Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 août 2016, M. E..., représenté par DSC Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 juillet 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 23 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de
quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet de produire des éléments circonstanciés relatifs à sa pathologie et à sa prise en charge ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée au préfet de l'Yonne qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2016.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
1. Considérant que M. A...F...E..., ressortissant sri-lankais né le 15 août 1973, est entré en France, selon ses déclarations, le 9 octobre 2012, accompagné de son épouse et de leur fils ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 3 septembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mars 2015 ; que, le 13 novembre 2015, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé ; que, par décisions du 23 février 2016, le préfet de l'Yonne a refusé de délivrer à M. E... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ; que M. E... relève appel du jugement du 11 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité des décisions du 23 février 2016 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces médicales et ordonnances qu'il a produites, que le requérant souffre de la maladie de Basedow et fait l'objet d'un suivi à raison d'une hypertyroïdie sévère pour laquelle il bénéfice d'un traitement médicamenteux dont le détail a été communiqué par l'intéressé ; que, le 14 janvier 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis selon lequel l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors que l'intéressé ne peut avoir accès dans son pays d'origine à un traitement approprié ; que, s'agissant de l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine du requérant, le préfet de l'Yonne se borne à indiquer, dans la décision litigieuse, qu'il s'est fondé sur les éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux résultant notamment de la liste des médicaments disponibles dans ce pays et sur des éléments transmis par l'Organisation mondiale de la santé faisant état de ce que la majorité des maladies courantes et notamment les affections psychiatriques sont susceptibles d'y être prises en charge, et à produire à l'appui de ses écritures des informations générales fournies par l'ambassade de France au Sri-Lanka et aux Maldives, notamment dans un courrier électronique du 25 février 2016 relatif à l'offre médicale et hospitalière ; que les éléments d'ordre général exposés par le préfet ne suffisent toutefois pas à établir que le traitement prescrit à l'intéressé du fait de la maladie auto-immune dont il souffre, ou un traitement équivalent, était disponible au Sri-Lanka à la date de la décision litigieuse et à remettre ainsi en cause les énonciations de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 14 janvier 2016 faisant état de l'absence d'un traitement approprié à l'état de santé du requérant dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, M. E...est fondé à se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour est entaché d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour relatives à son éloignement ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 février 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de l'Yonne délivre une carte de séjour temporaire à M. E... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Yonne de se prononcer à nouveau sur la situation de M. E... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a en l'espèce pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
6. Considérant que M. E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à MeB..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600858 du 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Dijon et les décisions du 23 février 2016 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé à M. E... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de mise à exécution de cette obligation sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de réexaminer la situation de M. E... au regard de son droit au séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me B...en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à M.E....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne ainsi qu'au procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Auxerre.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. Juan Segado et Mme C...D... premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N ° 16LY02926
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