Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 février 2020 et 20 décembre 2021 la société Riso France, représentée par Me Bertrand, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier Pierre Oudot à lui verser la somme de 42 861,60 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- si le contrat a été conclu sans mise en concurrence préalable, ce manquement aux règles de passation, en l'absence de vice du consentement, n'est pas d'une gravité telle que le litige ne puisse être réglé sur le terrain contractuel, ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal dans le jugement attaqué ;
- elle est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 42 861,60 euros pour compenser la perte de marge nette qu'elle a subie du fait de la résiliation anticipée du contrat.
Par un courrier du 26 novembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à la condamnation du centre hospitalier Pierre Oudot à verser à la société Riso France une indemnité de résiliation sur le fondement des stipulations de l'article 16 des conditions générales du contrat.
La société Riso France a produit un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public enregistré le 20 décembre 2021.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2021, le centre hospitalier Pierre Oudot, représenté par Me Duraz, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la société Riso n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel sa condamnation à lui verser une indemnité de résiliation sur le fondement des stipulations de l'article 16 des conditions générales du contrat qui au surplus ne lui sont pas opposables ;
- le manquement aux règles de passation fait obstacle à l'application du contrat ;
- sa résiliation a été prononcée pour un motif d'intérêt général ;
- la société Riso n'établit pas qu'elle a subi de ce fait un manque à gagner de 42 861,60 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Duraz, représentant le centre hospitalier Pierre Oudot.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 13 août 2010, le centre hospitalier Pierre Oudot de Bourgoin-Jallieu (Isère) a conclu avec la société Riso France un marché public pour la location, pour une durée de cinq années, de copieurs/imprimantes en réseau et leur maintenance et la fourniture des consommables. En marge de ce marché, la société Riso France, en exécution d'un bon de commande signé le 28 juin 2013, s'est engagée à assurer la maintenance pour une durée de vingt-quatre trimestres de cinq imprimantes multifonctions mises à la disposition du centre hospitalier pour la même période par deux contrats de location conclus le même jour entre l'établissement public de santé et les sociétés Locam et BNP. Par lettre du 1er septembre 2016, le directeur général du centre hospitalier a informé la société Riso France de sa décision de résilier le contrat de maintenance. Le centre hospitalier a refusé de conclure avec la société Riso France un protocole transactionnel prévoyant le versement à cette dernière d'une indemnité forfaitaire de 30 000 euros. Par un jugement du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Riso France tendant à la condamnation du centre hospitalier Pierre Oudot à lui verser la somme de 34 704 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation, au motif qu'elle ne justifiait pas la perte de bénéfice subie.
2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.
3. Il est admis que si le bon de commande du 28 janvier 2013 a été signé en dehors du marché conclu en 2010, en méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables, cette irrégularité n'est pas d'une gravité telle que le litige ne puisse être réglé sur le terrain contractuel, en l'absence de vice du consentement et de volonté de contourner les règles de passation de la commande publique, comme l'a jugé le tribunal dont le jugement n'est pas contesté sur ce point.
4. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant. L'étendue et les modalités de l'indemnisation due par la personne publique à son cocontractant peuvent être déterminées par les stipulations du contrat.
5. La demande indemnitaire présentée par la société Riso France devant les premiers juges, fondée sur la responsabilité contractuelle sans faute du centre hospitalier en application des règles générales applicables aux contrats administratifs, procède d'une cause juridique distincte de celle dont procède la responsabilité pour faute encourue par l'établissement public de santé en application des stipulations de l'article 16 des conditions générales applicables au contrat de maintenance dont la méconnaissance lui est désormais reprochée. Les conclusions tendant à la mise en jeu de cette responsabilité contractuelle pour faute, qui n'est pas d'ordre public, sont ainsi nouvelles en appel et par suite irrecevables.
6. Il résulte des points 1 et 3 que la résiliation du contrat de maintenance a été prononcée pour un motif d'intérêt général. Par suite, la société Riso France a droit ainsi qu'elle le demande par ailleurs à être indemnisée du manque à gagner qu'elle a subi du fait de la résiliation litigieuse prononcée le 1er septembre 2016. Le gain dont elle a ainsi été privée et dont elle est fondée à demander à être indemnisée s'entend de la marge nette qu'elle aurait retirée de l'exécution du contrat. Or elle n'a produit, ni en première instance ni en appel, les éléments permettant de calculer la marge nette dont elle a été privée. Dans ces conditions, elle n'établit pas l'existence et le montant d'un préjudice indemnisable tenant à une perte de bénéfice net.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Riso France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Riso France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Riso France et au centre hospitalier Pierre Oudot.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
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N° 20LY00540