Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 21 décembre 2020 et le 22 mars 2021, M. C... D..., représentant désigné et autres, représentés par la Selarl Retex Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 11 juillet 2019 et celui du 3 avril 2020 le modifiant, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux contre le permis de construire initial ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Crest et de la société l'Immobilière Valrim la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête a été notifiée au pétitionnaire et à la commune conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis de construire ;
- le dossier de demande de permis est incomplet et méconnaît les articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, faute de comporter des éléments permettant au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement proche, notamment en terme de volumes, de hauteur, s'agissant des coloris de la toiture ainsi que des clôtures et de la modification de l'accès existant sur la montée Saint Antoine. ;
- c'est à tort que le maire de Crest n'a pas opposé de sursis à statuer à la demande de permis de construire du pétitionnaire ; le projet compromet l'exécution du PLU adopté deux mois après la délivrance du permis de construire initial ;
- le permis en litige méconnait l'article UB3 du règlement du PLU ;
- le permis en litige méconnait l'article UB4 du règlement du PLU ;
- le permis en litige méconnait l'article UB11 ;
- le permis en litige méconnait l'article UB12 ;
- le permis en litige méconnait l'article UB13 ;
- le permis en litige méconnait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 12 février et 8 avril 2021, la société L'Immobilière Valrim, représentée par la SELARL Fayol et associés, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme soit mis en œuvre en vue d'une régularisation du projet, et en toute hypothèse, à ce que les requérants lui versent la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 février et 25 mars 2021, la commune de Crest, représentée par Me Delaire, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme soit mis en œuvre en vue d'une régularisation du projet, et en toute hypothèse, et à ce que les requérants lui versent solidairement la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requêté est irrecevable faute de notification de la requête d'appel à son encontre et au pétitionnaire ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue le 14 mai 2021 par une ordonnance prise le 14 avril précédent sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par lettre en date du 17 décembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le vice tiré de la méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du PLU de Crest.
Un mémoire en réponse à ce courrier a été enregistré le 23 décembre 2021 pour la société L'Immobilière Valrim.
Un mémoire en réponse à ce courrier a été enregistré le 10 janvier 2022 pour la commune de Crest, représentée par Me Belluc.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Cunin, substituant Me Matras, pour M. D... et autres, celles de Me Royaux, substituant Me Belluc, pour la commune de Crest, et celles de Me Maamma pour la société L'Immobilière Valrim ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D... et autres relèvent appel du jugement du 27 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté 11 juillet 2019 par lequel le maire de Crest a accordé à la société L'Immobilière Valrim un permis de construire deux bâtiments de quatorze et seize logements, d'une surface de plancher de 2 219 m2 sur les parcelles cadastrées section AL n° 183 et 128, ce permis ayant fait l'objet, par arrêté du 3 avril 2020, d'un permis de construire modificatif.
Sur la légalité des permis de construire en litige :
2. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à sa délivrance, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif, dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial. Il y a lieu, dès lors, d'apprécier la légalité du permis de construire initial en tenant compte des modifications apportées par le permis modificatif délivré le 3 avril 2020.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'article 3 de l'arrêté du 14 avril 2018 de délégation, pris sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales au bénéfice de M. A..., premier adjoint au maire, au terme duquel il est chargé de l'" urbanisme opérationnel : instruction, délivrance, contrôle des autorisations d'occupation du sol (certificat d'urbanisme, autorisations de travaux) ", lui donne délégation de signature pour la délivrance des autorisations d'occupation du sol. La circonstance que cette délégation comporte une parenthèse mentionnant " certificats d'urbanisme et autorisation de travaux ", lequel doit être regardé comme un terme générique désignant les permis et déclaration préalables, ne saurait être interprété comme excluant la délivrance des permis de construire des fonctions pour lesquelles ce dernier est habilité à intervenir dans le domaine de l'urbanisme. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté de délégation a été transmis aux services préfectoraux par voie dématérialisée et a fait l'objet d'un affichage en mairie antérieurement à la date de délivrance des permis en litige, l'attestation du maire en ce sens faisant foi jusqu'à preuve contraire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués seraient entachés d'un vice d'incompétence n'est pas fondé.
4. En deuxième lieu, les requérants réitèrent en appel leurs moyens tiré de ce que les permis délivrés méconnaissent les dispositions des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, faute de comporter des éléments permettant au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement proche, de ce que le maire a entaché son arrêté du 11 juillet 2019 d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'opposer un sursis à statuer sur la demande de permis de la société L'Immobilière Valrim, et enfin de ce que le permis délivré le 11 juillet 2019 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation pour l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges respectivement aux points 4, 7, et 19 du jugement.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 3 du règlement du PLU adopté par la délibération du 18 janvier 2014 et dans sa version issue de la modification n°3, du conseil municipal de Crest : " Accès : Le débouché des véhicules entrants ou sortants de la parcelle devra être conçu de telle manière dans le projet qu'un dégagement visuel latéral suffisant soit préservé pour permettre l'insertion sans danger sur la voirie publique pour le véhicule sortant./ Voirie : Les dimensions tracés, profils et caractéristiques de toute voie nouvelle publique ou privée doivent être adaptés aux besoins des opérations qu'elles desservent : chaussée : 5 mètres minimum, plate-forme : 8 mètres. Dans tous les cas, elles doivent permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la " Montée Saint Antoine ", qui dessert déjà plusieurs constructions, présente une largeur permettant le croisement de deux véhicules et permet ainsi une desserte sécurisée des trente logements projetés. Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que la voie interne d'accès aux bâtiments ne présenterait pas une largeur suffisante par rapport aux exigences précitées lesquelles ne sont applicables qu'à la voirie publique ou privée desservant le terrain d'assiette du projet. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans de masse que l'accès au droit de la Montée Saint Antoine se fait dans une zone urbaine ou la vitesse de circulation est nécessairement limitée, sur une partie rectiligne de cette voie, pourvue d'une bonne visibilité que ne vient pas obérer la présence du local à poubelles ceint de murs d'une hauteur 1,60 mètres et attenant à l'espace d'insertion sur la voie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le permis initialement délivré, auquel le permis de construire modificatif n'apporte aucune modification sur ce A..., serait entaché d'erreur d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au A... 5, n'est pas fondé et doit être écarté dans toutes ses branches.
7. En quatrième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les documents versés à l'appui de la demande de permis de construire initial matérialise l'emplacement d'un local de recueil et de rassemblement des ordures ménagères et la notice architecturale précise qu'il s'agit d'un " espace couvert et clôturé par mur enduit ht 1,60 ". Alors même que ce local ne comporte ni toiture, ni portail d'accès, ses caractéristiques répondent aux exigences de l'article UB 4 lequel exige un local extérieur en vue de faciliter la collecte des ordures ménagères.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du PLU alors applicable : " Les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier (...) ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ainsi qu'aux paysages urbains, y compris en cas de recours à une architecture contemporaine. La continuité du front bâti et la sauvegarde de l'aspect ancien des rues, ruelles et voies, doivent toujours être recherchées ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le projet vise à démolir une maison de type pavillonnaire et sa piscine sur un terrain d'assiette d'une superficie de 4 660 m2 pour la remplacer par deux immeubles en R+3 totalisant trente logements et leurs stationnements. Le projet s'implante dans le secteur UB qui se définit comme " une zone de développement du centre-ville ", qui " a vocation à accueillir l'extension et le renforcement de celui-ci pour ce qui relève de l'habitat et des activités, des services, des bureaux des commerces et équipements publics et privés, compatibles avec la fonction dominante résidentielle. ". Or, si l'environnement proche du projet peu dense et sans alignement en front de rue, présente des constructions de type pavillonnaire pourvues de grands parcs et piscines, les constructions projetées s'implantent en milieu de la parcelle afin de limiter leur impact visuel et de préserver le front arboré du terrain donnant sur la voie publique ainsi que le long des limites séparatives. Par ailleurs, bien que d'une hauteur de moins de treize mètres, les deux bâtiments sont pourvus d'un 3e étage en attique qui en réduit la perception visuelle par le voisinage. Dans ces conditions, le projet en litige ne porte pas atteinte aux lieux avoisinants et n'a pas méconnu les dispositions précitées au A... 8.
10. En sixième lieu, l'annexe 1 du règlement du plan local d'urbanisme prévoit une place de stationnement pour les habitations d'une surface de moins de 60 m2 et deux places de stationnements pour les habitations d'une surface supérieure ou égale à 60 m2. En outre, est exigée une aire de stationnement à intégrer aux parties communes par tranche de trois logements créés. L'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que les " places de stationnement devront être pour leur totalité conçues en sous-sol ou en silo pour les constructions à usage d'habitat collectif, à l'exception des parkings visiteurs éventuels ".
11. Il est constant que le projet prévoit la création de huit logements de moins de 60 m2 et vingt-deux logements de plus de 60 m2, et, que conformément aux dispositions de l'article UB 12 précité, il prévoit la création de cinquante-deux places de stationnement dédiées aux futurs occupants et dix places visiteurs en surface. Si le projet prévoit sept garages comportant chacun deux places en enfilade, il ressort des pièces du dossier que chaque garage double sera affecté à un seul logement. Par ailleurs, il ressort des plans de masse que le parking situé entre les deux bâtiments, qui bénéficie du même accès que les places de stationnement implantées en sous-sol des bâtiments A et B et est au même niveau qu'eux, est implanté sous le terrain naturel avant travaux, la surélévation d'un mètre au-dessus de ce niveau à laquelle font allusion les requérants ne constituant que le garde-corps de la dalle couvrant ce parking couvert. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire contesté est entaché d'erreur d'appréciation pour l'application des prescriptions de l'article UB 12 du règlement du PLU.
12. En septième lieu, aux termes de l'article UB 13 dans sa rédaction issue du PLU adopté par délibération du 20 septembre 2019 du fait de la modification du permis de construire du 11 juillet 2019 intervenue spécifiquement sur ce A... : " Espaces libres et plantations : Les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes repositionnées en quantité égale, si nécessaire pour la construction, en d'autres points du terrain concerné. (...) / Les aires de stationnement en surface doivent être plantées à raison d'un arbre de haute tige pour quatre places de stationnement (...). ".
13. Il ressort des pièces produites à l'appui du permis de construire modificatif en date du 3 avril 2020 que le projet prévoit la destruction de quarante-quatre arbres et l'implantation de quarante-sept arbres, les arbres de haute tige présents en front de rue étant préservés. Par ailleurs, le projet prévoit la plantation de trois nouveaux arbres en sus des trois arbres de haute tige conservés à proximité immédiate des stationnements de surface. Dans ces conditions, en accordant les permis en litige, le maire a fait une exacte application des dispositions précitées au A... 10.
14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin-de-non-recevoir opposée par la commune en défense, que M. D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les requérants tendant à la mise à la charge de la commune de Crest et de la société L'Immobilière Valrim, qui ne sont pas parties perdantes, des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions à l'encontre des requérants et de mettre solidairement à leur charge la somme de 1 000 euros à verser d'une part à la commune et d'autre part, à la société pétitionnaire.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et autres est rejetée.
Article 2 : M. D... et autres verseront solidairement à la commune de Crest d'une part, et à la société L'Immobilière Valrim d'autre part la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., premier requérant désigné, à la société L'Immobilière Valrim et à la commune de Crest.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
Christine PsilakisLa présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03737