Par un jugement n° 1703249 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de cette demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 16 mai 2017.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2017, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 16 mai 2017 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et l'arrêté du 6 juin 2017 portant assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de demande de séjour, et de supprimer son signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- ce refus méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il la met dans l'impossibilité de respecter la décision du juge aux affaires familiales accordant un droit de visite au père de ses enfants ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;
- cette obligation viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle la met dans l'impossibilité de respecter la décision du juge aux affaires familiales accordant un droit de visite au père de ses enfants ;
- l'interdiction de retour d'une durée d'un an est disproportionnée, est entachée d'erreur d'appréciation et a été prise en méconnaissance de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire qui la fonde.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 décembre 2017.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 16 mai 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Elle présente également des conclusions tendant à l'annulation des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an ainsi que d'une assignation à résidence prononcée par arrêté du 6 juin 2017, conclusions qui ont été rejetées par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif du 9 juin 2017 dont elle ne relève pas appel.
Sur les conclusions concernant le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le moyen selon lequel le refus de titre de séjour ne serait pas suffisamment motivé sur un plan formel doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., ressortissante angolaise née en 1986, est entrée en France en décembre 2011 à l'âge de vingt-six ans. Après des demandes infructueuses pour séjourner en France au titre de l'asile, elle a demandé un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle s'est alors vu opposer un premier refus de titre de séjour le 13 octobre 2014, assorti d'une obligation de quitter le territoire, contre lequel elle a formé un recours qui a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2015 confirmé par un arrêt de la cour du 28 février 2017. Si Mme D...se prévaut des liens personnels ou sociaux intenses et stables qu'elle aurait créés en France, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'elle-même et ses deux enfants, nés en août 2012 et décembre 2015, entretiendraient des relations suivies avec le père de ces enfants, M. A..., ressortissant angolais titulaire d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'en juin 2019, dont elle est séparée depuis au moins l'année 2014. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. A... participerait effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants sur lesquels il exerce conjointement l'autorité parentale. Mme D... est par ailleurs mère de quatre autres enfants mineurs qui vivent en Angola, avec sa mère et ses quatre soeurs. Dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour porte, au regard des buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions et stipulations citées au point 2.
5. En troisième lieu, pour les motifs exposés au pont précédent, le refus en litige n'apparaît pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Si les deux enfants de Mme D..., âgés de cinq et deux ans à la date de la décision en litige, sont nés et ont toujours vécu en France où l'aîné est scolarisé, le refus de titre de séjour n'apparaît pas, compte tenu notamment du très jeune âge de ces enfants et eu égard à ce qui est dit au point 4 du présent arrêt quant à la situation de la requérante, contraire à leur intérêt supérieur ni, par suite, aux stipulations citées au point 6.
8. En quatrième lieu, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... respecte les obligations qui lui incombent en vertu d'un jugement du juge aux affaires familiales du 10 décembre 2015, notamment en ce qui concerne son droit de visite hebdomadaire, le refus en litige, qui n'a d'ailleurs pas pour effet, par lui-même, de contraindre la requérante à quitter la France, ne peut être regardé comme illégal au seul motif qu'il ferait obstacle à l'exercice par le père de son droit de visite.
Sur les conclusions concernant l'obligation de quitter le territoire français sans délai, l'interdiction de retour et l'assignation à résidence :
9. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 2 à 8 que Mme D... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité du refus de lui délivrer une carte de séjour pour demander l'annulation, par voie de conséquence, de l'obligation de quitter le territoire français.
10. Les moyens selon lesquels cette obligation méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés ci-dessus aux points 4 à 7.
11. Au regard notamment des éléments rappelés au point point 8, la circonstance que l'éloignement de Mme D... soit susceptible d'affecter l'exercice du droit de visite reconnu au père de ses deux enfants nés en France n'apparaît pas, par elle-même, de nature à entacher l'obligation de quitter le territoire français d'illégalité.
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
13. Au regard de la situation de Mme D... telle qu'elle est exposée aux points 4, 7 et 8 ci-dessus et compte tenu du fait qu'elle n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire dont est assortie l'obligation de quitter le territoire français sans délai prononcée à l'encontre de la requérante.
14. Enfin, au regard de ce qui est dit aux points 9 à 11 sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, Mme D... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de cette obligation pour demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision d'assignation à résidence du 6 juin 2017.
15. Il découle de ce qui est dit aux points 9 à 14 que les conclusions de la requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, l'interdiction de retour et l'assignation à résidence doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité..
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble, a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 17LY04269
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