Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 2 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour n'a pas été pris à l'issue d'un examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'état de santé de son époux ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- alors que le préfet n'était pas en situation de compétence liée, les conséquences de cette décision sont manifestement excessives ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 10 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... E..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 2 mai 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 mai 2019 :
En ce qui concerne le refus d'admettre Mme A... au séjour :
2. En premier lieu, il résulte de la motivation de l'arrêté en litige que, contrairement à ce que soutient Mme A..., le refus de titre de séjour a été pris après un examen sérieux et approfondi de sa situation, en tenant compte de celle de son époux qui a fait l'objet le même jour d'une mesure d'éloignement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressée, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Pour soutenir que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent ont été méconnues, la requérante fait principalement valoir l'état de santé de son époux, qui souffre de multiples pathologies, justifiant un traitement associant un suivi et la prise de nombreux médicaments. Toutefois, les éléments produits au dossier ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que M. A... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme A..., déboutée du droit d'asile comme son époux, est entrée en France à l'âge de trente-trois ans après avoir vécu la majeure partie de sa vie sans son pays d'origine où résident encore ses parents et six membres de sa fratrie. Rien ne s'oppose à ce qu'accompagnée de son époux qui fait également l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement ainsi qu'il a été dit et de leurs trois enfants nés en 2001, 2003 et 2004, elle poursuive une vie privée et familiale normale au Kosovo. En particulier, il n'est pas établi que les enfants de la requérante ne pourraient poursuivre leur scolarité au Kosovo ni que son époux ne pourrait accéder effectivement au traitement approprié à son état de santé. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et en dépit des liens amicaux que la famille a tissés depuis son arrivée en France il y a cinq ans, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions et stipulations citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
6. En second lieu, pour les motifs exposés au point 4, et quand bien même le préfet n'était pas tenu de prendre à son encontre une mesure d'éloignement comme le soutient la requérante, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. La requérante, qui se borne à indiquer qu'elle a fui son pays d'origine, et dont la demande d'asile a été rejetée, n'établit pas qu'un retour au Kosovo l'exposerait à un traitement contraire aux stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'état de santé de son époux pour soutenir que ce dernier ne pourrait y bénéficier d'un accès effectif aux soins dont il a besoin.
9. En second lieu, la décision attaquée n'ayant pas pour effet de séparer la cellule familiale qui peut se reconstituer au Kosovo dès lors que M. A..., de même nationalité, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 mai 2019, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte de Mme A... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Thierry Besse, président,
Mme H... F..., première conseillère,
Mme G... E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.
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N° 20LY01851