Par un jugement n° 1802579 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 août 2018, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 27 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, ou dans l'attente du réexamen de sa demande, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation de sa part à percevoir l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence puisqu'en ne justifiant pas de la nomination de M. C... au poste de secrétaire général de la préfecture de la Drôme, le préfet ne démontre pas que la délégation de signature versée aux débats en première instance est régulière ;
- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre, méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 511-1 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fonder son éloignement sur les mentions du logiciel Télémofpra pour affirmer que la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui avait été notifiée régulièrement ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte aux éléments qu'il a fait valoir en première instance.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique ;
- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
- et les observations de Me D... pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 mars 2018 par lesquelles le préfet de la Drôme lui a refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de Français, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par, M. Frédéric Loiseau, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature consentie par arrêté préfectoral du 4 septembre 2017, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs spécial du 4 septembre 2017. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté comme manquant en fait, sans qu'il y ait lieu d'exiger la production par le préfet de l'acte nommant M. C... en qualité de secrétaire général de la préfecture.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. B..., ressortissant arménien né en 1993, fait valoir qu'il séjourne en France depuis huit ans, qu'il vit avec son épouse française, avec laquelle il s'est marié le 15 avril 2017, que ses parents résident en Russie et qu'il possède de bonnes capacités d'insertion professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est entré dans des conditions indéterminées en décembre 2010 en France, après avoir transité par la Suède, où il est entré avec un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par décision du 2 mars 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 23 octobre suivant par la Cour nationale du droit d'asile. L'union du requérant avec une ressortissante française est récente et le couple n'a pas d'enfant. Si M. B... se prévaut d'une embauche, à compter du mois de novembre 2017 en qualité de maçon intérimaire, cette situation est récente et précaire. Enfin, l'intéressé, bien qu'il soit ne soit pas en situation régulière vis-à-vis de son service militaire, n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Arménie pour obtenir un visa de long séjour afin de rejoindre régulièrement son épouse en France. Dans ces circonstances, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour porte, au regard des buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
4. En troisième lieu, compte tenu de ce qui est dit au point précédent s'agissant des moyens dirigés contre le refus de titre de séjour, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 74-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Il ressort des termes de la décision en litige que le préfet de la Drôme a entendu fonder l'obligation de quitter le territoire sur le refus de délivrer à M. B... une carte de séjour en qualité de conjoint de Français, le rejet de la demande d'asile, notifié en 2013, n'étant évoqué qu'au titre du rappel du parcours de l'intéressé depuis son entrée sur le territoire. En conséquence, le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet ne pouvait l'éloigner, faute d'avoir justifié de la notification du rejet de sa demande d'asile par la production d'un avis de réception en complément des mentions de l'application informatique Télémofpra.
6. En cinquième lieu, pour les motifs exposés au point 3, la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire en litige n'apparaît pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ni ne méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Selon le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Si M. B... soutient qu'il serait en danger en cas de retour en Arménie en faisant valoir qu'il n'a pas effectué son service militaire, qu'il risque d'être considéré comme déserteur et d'encourir une peine de prison, il ne produit toutefois aucun élément probant permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques ainsi allégués.
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
2
N° 18LY03023
md