Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2017, la préfète de la Côte d'Or, représentée par la SCP Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 novembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Dijon.
Elle soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant portugais né le 18 juillet 1998 a fait l'objet, par arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 14 novembre 2017 qui lui a été notifié le jour même, d'une obligation de quitter sans délai le territoire français assortie de la désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et d'une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un second arrêté du même jour, la préfète de la Côte-d'Or a assigné l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par jugement du 17 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions. La préfète de la Côte-d'Or relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. Pour décider l'éloignement du territoire sans délai de M. D..., la préfète de la Côte-d'Or s'est fondée sur le fait que l'intéressé a été interpellé le 13 novembre 2017 par les services de police de Dijon pour port d'arme prohibé de catégorie D au cours d'une rixe et placé en garde à vue, ainsi que sur le fait qu'il est défavorablement connu des services de police pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, des faits de menace de mort et des faits de recel provenant d'un vol. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France dans des conditions indéterminées en 2014 alors qu'il était mineur et a, de ce fait, été confié au service de l'aide sociale à l'enfance par ordonnance du tribunal de grande instance de Bobigny le 9 novembre 2015, qu'il a, à sa majorité, été hébergé par une tante puis dans un foyer d'accueil à Dijon. Au regard de cette situation et alors que le comportement de l'intéressé, même s'il n'a pas fait l'objet de condamnation pénale, caractérise une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique, qui constitue un intérêt fondamental de la société française, la préfète de la Côte d'Or, qui a tenu compte de l'ensemble des circonstances relatives à la situation particulière de M. D..., en particulier de sa situation familiale et de son intégration sociale en France, est fondée à soutenir que c'est à tort que pour annuler sa décision obligeant M. D... à quitter le territoire les premiers juges se sont fondés sur le fait que cette mesure avait été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 2.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.D....
Sur les autres moyens :
6. En premier lieu, M. Serge Bideau, secrétaire général de la préfecture de la Côte-d'Or et signataire de la décision en litige, a reçu délégation de signature de la préfète de la Côte-d'Or par arrêté du 20 juillet 2017 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figure pas les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige manque en fait.
7. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision portant obligation de quitter le territoire, qui expose l'ensemble de la situation privée et familiale de l'intéressé, que l'autorité administrative a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.
8. En troisième lieu, le moyen selon lequel la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire est illégale en l'absence d'urgence caractérisée, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. (...) ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le comportement de M. D..., alors même qu'à la date de la décision en litige il n'avait pas donné lieu à condamnation pénale, caractérise une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique. Dans ces conditions, le préfète de la Côte-d'Or a pu légalement, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de circulation sur le territoire pour une durée de trois ans.
11. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui est dit ci-dessus, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Côte d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé ses arrêtés du 14 novembre 2017 et à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de M. D... devant ce tribunal.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. D...devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera notifiée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
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N° 17LY04051
dm