Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021, Mme A..., représentée par la Selarl BS2A, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2020, ainsi que l'arrêté du 11 août 2020 de la préfète de l'Ain ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut de statuer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier, la préfète n'ayant pas examiné son droit à disposer de plein droit d'une carte de résident en application des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni son insertion sociale et professionnelle ; le tribunal n'a d'ailleurs pas répondu sur ce dernier point et son jugement est irrégulier ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 314-8 du même code ; elle séjourne depuis plus de cinq années régulièrement en France et peut prétendre à la délivrance d'une carte de résident longue durée UE ; cette disposition fait obstacle à ce qu'elle bénéficie d'une carte de résident et conduit à une discrimination indirecte, en méconnaissance des stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en distinguant selon les taux d'incapacité permanente ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle est entachée d'un défaut d'examen ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement puisqu'elle peut bénéficier de plein droit d'une carte de résident longue durée UE ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
Par un mémoire enregistré le 22 mars 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que l'intéressée ne justifie pas de la continuité de son séjour entre le 8 mars 2017 et le 15 octobre 2018, soit environ dix-huit mois et que les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision du 10 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme A... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ;
- les observations de Me Guillaume, substituant Me Bescour, pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kossovare née le 24 septembre 1984, est entrée en France le 26 août 2013 et a demandé la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile des 20 janvier 2014 et 18 décembre suivant. Mme A... a ensuite bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 9 mars 2015 au 14 octobre 2019, dont elle a demandé pour la dernière fois le renouvellement le 23 septembre 2019. Par arrêté du 11 août 2020, la préfète de l'Ain a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Si Mme A... soutient que le jugement n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa demande en omettant de se prononcer sur son insertion en France, il ressort toutefois au point 6 du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse à ce moyen.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 août 2020 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 11 juin 2020 que l'état de santé de Mme A... ne nécessite pas de prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une particulière gravité. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été opérée en décembre 2016 d'une scoliose thoraco-lombaire majeure avec une chirurgie lourde du rachis et que l'unique certificat médical versé aux débats et daté d'août 2020, atteste de la nécessité d'un suivi régulier. Toutefois, ce certificat médical ne permet pas de remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII précitée, que s'est appropriée la préfète. Par suite, en estimant, à la date de la décision en litige, que l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Ain n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., présente depuis 2013 en France, est célibataire et sans enfant et qu'elle ne justifie pas d'une intégration particulière si ce n'est une convention de stage sous l'égide du secours populaire. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, de l'article L. 313-21 lorsqu'il s'agit du conjoint ou des enfants du couple de l'étranger titulaire de la carte de séjour délivrée en application du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 313-24, L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; ".
6. Mme A... fait valoir qu'en s'abstenant de lui délivrer la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE ", la préfète a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier, dès lors qu'elle aurait dû bénéficier de plein droit de ce titre de séjour, la condition de ressources prévue au 2° de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ne lui étant pas opposable puisqu'elle bénéficie, par une décision du 12 mars 2020 de la maison départementale des personnes handicapées de l'Ain de l'allocation aux adultes handicapés.
7. D'une part, il est constant que l'intéressée n'a formulé aucune demande auprès des services préfectoraux tendant à la délivrance d'une carte de résident de longue durée-UE et la préfète n'était pas tenue d'examiner le droit au séjour de l'intéressée au regard d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autres que celles relatives à sa demande.
8. D'autre part, si Mme A... justifie avoir résidé régulièrement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq années, la régularité de son séjour ressortant des extraits du fichier national des étrangers pour la période comprise entre le 4 décembre 2014 et le 4 septembre 2020 où l'intéressée a séjourné sous couvert de récépissés de demande de titre de séjour ou de cartes de séjour délivrées sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'allocation dont bénéficie l'intéressé est relative à un taux d'incapacité compris entre 50 et 80% et est fondée sur l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, lequel n'entre pas dans le champ des exonérations de la condition de ressources prévues au 2° des dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si la requérante soutient que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont discriminatoires, et de ce fait contraires aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elles n'exonèrent pas de la condition de ressources le titulaire de l'allocation adulte handicapé délivrée sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, toutefois, un refus de délivrance de la carte de séjour de résident de longue durée-UE ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressée au titre de la vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées introduisent une discrimination contraire aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sauraient être regardés comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour et qui se justifient par l'objectif légitime de n'ouvrir le statut de résident de longue durée qu'aux étrangers jouissant d'une autonomie financière, n'est pas fondé et doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant le titre de séjour en litige, la préfète a méconnu les dispositions précitées au point 5 et a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
11. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'un défaut d'examen particulier et d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 à 9.
12. En troisième lieu, la requérante, qui ne remplit aucune des conditions énumérées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celle énumérée au 10° compte tenu de ce qui a été dit au point 3, et qui ne relève pas des étrangers pouvant obtenir une carte de résident longue-durée UE, pour les motifs exposés au points 5 à 9, n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire.
En ce qui concerne les autres décisions :
13. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre des décisions fixant un délai de départ volontaire à trente jours et fixant le pays de renvoi.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
Christine Psilakis La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00133