée quant à sa durée, ni n'est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
8. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.
9. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé / (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I (...) ". Selon l'article L. 561-1 du même code : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. (...) / L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ".
10. L'arrêté en litige énonce les textes applicables ainsi que les considérations de fait prises en compte par le préfet de l'Isère au soutien de cette décision, notamment que l'intéressé dispose de garanties de représentation, qu'il s'est engagé à contacter les autorités consulaires dans un délai de quinze jours à fin d'obtenir un document transfrontière et que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Il est ainsi suffisamment motivé.
11. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point précédent, le préfet de l'Isère a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....
12. En quatrième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le contexte de crise sanitaire empêcherait l'exécution de la mesure d'éloignement dans une perspective raisonnable, alors même que les liaisons aériennes vers la Guinée, lesquelles demeurent autorisées, sont toutefois réduites et dès lors que " la fermeture des frontières " alléguée n'est pas établie. Dans ces conditions, l'éloignement de M. A... demeurait une perspective raisonnable à la date de l'arrêté litigieux.
13. En dernier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas applicables à sa situation.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision l'assignant à résidence. Toutefois, le surplus de ses conclusions d'appel ainsi que sa demande de première instance tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence doivent être rejetées. Enfin, les conclusions à fin d'injonction de M. A..., ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2021 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.
Article 2 : La demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022.
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N° 21LY01165