Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 avril 2017, Mme F..., épouseE..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 29 novembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa fille mineure remplit les conditions pour demeurer en France afin d'y poursuivre des soins ;
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme E... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme E..., ressortissante du Kosovo née en 1983, est entrée en France en septembre 2013 avec son compagnon et leur deux enfants mineurs ; qu'après le rejet de ses demandes d'asile successives, elle a sollicité, le 7 avril 2015, son admission provisoire au séjour en se prévalant de l'état de santé de sa fille mineureA... ; qu'elle relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé l'admission au séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-12 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11(...) " ;
3. Considérant que pour refuser à Mme E... l'admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur la circonstance que l'état de santé de la fille de l'intéressée pouvait faire l'objet d'une prise en charge appropriée au Kosovo ; que, ce faisant, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas fait sien l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 28 avril 2016 selon lequel l'état de santé de la fille de la requérante nécessite une prise en charge médicale devant être poursuivie pendant au moins six mois et dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans que l'intéressée puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, cependant, le préfet de Haute-Savoie a produit une liste des hôpitaux et cliniques au Kosovo de laquelle il ressort que plusieurs établissements à Pristina disposent de services d'orthopédie, et notamment de chirurgie orthopédique, permettant de considérer que les institutions de ce pays sont en situation d'assurer de façon appropriée le suivi médical des problèmes orthopédiques et la rééducation de la fille de la requérante ; que la fragilité de la situation sanitaire au Kosovo dont l'intéressée se prévaut ne permet pas de regarder comme erronée l'appréciation portée sur ce point par l'autorité administrative ; que, dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que Mme E... se prévaut de sa présence ainsi que de celle de son époux et de ses deux enfants mineurs sur le territoire français depuis trois ans ainsi que d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de nettoyage ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme E... et son époux ont déjà fait tous deux l'objet de décisions d'éloignement non exécutées après le rejet de leurs demandes d'asile ; que la cellule familiale peut se reconstituer au Kosovo, où la fille des intéressés peut poursuivre sa prise en charge médicale ; que, dans ces conditions, en refusant d'admettre provisoirement au séjour la requérante et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ni, par suite, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la demande d'admission au séjour de Mme E... n'étant pas fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut utilement s'en prévaloir pour contester la décision en litige ;
7. Considérant, enfin, que Mme E... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... épouse E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
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N° 17LY01777
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