Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Isère du 27 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et une autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas la demande qu'il avait présentée au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
Par décision du 23 mai 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République de Guinée, né en 1965, est entré pour la première fois en France en mars 2001. Il a présenté une demande d'asile qui a été définitivement rejetée par la commission de recours des réfugiés le 10 mai 2004. Il a fait l'objet de deux arrêtés de reconduite à la frontière les 11 octobre 2004 et 19 juillet 2006. Le 12 novembre 2007, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour et un refus lui a été opposé par une décision du 10 avril 2008, assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Le 3 août 2010, il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en invoquant son état de santé. Il a alors bénéficié de cartes de séjour valables du 29 août 2011 au 29 juillet 2013. Le renouvellement de cette carte de séjour a été refusé par une décision du 13 mai 2014, assortie d'une mesure d'éloignement. Il a présenté le 19 juin 2015 une nouvelle demande de titre de séjour qui a fait l'objet d'une décision de refus assortie d'une obligation de quitter le territoire français le 15 février 2016. Suite à l'annulation de ces décisions par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2016, le préfet de l'Isère a réexaminé la demande de titre de séjour de M. B.... Par décisions du 27 octobre 2017, le préfet de l'Isère a refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. B... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le refus de séjour :
2. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision en litige, que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de l'Isère a examiné sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
4. M. B... soutient résider en France depuis mars 2001, soit plus de seize années à la date du refus en litige. Si l'intéressé a séjourné régulièrement en France d'avril 2001 à mars 2004 et de mars 2011 à mai 2014, les pièces produites au dossier ne permettent toutefois pas d'établir la réalité d'un séjour continu en France pendant ces seize années, notamment entre juillet 2006 et novembre 2007 et entre les mois d'août 2008 à novembre 2009. Par ailleurs, l'intéressé ne dispose d'aucune attache familiale en France, alors que résident en Guinée ses deux enfants, nés en 1997 et 2000, ainsi que sa soeur. Si l'intéressé justifie avoir travaillé au cours de l'année 2013 et en janvier 2014 et a présenté une promesse d'embauche, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que, contrairement à l'appréciation de la commission du titre de séjour qui a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour en relevant que la preuve d'une intégration dans la société française n'était pas rapportée, il serait bien inséré. Dans ces conditions, la décision refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît pas les stipulations et dispositions citées au point 3.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". Pour les motifs exposés au point 4, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. B... la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de ces dispositions.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Pour les motifs exposés au point 4, les moyens selon lesquels la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de l'intéressé, doivent être écartés.
Sur le pays de renvoi :
7. Si M. B... soutient encourir des risques en cas de retour en République de Guinée en raison de son engagement passé dans un parti d'opposition, il n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucun élément probant de nature à établir une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquels un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y serait exposé à subir des traitements inhumains ou dégradants.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire :
8. En vertu du 4ème alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui a accordé un délai à un étranger pour quitter le territoire, peut assortir cette obligation d'une interdiction de retour sur le territoire pour une durée maximale de deux ans.
9. En l'espèce, en assortissant l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de l'Isère, n'a pas, compte tenu de ce que M. B... n'a pas de liens familiaux en France et de ce qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, commis d'erreur d'appréciation, malgré l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé et le fait que sa présence en France ne représente pas de menace pour l'ordre public.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de M. B... dirigées contre les décisions du préfet de l'Isère du 27 octobre 2017, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce que de telles mesures soient prescrites sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme dont le requérant demande le versement à son conseil au titre des frais exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 18LY01363
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