Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juillet 2015 et 8 mars 2017, M. C... et Mme C... épouseH..., représentés par la Selarl CDMF avocats, affaires publiques, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Chirens du 23 août 2012 ;
3°) d'enjoindre au maire de Chirens de statuer à nouveau sur leur demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Chirens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté contesté est signé par un adjoint qui n'a pas reçu de délégation régulière à cet effet alors que l'autorité administrative n'était pas en situation de compétence liée ;
- le refus de permis de construire ne pouvait légalement être fondé sur l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, faute de justification du caractère insuffisant du réseau d'alimentation en eau potable qui dessert le terrain alors que le débit maximal de 100 m3 par jour prévu par convention n'est pas atteint et que le maire n'a pas cherché à établir une date de réalisation des travaux nécessaires ;
- le refus de permis de construire est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2015, la commune de Chirens, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour M. C...et Mme C...épouseH..., et de Me F...pour la commune de Chirens ;
1. Considérant que M. C... et Mme C... épouse H...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de l'arrêté du 23 août 2012 par lequel le maire de la commune de Chirens a refusé de leur délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section B n° 157 située au lieu-dit " Pré devant ", ainsi que du rejet de leur recours gracieux formé contre cette décision ; qu'ils relèvent appel du jugement du 7 mai 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...). " ;
3. Considérant que le refus de permis de construire du 23 août 2012 est fondé sur un premier motif tiré de ce que, selon les termes de l'arrêté critiqué, "le terrain est desservi par le réseau d'eau potable au droit du terrain mais que le réseau d'eau est insuffisant", de sorte "qu'aucune construction ne peut être autorisée du fait de l'insuffisance des conditions de desserte du terrain par les équipements publics, notamment en eau potable et du fait que le projet impose la réalisation d'équipements publics supplémentaires pour lesquels il est impossible d'indiquer actuellement dans quel délai et par [quelle] collectivité publique ou [quel] concessionnaire de service public lesdits travaux pourraient être réalisés (application de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme)" ;
4. Considérant que, pour critiquer ce motif de refus, les requérants font valoir qu'il n'est pas justifié de l'insuffisance alléguée du réseau d'eau potable qui dessert leur terrain ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du 13 juillet 2012 au vu duquel la décision en litige a été prise et émis par la communauté d'agglomération du pays voironnais, gestionnaire du réseau d'eau potable, que l'insuffisance du réseau alléguée n'a trait, en réalité, qu'à la fixation à une dotation journalière de 100 m3 du volume d'eau fourni aux abonnés de la commune de Chirens par convention conclue en juillet 1988 avec le Syndicat des eaux de la Bièvre et du Val d'Ainan ; que la seule circonstance, au demeurant contestée par les requérants, que cette limite contractuelle de 100 m3 serait atteinte à raison des volumes d'eau consommés par les abonnés au titre des constructions existantes ne permet pas d'établir que le réseau serait insuffisant pour permettre le raccordement de la construction projetée et que des travaux de renforcement du réseau public de distribution d'eau seraient nécessaires ; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le maire de Chirens n'a pu légalement fonder le refus de permis contesté sur les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant que le refus de permis de construire du 23 août 2012 est également fondé sur un second motif, tiré de ce que, selon les termes de l'arrêté critiqué, le terrain d'assiette du projet "se trouve en zone de glissement de terrain aléa moyen où toute construction est interdite" ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet des requérants est situé dans une zone dite G2 caractérisée par un aléa moyen de glissement de terrain identifiée sur la carte des aléas établie en février 2012 par le service RTM (restauration des terrains en montagne) et jouxte au nord une zone dite G3 soumise à un aléa fort de glissement de terrain ; que, pour soutenir que le refus qui leur a été opposé procède d'une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, les requérants se bornent à faire état des incertitudes relatives au classement de leur terrain et à affirmer que celui-ci, à proximité duquel des constructions ont été édifiées, est " quasiment plat " ; qu'alors que, dans le cadre de l'élaboration du plan local d'urbanisme, le commissaire-enquêteur a subordonné à la réalisation d'une étude géotechnique son avis favorable au classement du terrain en cause en zone constructible, les requérants n'apportent au dossier soumis à la cour aucun élément permettant d'établir le caractère erroné de l'appréciation portée sur le risque de glissement de terrain auquel leur projet serait exposé ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;
8. Considérant cependant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Chirens aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de l'exposition du terrain d'assiette du projet à un risque de glissement de terrain ; qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande et à solliciter l'annulation de ce jugement et de la décision du 23 août 2012 ;
9. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que l'annulation de la décision du maire de Chirens du 23 août 2012 refusant de délivrer un permis de construire aux requérants implique que cette autorité procède à une nouvelle instruction de leur demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au maire de Chirens de procéder à ce réexamen et de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire des requérants dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les frais d'instance :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la commune de Chirens soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chirens le versement aux requérants de la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300881 du 7 mai 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Chirens du 23 août 2012 portant refus de permis de construire et le rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté par M. C... et Mme C... épouse H...sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Chirens de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de M. C... et Mme C...épouse H...dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Chirens versera la somme de 1 500 euros à M. C... et Mme C... épouse H...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Chirens tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme B... C...épouse H...et à la commune de Chirens.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. A... E...et Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15LY02284
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