Par un jugement n° 1801728 du 20 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 avril 2018, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 20 mars 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et, en cas d'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français, de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les arrêtés contestés ont été pris par une personne incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur de fait et est insuffisamment motivée ;
- le préfet devait saisir le médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration, avant de prendre une obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette obligation méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, d'erreurs de fait et d'une erreur d'appréciation ;
- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;
- cette assignation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
- et les observations de Me B... pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né en 1975, est entré en France en octobre 2012. Il a déposé une demande de titre de séjour qui a été rejetée par une décision du 28 mai 2015 assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Par deux arrêtés du 12 mars 2018, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions du préfet du Rhône du 12 mars 2018 :
2. Il ressort des pièces du dossier que, pour motiver sa décision d'obliger M. D... à quitter le territoire français, le préfet du Rhône, après avoir rappelé qu'il n'avait pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français prise en 2015, a ajouté qu'il est célibataire et sans enfant. Toutefois, l'intéressé a en France sa compagne et son enfant, ainsi qu'il l'avait déclaré lors de l'audition consécutive à son interpellation, dont le préfet a visé les procès-verbaux dans son arrêté. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait qui, dans les circonstances de l'espèce, ne peut être regardée comme ayant été sans incidence sur sa légalité.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander, outre l'annulation de ce jugement, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai prononcée à son encontre et, par voie de conséquence, l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, de la désignation du pays de renvoi et de l'assignation à résidence.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". Aux termes de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées. ".
5. Le présent arrêt, qui annule la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français dont cette obligation a été assortie, implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé, dans l'attente du réexamen de sa situation, et procède à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer l'autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de procéder sans délai à l'effacement du signalement.
Sur les frais liés au litige :
6. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de celui-ci le versement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens que l'intéressé aurait dû engager s'il n'avait pas obtenu l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 20 mars 2018 et les décisions du préfet du Rhône du 12 mars 2018 obligeant M. D... à quitter le territoire français sans délai, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et l'assignant à résidence, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. D... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 18LY01379
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