Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 20 mars 2018 qui n'a pas été communiqué, la société MHGE, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 avril 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire du 17 octobre 2013 et la décision du 7 février 2014 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Meyzieu une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir en sa qualité de propriétaire du terrain voisin de la parcelle d'assiette du projet ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'est pas justifié de la compétence du signataire du permis de construire du 17 octobre 2013 en matière d'établissements recevant du public ou que le maire a donné son accord au projet ;
- le projet architectural ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme s'agissant des modalités de raccordement de la construction projetée aux réseaux ou de l'emplacement et des caractéristiques de la servitude de passage qui est invoquée ;
- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme dès lors que le projet requiert une extension du réseau d'électricité ;
- compte tenu des caractéristiques des dispositifs de lutte contre l'incendie envisagés, la délivrance du permis de construire procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et méconnaît l'article 4.5 du plan local d'urbanisme (PLU) communautaire ;
- les modalités d'accès au projet méconnaissent l'article 3 du règlement du PLU communautaire s'agissant des possibilités de manoeuvre des véhicules de lutte contre l'incendie.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2017, la commune de Meyzieu, représentée par la SELARL cabinet d'avocats Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société MHGE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable, faute pour la société MHGE de justifier d'un intérêt à agir et faute de notification de son appel à la société Eiffage selon les formes requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2018, la société Eiffage Immobilier Centre Est, représentée par la SCP Cascio-Ortal-Dommée-Marc, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros lui soit versée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable, faute pour la société MHGE de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société MHGE ainsi que celles de Me C... pour la commune de Meyzieu ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la commune de Meyzieu enregistrée le 30 mars 2018 ;
Après avoir invité les parties, par courrier du 6 avril 2017, à présenter leurs observations sur l'éventualité d'un sursis à statuer au titre des dispositions de l'article L. 600-5-1 pour permettre la régularisation du permis en litige par la délivrance d'un permis modificatif ;
Et après avoir pris connaissance des observations présentées pour la société Eiffage Immobilier Centre Est enregistrées le 13 avril 2018, ainsi que des observations présentées pour la commune de Meyzieu enregistrées le 20 avril 2013 ;
1. Considérant que, par arrêté du 17 octobre 2013, le maire de Meyzieu a délivré un permis de construire à la société Eiffage Immobilier Centre Est en vue de la réalisation d'un hôtel de soixante-treize chambres sur un terrain situé rue du 24 avril 1915 ; que la société MHGE a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler ce permis de construire ainsi que la décision du 7 février 2014 portant rejet de son recours gracieux ; qu'elle relève appel du jugement du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la recevabilité de la requête de la société MHGE :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société MHGE a, par des courriers recommandés avec avis de réception envoyés le 4 juillet 2016, notifié sa requête d'appel à la commune de Meyzieu ainsi qu'à la société Eiffage Immobilier Centre Est ; que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'obligation de notification prescrite par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée ;
Sur l'intérêt à agir de la société MHGE :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ;
4. Considérant que la société civile immobilière MHGE expose qu'elle est propriétaire d'un terrain bâti limitrophe du terrain d'assiette du projet en litige, lequel porte sur la réalisation d'un hôtel de soixante-treize chambres réparties sur cinq étages ; que ces terrains relèvent du même lotissement, aux équipements, voies et réseaux duquel le projet prévoit de se raccorder ; que, dans ces conditions et contrairement à ce que soutient la commune de Meyzieu, la société requérante justifie d'un intérêt qui lui donne qualité pour demander l'annulation du permis contesté ;
Sur la légalité du permis de construire du 17 octobre 2013 :
En ce qui concerne les insuffisances du plan de masse :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. (...) " ;
6. Considérant que, si le plan de masse du projet critiqué fait suffisamment état des conditions d'accès à son terrain d'assiette depuis la rue du 24 avril 1915, ce plan se borne, s'agissant du raccordement du bâtiment projeté aux réseaux et confirmant en cela les énonciations de la notice jointe à la demande de permis de construire selon lesquelles les réseaux secs et humides ont été réalisés dans le cadre du lotissement Grand Est jusqu'en limite de son lot 4, à relever l'existence de "réseaux en attente" au nord-ouest de ce terrain, sans indiquer les modalités prévues pour le raccordement à ces réseaux ; qu'alors que les avis émis dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire en litige et les réserves mêmes dont ce permis est assorti font apparaître que le terrain d'assiette du projet n'est pas desservi par un réseau électrique de capacité suffisante et que la réalisation de ce projet impose notamment la mise en place d'un poteau d'incendie d'un diamètre de 100 mm, le rejet des eaux usées dans le réseau existant de diamètre 400 selon des modalités restant à définir et l'évacuation des eaux pluviales en dehors de l'égout public, les carences du plan de masse du projet sur ces différents points, que ne compense pas la présence au dossier de demande du plan des réseaux du lotissement dont il relève, faisaient obstacle à ce que l'autorité administrative statue en toute connaissance de cause s'agissant du raccordement du projet aux divers réseaux et ont été de nature à fausser l'appréciation portée par cette autorité sur la conformité du projet à la réglementation applicable ; que, dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
En ce qui concerne l'accord de l'autorité compétente en matière d'établissements recevant du public :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) " ; que les arrêtés du maire consentant, en application de ces dispositions, des délégations aux adjoints doivent définir avec une précision suffisante les limites de ces délégations ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent. (...) " ; que le permis de construire ne peut être octroyé qu'avec l'accord, lorsqu'il est requis, de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ;
9. Considérant que le maire de Meyzieu a, par arrêté du 8 avril 2008, délégué une partie de ses fonctions à Mme B..., qui a signé le permis de construire en litige, dans les termes suivants : " aménagement urbain - cadre de vie (travaux de voirie / réseaux / espaces verts / parcs / environnement) (autorisations d'occupation du sol, notamment les permis d'aménager, de construire, les déclarations préalables et certificats d'urbanisme) " ; que, si cette délégation habilite son titulaire à signer les arrêtés accordant un permis de construire, y compris lorsque le permis tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, elle ne saurait lui donner compétence pour délivrer cette dernière autorisation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accord du maire de Meyzieu ou, le cas échéant, de son adjoint délégué en matière d'établissements recevant du public a été recueilli avant que le permis de construire du 17 octobre 2013 ne soit délivré ; qu'eu égard à ses termes, le rejet par le maire de Meyzieu, le 13 décembre 2013, du recours gracieux formé par la requérante contre ce permis de construire ne saurait être regardé comme manifestant un tel accord ; que, par suite et alors que le permis de construire modificatif du 28 mai 2014 dont se prévaut la société Eiffage Immobilier Centre Est n'a pas davantage été délivré par le maire de Meyzieu, la société MHGE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon n'a pas accueilli son moyen tiré du défaut d'accord préalable de l'autorité compétente en matière d'établissements recevant du public ;
En ce qui concerne l'extension du réseau d'électricité :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis de la société ERDF du 5 juillet 2013, que le projet de construction en litige nécessitait la réalisation de travaux d'extension souterraine du réseau de distribution électrique basse tension sur une longueur de 285 m sur le domaine public, dont l'initiative et la prise en charge financière incombaient à la commune ; que, si la commune de Meyzieu expose que son conseil municipal approuve annuellement une ligne budgétaire spécifique en vue du financement des opérations portant sur les réseaux liées aux autorisations de construire qui sont délivrées et approuve l'engagement des dépenses correspondant aux opérations qui lui sont soumises, cette circonstance ne suffit pas pour justifier de l'existence d'une décision de la commune, ni même de son intention, de faire réaliser les travaux requis pour la construction de l'hôtel en litige ; que, dans ces conditions, la société MHGE est fondée à soutenir que le permis de construire du 17 octobre 2013 a été délivré en violation des dispositions précitées de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
En ce qui concerne les autres moyens :
12. Considérant qu'au soutien de sa requête, la société MHGE réitère pour le surplus ses moyens de première instance selon lesquels, du fait des caractéristiques de la voie d'accès au projet et du dispositif de lutte contre l'incendie retenus, l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et les articles 3 et 4 du règlement de la zone UI du PLU applicable à Meyzieu ont été méconnus ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges ;
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " ;
14. Considérant que les vices relevés aux points 6, 9 et 11 du présent arrêt, qui n'affectent pas la conception générale du projet, sont au nombre de ceux qui sont susceptibles d'être régularisés par la délivrance d'un permis de construire modificatif ; qu'il y lieu, en l'espèce, de faire usage de la faculté ouverte par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de surseoir à statuer sur la légalité du permis de construire en litige, en fixant à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la société Eiffage Immobilier Centre Est pour justifier de la délivrance d'un permis de construire régularisant l'autorisation contestée ;
DECIDE :
Article 1 : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 17 octobre 2013 jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois fixé au point 14 du présent arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MHGE, à la commune de Meyzieu et à la société Eiffage Immobilier Centre Est.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 16LY02240
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