Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 juin et 11 octobre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 mars 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Puy-de-Dôme du 7 février 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de lui allouer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de renonciation à percevoir l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette obligation méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le principe général du droit de l'Union européenne à être entendu avant toute décision défavorable ;
- elle est entachée d'erreur de fait et a été prise en méconnaissance du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il est mineur ;
- elle a été prise en méconnaissance des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
1. Considérant que M. A..., ressortissant de la République de Côte d'Ivoire, est entré en France le 24 décembre 2016 ; qu'il s'est présenté aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Puy-de-Dôme en qualité de mineur isolé ; qu'estimant qu'il était majeur, la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours par arrêté du 7 février 2017 ; que M. A...relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,, dans sa rédaction applicable : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ;
3. Considérant que pour obliger M. A... à quitter le territoire français, la préfète du Puy-de-Dôme s'est notamment fondée sur le fait que l'intéressé ne pouvait justifier ni de son identité ni de son âge, l'extrait d'acte de naissance produit à cet effet étant un document falsifié, et sur le fait que l'examen osseux pratiqué par le service d'imagerie médicale du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 29 décembre 2016 selon la méthode de Greulich et Pyle indique qu'il serait âgé de dix-neuf ans ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'arrêté en litige, M. A... a été mis en possession d'une carte d'immatriculation consulaire délivrée le 27 juin 2017 par l'ambassade de Côte d'Ivoire en France, ainsi que d'un passeport biométrique délivré le 26 juillet 2017 par les autorités ivoiriennes ; que ces documents mentionnent la date du 12 décembre 2000 comme étant celle de la naissance de M. A... et les autres mentions relatives à son lieu de naissance ou à sa nationalité sont en tous points identiques ; qu'eu égard à cet ensemble d'éléments, et alors que la préfète n'a pas saisi les autorités ivoiriennes aux fins de vérification des documents d'état civil fournis par l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'acte de naissance produit par M. A... était inexact, irrégulier ou falsifié ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A... était mineur à la date de la décision attaquée ; qu'il a d'ailleurs fait l'objet d'une mesure de placement en assistance éducative par décision du 12 juillet 2017 du tribunal pour enfants au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ; qu'il s'ensuit que la préfète du Puy-de-Dôme ne pouvait édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire sans méconnaître les dispositions précitées ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Puy-de-Dôme du 7 février 2017 ;
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;
7. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas la délivrance au requérant d'une carte de séjour mention "vie privée et familiale" mais seulement qu'il soit muni, en application des dispositions citées au point précédent, d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative compétente ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu de fixer à un mois à compter de la notification de l'arrêt le délai dans lequel une nouvelle décision devra être prise ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
8. Considérant que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me C... , sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre d'aide juridictionnelle ;
9. Considérant que si M. A... demande également qu'une somme lui soit versée par l'Etat au titre de ses frais en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il ne justifie pas avoir exposé de frais autres que ceux que la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle qui lui a été attribuée a vocation à couvrir ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 mars 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète du Puy-de-Dôme du 7 février 2017 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de statuer à nouveau sur le cas de M. A... dans le délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée :
- au préfet du Puy-de-Dôme ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 17LY02488
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