Par un jugement n° 1601621 du 6 juin 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2016, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 6 juin 2016 ;
3°) d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 27 mai 2016 ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de cette notification et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour dès lors que ce refus de titre méconnaît les dispositions des articles L. 311-12 et L. 311-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle ne peut pas voyager en raison de son état de santé ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- la décision d'assignation à résidence méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'exécution de la décision d'éloignement n'est pas une perspective raisonnable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2016, le préfet de l'Yonne, représenté par la Selarl Claisse et associés conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Juan Segado, premier conseiller et les observations de Me D...pour la préfecture de l'Yonne ;
1. Considérant que, par décisions du 27 mai 2016, le préfet de l'Yonne a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeA..., ressortissante du Kosovo, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination duquel elle pourra être reconduite d'office ; que, par arrêté du même jour, le préfet a assigné à résidence l'intéressée ; que Mme A...relève appel du jugement du 6 juin 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " (...) une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ;
3. Considérant que Mme A...se prévaut notamment d'un certificat médical du 29 avril 2016 du docteur Semada, chef de service pédiatrie au CHU de Dijon qui fait état de ce que l'enfant Harisa, née le 26 juillet 2012, a été longuement hospitalisé en période néonatale pour prématurité extrême avec des complications sévères "concernant son statut respiratoire, son statut neurologique et son développement moteur", de ce que cet enfant "nécessite un suivi pluridisciplinaire (consultation de suivi du développement, kinésithérapie motrice, orthophonie, psychomotricité)" et de ce que ce suivi est assuré au sein du CHU de Dijon ; que dans un avis du 23 octobre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé précise que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne peut avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié et que les soins nécessités doivent en l'état être poursuivis en France pendant au moins douze mois ;
4. Considérant, toutefois, que le préfet fait état d'informations provenant notamment du ministère de la santé de la République du Kosovo concernant les capacités sanitaires de ce pays ainsi que d'informations et de rapports émanant des services de l'ambassade de France au Kosovo sur la base d'éléments recueillis auprès des autorités sanitaires locales, dont il ressort que les institutions de santé kosovares sont à même de traiter la majorité des maladies courantes et que ce pays dispose notamment de centres hospitaliers et de cliniques assurant un suivi pédiatrique et les urgences pédiatriques, en particulier au sein du département de pédiatrie et de néonatologie du centre clinique de l'université du Kosovo à Pristina ; que les pièces produites par la requérante, notamment le certificat médical du 29 avril 2016 du docteur Semada qui ne mentionne pas une impossibilité de prise en charge de l'enfant Harisa au Kosovo, ne suffisent pas à réfuter les éléments ainsi produits par le préfet faisant ressortir, à la date du refus de séjour, l'existence d'un suivi médical adapté et d'infrastructures de prise en charge au Kosovo pour cet enfant ; que, par suite, Mme A...ne saurait soutenir que le refus de séjour qui a servi de fondement à l'obligation de quitter le territoire est illégal pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que Mme A... se prévaut de l'état de santé de son enfant Harisa ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... est entrée irrégulièrement en France le 21 mai 2012 à l'âge de vingt-quatre ans et a fait l'objet précédemment d'une mesure d'éloignement le 15 février 2014, que son recours contre cette mesure a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Dijon confirmé en appel ; que son époux fait l'objet également d'une mesure d'éloignement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de son enfant Harisa, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 4, ou son état de grossesse rendaient nécessaire sa présence sur le territoire français ; que, dans ces conditions, et eu égard aux conditions de son séjour en France et à la durée de sa présence sur le territoire, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, qu'il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 6 que la requérante n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
En ce qui concerne les autres moyens :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'au regard des éléments d'appréciation mentionnés aux points 3 à 6 et de l'existence au Kosovo d'une prise en charge appropriée à l'état de l'enfant de la requérante, la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut être regardée comme méconnaissant les exigences de ces stipulations ;
9. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du certificat médical établi le 13 juin 2016, postérieurement à la décision en litige, qu'à la date de la décision attaquée, la circonstance qu'elle était enceinte faisait obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 3 à 9 ci-dessus, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme l'allègue la requérante, à la date de la décision d'assignation, à laquelle il y a lieu de se placer pour apprécier sa légalité, l'exécution de l'obligation de quitter le territoire ne demeurait pas une perspective raisonnable en raison de l'état de santé de son enfant ou de ce qu'elle était enceinte ni que, pour ce motif, la décision d'assignation à résidence aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à l'application au bénéfice de son avocat de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
13 Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
DECIDE :
Article 1er : Mme A... est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 14 février 2017 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Juan Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2017.
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N° 16LY02318
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