Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 30 août 2018, qui n'a pas été communiqué, M. E... D..., représenté par la SCP avocats associés A...Monnier (AABM), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2017 ;
2°) d'annuler ces refus de permis de construire des 2 juillet 2015 et 8 septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Charvieu-Chavagneux la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les arrêtés ont été pris par une personne incompétente, le signataire des refus de permis en litige ne disposant pas d'une délégation exécutoire, en raison de l'absence de transmission de celle-ci au contrôle de légalité ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le motif tiré de la dangerosité des accès était fondé alors que l'accès aux projets est prévu par un accès existant qui sera élargi et qu'il existe un second accès qui respecte les règles de sécurité ;
- le tribunal administratif de Grenoble et la cour administrative d'appel de Lyon avaient jugé le contraire dans un litige concernant un précédent refus de permis de construire et c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'atteinte à l'autorité de la chose jugée.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2018, la commune de Charvieu-Chavagneux, représentée par le cabinetC... avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable faute de production des arrêtés contestés ;
- M. D... ne justifie pas bénéficier d'un second accès sur une voie publique, ayant seulement un accès sur une propriété privée sans justifier d'une servitude de passage ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une ordonnance du 26 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2018, en application du premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- les observations de Me A... pour M. D..., ainsi que celles de Me C... pour la commune de Charvieu-Chavagneux ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite pour M. D..., enregistrée le 28 septembre 2018 et des deux notes en délibéré produites pour la commune de Charvieux-Chavagneux, enregistrées les 28 septembre et 1er octobre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a acquis en 2000 les parcelles cadastrées B 618 et B 68 à Charvieux-Chavagneux avec une maison d'habitation. Il a déposé en 2015 deux demandes de permis de construire portant l'une sur un entrepôt de 600 mètres carrés, l'autre sur une nouvelle maison d'habitation et un garage, qui ont fait l'objet de deux refus opposés respectivement par des arrêtés des 2 juillet et 8 septembre 2015. M. D... relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux refus de permis de construire.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. M. D... a joint à sa requête d'appel le jugement attaqué. Par suite, et alors qu'il n'avait pas à produire à nouveau les arrêtés du maire de Charvieux-Chavagneux en litige, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête aurait été présentée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 juillet 2015 :
3. Pour refuser de délivrer le permis de construire en vue de la construction d'un entrepôt, le maire de Charvieux-Chavageneux s'est fondé sur la dangerosité de l'accès envisagé sur la RD 24a, sur la méconnaissance des dispositions de l'article UI 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) s'agissant du raccordement au réseau d'assainissement, sur le fait que le projet prévoit la création d'un portail en limite séparative sans l'accord du propriétaire du fonds voisin et sur le fait que la parcelle B 68 est grevée d'un emplacement réservé. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que seul était fondé le motif tiré de la dangerosité de l'accès.
4. Aux termes de l'article Ui 3 du règlement du PLU : " Les occupations et utilisations du sol (...) peuvent également être refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".
5. Par arrêt du 12 octobre 2010 la présente cour a confirmé un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 décembre 2008 ayant annulé le refus de permis de construire opposé le 22 juin 2005 par le maire de Charvieux-Chavagneux à une précédente demande de permis de construire un entrepôt sur la même parcelle présentée par M. D..., en jugeant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'accès projeté était dangereux. Cette décision devenue définitive est revêtue pour les parties de l'autorité relative de la chose jugée. L'accès envisagé par M. D... étant le même, au demeurant élargi, que celui envisagé en 2005, le projet de construction étant similaire et la commune de Charvieux-Chavagneux n'alléguant pas que les conditions de circulation sur la voie départementale auraient été modifiées, cette déclaration d'illégalité s'imposait au maire de Charvieux-Chavagneux, sans que la commune puisse utilement faire valoir qu'elle a produit de nouveaux éléments de nature à établir la dangerosité de cet accès. Par suite, le maire de la commune ne pouvait légalement fonder sa décision sur ce motif.
6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. D... et le bien-fondé des autres motifs opposés par le maire de Charvieux-Chavagneux à la demande de M. D....
En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté :
7. L'arrêté du 2 juillet 2015 a été signé par M. B..., adjoint à l'urbanisme, titulaire d'une délégation de fonctions à cette fin en vertu d'un arrêté du 29 mars 2014 du maire de Charvieux-Chavagneux, lequel a été transmis au représentant de l'Etat le 4 avril 2014 et était ainsi exécutoire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des autres motifs de refus de permis de construire :
8. En premier lieu, les permis de construire étant délivrés sous réserve du droit des tiers, la circonstance que M. D... a prévu sur son terrain la pose d'un portail, qui n'est d'ailleurs pas en limite séparative, n'est pas de nature à justifier le refus opposé à sa demande.
9. En deuxième lieu, si la parcelle B 68, sur laquelle M. D... envisage de réaliser son projet, est grevée d'un emplacement réservé en vue de la réalisation d'un espace de stationnement pour poids lourds, suite à une modification du PLU adoptée par délibération du conseil municipal du 17 juillet 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi d'ailleurs que l'a relevé la chambre des expropriations de la cour d'appel de Grenoble dans l'arrêt qu'elle a rendu le 26 septembre 2014 dans le cadre du litige opposant les deux parties, que cet emplacement présenterait une quelconque utilité en l'absence de difficultés de stationnement dans la zone. Par suite, M. D... est fondé à exciper de l'illégalité de la délibération du 17 juillet 2012 comme étant, sur ce point, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et à soutenir que, par suite, le maire ne pouvait légalement se fonder sur l'existence de cet emplacement réservé pour opposer un refus à sa demande de permis de construire.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article Ui 4 du règlement du PLU de Charvieu-Chavagneux : " Toute construction occasionnant des rejets d'eaux usées doit être raccordée au réseau public d'assainissement des eaux usées par un dispositif d'évacuation, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. ".
11. Le projet envisage le raccordement de l'entrepôt au réseau d'assainissement situé sur la parcelle B 68. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les canalisations passant sous la parcelle de M. D... ne sont pas opérationnelles et qu'elles constituent une extension du réseau privé passant sous la parcelle voisine B 492. Dans ces conditions, le projet, qui ne prévoit pas de raccordement à un réseau public d'assainissement, méconnaît les dispositions du règlement du PLU citées au point précédent.
12. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Charvieux-Chavagneux aurait refusé de délivrer un permis de construire en vue de l'édification d'un entrepôt pour le seul motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article Ui 4 du règlement du PLU, qui pouvait légalement le fonder. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2015 doivent être rejetées.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 septembre 2015 :
13. Aux termes de l'article UC 3 du règlement du PLU : " Les occupations et utilisations du sol (...) peuvent également être refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".
14. Il ressort des pièces du dossier que l'accès projeté sur la route départementale 24a doit s'effectuer sur une portion de route où la vitesse est limitée à 70 km/h, à l'intérieur d'une légère courbe où la visibilité est réduite par l'implantation d'un poteau électrique et d'une haie bordant la propriété voisine. Le 3 juin 2015, les services du département de l'Isère, gestionnaire de la voie, ont émis un avis défavorable au projet au motif que, compte tenu de la configuration des lieux, la visibilité, du côté gauche de l'accès d'où arrivent les véhicules, est insuffisante, au regard notamment des préconisations techniques du guide de l'aménagement des routes principales établi en 1994. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cet accès, au demeurant élargi de près de cinq mètres par rapport à l'accès existant, est celui qu'empruntent depuis des années M. et Mme D... pour accéder à leur maison sans incident particulier et sans que des mesures de sécurisation de l'accès aient été nécessaires. Par ailleurs, il ressort des constats d'huissier produits que les véhicules provenant de la propriété du requérant et s'engageant sur la voie publique ont une visibilité d'une centaine de mètres environ du côté gauche de la voie départementale. Dans ces conditions, compte tenu de l'importance du trafic et de la configuration des lieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet présenterait un risque pour la sécurité des usagers de la voie publique ou celle des personnes empruntant l'accès ni, par suite, qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article UC 3 du règlement du PLU. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que ce motif pouvait légalement fonder le refus opposé par le maire de Charvieux-Chavagneux à la demande de permis de construire.
15. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de justice administrative, aucun des autres moyens de légalité invoqués par le requérant n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté en litige.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de permis de construire du 8 septembre 2015.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Charvieux-Chavagneux, qui doit être regardée comme la partie qui perd pour l'essentiel, demande au titre des frais qu'elle a exposés, soit mise à la charge de M. D.... En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Charvieux-Chavagneux la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D....
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 8 septembre 2015 refusant à M. D... la délivrance d'un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation et un garage est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Charvieux-Chavagneux versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. E... D... et à la commune de Charvieux-Chavagneux.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.
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N° 18LY00255
dm