Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés le 21 juillet et les 29 décembre 2020 et 4 mars 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. D..., représenté par Me B... puis en dernier lieu par Me E..., demande à la cour :
1°) d'enjoindre au préfet du Rhône de verser aux débats les extraits de l'application THEMIS se rapportant à la procédure de demande de titre de séjour en particulier les échanges entre les trois médecins composant le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2020 ainsi que les arrêtés du préfet du Rhône du 5 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt de la Cour et sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne lui a pas été régulièrement notifié ;
- les décisions en litige sont insuffisamment motivées et ont été signées par une autorité incompétente ;
- la décision de refus de séjour a été prise sur le fondement d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration irrégulier ; les trois médecins composant le collège ne se sont pas réunis avant de rendre leur avis lequel n'est donc pas collégial ;
- le préfet a entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur d'appréciation pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du même code ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été prise en violation de son droit à être entendu ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Rhône, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative .
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant iranien né le 16 octobre 1971, est entré en France le 17 avril 2013. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 avril 2014. Après avoir fait l'objet d'un premier arrêté du 15 septembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, M. D... a, le 2 août 2017, demandé son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Rhône a refusé de délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être éloigné d'office par arrêté du 5 septembre 2019. M. D... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet du Rhône.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. D... indique que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il n'aurait été notifié qu'à son avocat, cette circonstance à la supposer établie, n'a pour conséquence que de rendre les délais d'appel inopposables à M. D... et est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen selon lequel le jugement serait irrégulier faute d'avoir été régulièrement notifié au requérant ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 septembre 2019 :
3. En premier lieu, les décisions attaquées ont été signées par Mme F... C..., directrice adjointe des migrations et de l'intégration, qui a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet du Rhône du 28 août 2019, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes en litige doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige énonce de manière détaillée les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé, en indiquant notamment, s'agissant de l'état de santé de l'intéressé, que celui-ci nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers le pays dont il a la nationalité. Par suite, cette motivation répond aux exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 31322 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Pour l'application du 11° de l'article L. 31311, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " (...) le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'un rapport médical a été établi le 13 février 2018 par le Dr Pacaud, que l'avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu le 13 juin 2018 et que le médecin rapporteur, le Dr Pacaud, n'a pas siégé au sein du collège qui a rendu l'avis sur l'état de santé de M. D.... Enfin, l'avis du 13 juin 2018 porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
8. Selon l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. En se bornant à verser aux débats plusieurs certificats médicaux dont le dernier datant de décembre 2020 attestant de la prise d'antidépresseurs et de son suivi par son médecin traitant pour un stress chronique post-traumatique accompagné d'un syndrome anxio-dépressif majeur avec céphalées, vertiges insomnie, cauchemars, névralgie du membre inférieur gauche, myalgie et polyarthrite, le requérant n'apporte pas d'éléments probants de nature à infirmer l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII sur son état de santé. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions de l'article citées au point précédent en refusant de délivrer un titre de séjour à M. D....
9. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
10. En sixième lieu, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger intéressé à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour et la perspective de son éloignement.
11. Il ressort des pièces du dossier que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. D... intervient après que l'intéressé a déposé une demande de titre de séjour auprès des services préfectoraux au cours d'un rendez-vous fixé le 2 août 2017, au cours duquel il a pu exposer l'ensemble de sa situation. Même s'il n'a pas été invité à présenter des observations sur une éventuelle nouvelle mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre dans l'hypothèse où sa demande de titre de séjour serait refusée, il a ainsi pu exposer les motifs pouvant faire obstacle à son éloignement. En tout état de cause, il n'allègue pas qu'il aurait tenté en vain de porter à la connaissance de l'administration des éléments pertinents relatifs à sa situation. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne.
12. En septième lieu, alors que l'avis du collège des médecins de l'OFII précise que le requérant peut voyager sans risque vers son pays d'origine, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français ne méconnait pas l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée par les instances compétentes dans les conditions rappelées au point 1, fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Iran du fait de ses activités de journaliste, il n'apporte aucune précision quant à la réalité et l'actualité des risques allégués.
14. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet du Rhône de communiquer d'autres documents, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'ils présentent, au bénéfice de son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme H... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
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N° 20LY01905