Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 octobre 2017, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2017 en tant qu'il a prononcé l'annulation des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
2°) de rejeter les conclusions des demandes de M. et Mme C... dirigées contre ces décisions.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs en ce qu'il apprécie différemment la situation privée et familiale des intimés pour, d'une part, rejeter la demande d'annulation des décisions les obligeant à quitter le territoire sans délai et, d'autre part, accueillir le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler les décisions portant interdiction de retour en France pendant une année.
- ces mesures d'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaissent pas les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les intéressés ont fait chacun l'objet d'une précédente mesure d'éloignement du 28 avril 2015 qu'ils n'ont pas exécutée et ne peuvent se prévaloir d'aucune circonstance humanitaire puisque les pathologies dont souffre M. C... peuvent être soignées à Madagascar, où ils disposent d'attaches familiales.
La requête a été communiquée à M. et Mme C..., qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 22 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 19 septembre 2017 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an à l'encontre de M. et Mme C....
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
3. M. et Mme C..., ressortissants malgaches, sont entrés en France en octobre 2012. Ils ont présenté des demandes d'asile en janvier 2013 qui ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2014, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 27 novembre 2014. M. C... a alors présenté une demande de carte de séjour pour raisons de santé qui a donné lieu à un avis du médecin de l'agence régionale de santé aux termes duquel l'état de l'intéressé nécessite un traitement médical dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qui est disponible à Madagascar. Cette demande de carte de séjour a ainsi fait l'objet, par arrêté du préfet de l'Oise du 28 avril 2015, d'un refus assorti d'une obligation pour le demandeur de quitter le territoire français. Le préfet de l'Oise avait auparavant, par arrêté du 20 janvier 2015, opposé à Mme C... un refus de séjour également assorti d'une obligation de quitter le territoire français. C'est dans ce contexte que M. et Mme C... ont été interpellés en septembre 2017 en situation irrégulière et qu'ils ont fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français sans délai assorties des interdictions de retour sur le territoire en litige.
4. M. et Mme C..., auxquels aucun délai n'a été accordé pour exécuter les obligations de quitter le territoire prononcées à leur encontre par les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 19 septembre 2017 en litige et qui n'avaient pas exécuté de précédentes mesures de même nature prises en 2015 par le préfet de l'Oise, se trouvaient dans le cas visé au premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour.
5. Pour contester la légalité des interdictions de retour prononcées à leur encontre, M. et Mme C... exposent qu'ils peuvent se prévaloir de circonstances humanitaires en raison de l'état de santé de M. C... et de la présence en France de membres de leur famille avec lesquels ils doivent pouvoir rester en contact. Toutefois ces seuls éléments, alors notamment que la demande de carte de séjour de M. C... pour raisons de santé a été rejetée au motif qu'il peut bénéficier d'un traitement médical approprié à Madagascar, ne sont pas de nature à caractériser des circonstances humanitaires s'opposant à ce que le préfet prononce une interdiction de retour sur le territoire. Eu égard à la situation des intéressés, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés en prononçant de telles interdictions.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 19 septembre 2017 interdisant à M. et Mme C... de revenir sur le territoire français pendant une année et à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de M. et Mme C....
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions des demandes de M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation des décisions du 19 septembre 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
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N° 17LY03712
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