Procédure devant la cour
I- Par une requête enregistrée le 4 juin 2018 sous le n° 18LY02052 et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 octobre 2019 et 14 octobre 2020, M. E..., représenté par Me K..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 avril 2018 et de rejeter la demande de M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. B... ne justifie pas d'un intérêt pour agir ; eu égard à la configuration des lieux, à la circonstance que le projet intègre des solutions architecturales pour limiter les nuisances sonores et aux places de stationnement créées, le projet n'est pas de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance du bien de M. B... ;
- le motif d'annulation retenu par le tribunal n'est pas fondé ; le projet, en ce qu'il participe à la mise en valeur touristique du domaine skiable, est conforme à l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols (POS), lequel a été remis en vigueur à la suite de l'annulation prononcée par ce même tribunal et en cours d'instance, du plan local d'urbanisme (PLU) sur la base duquel ont été autorisés les travaux ; en vertu de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, applicable au litige, l'annulation du PLU par le tribunal administratif est sans incidence sur l'autorisation en litige puisque les moyens retenus par le tribunal pour annuler le PLU sont étrangers aux règles d'urbanisme applicables au projet ;
- les autres moyens soulevés en première instance par les intimés ne sont pas fondés.
Par trois mémoires en défense enregistrés les 23 septembre et 24 octobre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, et le 26 octobre 2020, M. B..., représenté par la Selarl CDMF-Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il a un intérêt pour agir en qualité de voisin immédiat du projet ; le projet emporte ouverture au public d'un bâtiment d'accueil d'une population festive avec des nuisances sonores qui en résulteront, outre la venue de clients en nombre engendrant des difficultés de stationnement et une aggravation de la circulation automobile sur la voie de l'Eclose ; il dispose d'une vue sur les façades du bâtiment qui font l'objet de modifications ;
- le PLU a été annulé par jugement du tribunal administratif du 19 octobre 2017, et l'annulation prononcée affecte la totalité du document d'urbanisme ; la légalité de l'arrêté en litige doit dès lors être appréciée au regard des règles du POS antérieur immédiatement applicable ; ainsi que l'a relevé le tribunal, le projet, dont le terrain d'assiette s'implante en zone NCs du POS, n'a aucun lien avec la pratique du ski et ne pouvait être autorisé ;
- le projet méconnait l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme en ce que le dossier ne comporte pas de plans de côté faisant apparaître les modifications des façades ;
- le projet méconnaît les articles UA6, UA11, UA 12 et UA13 du règlement du PLU.
II- Par une seconde requête enregistrée le 15 juin 2018 sous le n° 18LY02214 et des mémoires complémentaires enregistrés le 18 octobre 2019 et le 20 octobre 2020, la commune d'Huez, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 avril 2018 et de rejeter la demande de M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... ne justifie pas d'un intérêt pour agir eu égard à la configuration des lieux et à la circonstance que le projet s'implante dans un bâtiment partiellement enterré et non visible depuis la propriété de l'intimé et qu'il n'accueillera pas d'activités génératrices de nuisances sonores ;
- le motif d'annulation retenu par le tribunal n'est pas fondé ; le projet, en ce qu'il participe à la mise en valeur touristique du domaine skiable, est conforme à l'article NC1 du règlement du POS, lequel a été remis en vigueur à la suite de l'annulation prononcée par ce même tribunal et en cours d'instance, du PLU sur la base duquel ont été autorisés les travaux ; en vertu de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, applicable au litige, l'annulation du PLU par le tribunal administratif est sans incidence sur l'autorisation en litige puisque les moyens retenus par le tribunal pour annuler le PLU sont étrangers aux règles d'urbanisme applicables au projet ; le projet est conforme au règlement de la zone Ua du PLU ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 septembre et 30 octobre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par la Selarl CDMF-Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il a un intérêt pour agir en qualité de voisin immédiat du projet ; le projet emporte ouverture au public d'un bâtiment d'accueil d'une population festive avec des nuisances sonores qui en résulteront, outre la venue de clients en nombre engendrant des difficultés de stationnement et une aggravation de la circulation automobile sur la voie de l'Eclose ; il dispose d'une vue sur les façades du bâtiment qui font l'objet de modifications ;
- le PLU a été annulé par jugement du tribunal administratif du 19 octobre 2017, et l'annulation prononcée affecte la totalité du document d'urbanisme ; la légalité de l'arrêté en litige doit dès lors être appréciée au regard des règles du POS antérieur immédiatement applicable ; ainsi que l'a relevé le tribunal, le projet, dont le terrain d'assiette s'implante en zone NCs du POS, n'a aucun lien avec la pratique du ski et ne pouvait être autorisé ;
- le projet méconnait l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme en ce que le dossier ne comporte pas de plans de côté faisant apparaître les modifications des façades ;
- le projet méconnaît les articles UA6, UA11, UA 12 et UA13 du règlement du PLU.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J... H..., première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour la commune d'Huez ainsi que celles de Me D..., substituant Me A..., pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et la commune d'Huez relèvent appel du jugement du 19 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. B..., l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le maire de la commune ne s'est pas opposé à la déclaration de travaux déposée par M. E... ainsi que la décision du 22 décembre 2016 rejetant le recours gracieux de M. B... contre cet arrêté.
2. Les requêtes susvisées n° 18LY02052 et n° 18LY02214, présentées respectivement par M. E... et la commune d'Huez, présentent à juger les mêmes questions et sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'intérêt pour agir :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est propriétaire d'une maison située à une cinquantaine de mètres du projet. Il fait également valoir qu'il sera nécessairement exposé à des nuisances, notamment sonores, inhérentes à un bar-billard-salle de jeux fonctionnant jusqu'à une heure du matin. Dans ces conditions, compte tenu de la destination de ce bâtiment, et alors même qu'il sera partiellement enterré, bénéficiera d'une isolation phonique et qu'une route s'intercale entre le projet et la maison de l'intimé, le projet doit être regardé comme de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de la maison d'habitation de M. B.... Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la commune d'Huez et par M. E... doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 août 2016 :
4. Aux termes de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, aux termes duquel : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision. ".
5. Il résulte de l'article L. 600-12-1 que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraine pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger. Lorsque le document local d'urbanisme sous l'empire duquel a été délivrée l'autorisation contestée est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause, la détermination du document d'urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation obéit, eu égard aux effets de la règle posée à l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, aux règles suivantes : - dans le cas où ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ; / - lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d'urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur ; / - si ce ou ces motifs n'affectent que certaines règles divisibles du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée n'est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document. / S'agissant en particulier d'un plan local d'urbanisme, une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d'urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur, un ensemble complet et cohérent. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.
6. Par jugement n° 1600090-1602365-1602503-1602528-1602551-1602571-1602576 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 11 novembre 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Huez a approuvé son plan local d'urbanisme. Ce jugement est définitif. Il ressort des termes du jugement précité que le moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par les auteurs du PLU du principe d'équilibre fixé à l'article L. 121-1 alors applicable du code de l'urbanisme concerne " l'urbanisation dans son ensemble ", à l'échelle de la commune. Dans ces conditions, les règles applicables au projet sont en lien avec le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble, lequel affecte la légalité de la totalité du PLU. Il en résulte que la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur, en l'espèce, le POS de la commune d'Huez.
7. Aux termes du règlement du POS de la commune d'Huez, le caractère de la zone NC se définit comme " une zone de richesses à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol, [qui] comprend une zone NCs où les constructions et aménagements liés à la pratique du ski sont autorisés ". Aux termes de l'article NC1 : " Sont admis sous conditions : (...) Dans le secteur NCs, les installations liées au domaine skiable, à son exploitation technique, à sa mise en valeur technique et touristique, les équipements de desserte routière ou les réseaux enterrés. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet est situé en zone NCs du POS de la commune d'Huez applicable au litige en vertu de ce qui vient d'être dit aux points 4 à 6 de l'arrêt. L'ouverture d'un bar-billard salle de jeux, si elle permet une diversification des activités à l'intention des vacanciers et habitants de la commune, n'apparaît toutefois pas comme une installation en lien avec la pratique du ski et à la mise en valeur touristique du domaine skiable. Dans ces conditions, la commune d'Huez et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'autorisation en litige au motif que le projet n'entrait pas dans le champ des occupations et utilisations du sols admises en zone NCs.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Huez et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 23 août 2016 en litige.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent tant la commune d'Huez que M. E... au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante en appel. Il y a en revanche lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de la commune d'Huez et de M. E... et de mettre à la charge de chacun d'eux la somme de 1 000 euros à verser à M. B....
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 18LY02052 de M. E... et n° 18LY02214 de la commune d'Huez sont rejetées.
Article 2 : La commune d'Huez et M. E... verseront chacun la somme de 1000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. L... E..., à la commune d'Huez ainsi qu'à M. F... B....
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Thierry Besse, président ;
Mme J... H..., première conseillère ;
Mme I... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.
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N° 18LY02052-18LY02214