Par un jugement n° 1704490-1704491 du 30 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 décembre 2017, M. A... D... et Mme C... E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 août 2017 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Isère du 31 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois après leur avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils n'ont pas été en mesure de présenter leurs observations avant les décisions contestées, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de leur droit à être entendus, reconnu par un principe général du droit de l'Union européenne ;
- les obligations de quitter le territoire français prononcées à leur encontre méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- ces obligations ont été prononcées en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les interdictions de retour sur le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- ces interdictions de ont été prononcées en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
M. D... et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 novembre 2017.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
1. Considérant que M. D... et Mme E..., de nationalité serbe, nés respectivement en 1993 et 1987, sont entrés en France en juillet 2017 ; que, par arrêtés du 31 juillet 2017, le préfet de l'Isère les a obligés à quitter le territoire français sans délai et leur a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an ; qu'ils relèvent appel du jugement du 30 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne peuvent être utilement invoquées par les intéressés à l'encontre des décisions en litige ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce droit implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger intéressé à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective de son éloignement ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... et Mme E... ont été auditionnés par les services de police, le 31 juillet 2017, suite à leur interpellation ; qu'ils ont été interrogés à cette occasion sur les conditions de leur séjour en France ; qu'ils ont été ainsi mis à même de présenter utilement leurs observations avant que les mesures d'éloignement en litige soient prononcées ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, selon leurs propres déclarations, les requérants, qui sont sans ressources, ne séjournaient que depuis quelques semaines en France, où ils sont dépourvus d'attaches familiales ; que les décisions d'éloignement font suite à leur interpellation pour des faits de dégradations volontaires de biens privés et violation de domicile ; que, dans ces conditions, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent être regardées comme portant à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elles poursuivent et ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; que si les requérants font valoir qu'ils séjournaient en France avec leur enfant, les décisions du même jour les obligeant à quitter le territoire français, qui n'ont pas pour effet de les séparer de celui-ci, n'ont pas été prises en méconnaissance de ces stipulations ;
Sur l'interdiction de retour :
7. Considérant que, pour les motifs déjà exposés aux points 5 et 6, les décisions faisant interdiction à M. D... et Mme E... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
Sur le pays de renvoi :
8. Considérant que si les requérants soutiennent encourir des risques de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Serbie, leur moyen n'est assorti d'aucune précision ; qu'il ne peut par suite qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'il soit fait application, à l'encontre de l'Etat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de leur avocat, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera notifiée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
2
N° 17LY04253
fg