Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 février 2016, M. M... O..., M. N... G..., Mme J... Q..., M. C... K..., M. B... P..., M. A... L... et Mme R... E..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2015 ;
2°) d'annuler cette délibération du 20 février 2014 ;
3°) d'enjoindre à la commune du Bouchet-Mont-Charvin d'adopter, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une délibération classant la parcelle section B n° 683 en zone Ua, la totalité de la parcelle section B n° 1890 en zone Ua, la totalité de la parcelle section B n°2248 en zone AUc, la parcelle section A n° 2483 en zone Uc, les parcelles section B n° 3183, 2242, 2243, 2244 en zone à urbaniser, la parcelle section B n° 1870 en zone Ua, les parcelles section B n° 3213, 1385, 1383, et 3209 en zone AUc, la parcelle section B n° 662 en zone Ua, la totalité de la parcelle section B n° 664 en zone Ua et les parcelles cadastrées section A n° 645 et 655 en zone à urbaniser ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Bouchet-Mont-Charvin le versement à chacun d'eux d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation du rapport du commissaire enquêteur ;
- les conseillers municipaux n'ont pas reçu une information suffisante avant la séance du 20 février 2014, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
- les conseillers municipaux n'ont pas reçu une convocation écrite, en méconnaissance de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ;
- le commissaire enquêteur n'a pas analysé les remarques formulées par les personnes publiques associées, alors pourtant qu'il a invité les auteurs du PLU à les prendre en compte ;
- le commissaire enquêteur n'a pas retranscrit l'intégralité des observations formulées par le public, alors en outre que l'absence d'observations écrites sur le registre d'enquête résulte d'une confusion avec le registre ouvert pour la consultation ;
- le commissaire enquêteur n'a pas procédé à une analyse suffisante des observations formulées ;
- l'avis émis par le commissaire enquêteur est insuffisamment motivé ;
- le plan n'est pas cohérent avec les orientations fixées par le projet d'aménagement et de développement durables en matière d'équipements publics ;
- le classement de leurs parcelles est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2017, la commune du Bouchet-Mont-Charvin, représentée par la SELARL CDMF avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2017 par ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me I... pour les requérants, ainsi que celles de Me F... pour la commune du Bouchet-Mont-Charvin ;
1. Considérant que, par délibération du 20 février 2014, le conseil municipal du Bouchet-Mont-Charvin a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; que M. O... et autres requérants demandent l'annulation du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis du commissaire enquêteur ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait, de ce fait, irrégulier ;
Sur la légalité de la délibération du 20 février 2014 :
En ce qui concerne l'enquête publique :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) " ;
4. Considérant que le commissaire enquêteur n'était pas tenu de procéder à l'analyse des avis qui avaient été émis avant l'enquête publique par les personnes publiques associées, lesquels faisaient partie du dossier d'enquête publique en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme ; qu'il n'était pas non plus tenu d'examiner les observations qui avaient pu être présentées par le public au cours de la phase de concertation ; que la circonstance qu'aucune observation n'ait été consignée sur le registre d'enquête publique n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'une confusion aurait pu être opérée par le public avec le registre tenu précédemment pour la concertation, ni que des observations formulées au cours de l'enquête publique auraient pu être portées sur ce dernier registre ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui a examiné des observations présentées par vingt-neuf personnes, aurait omis de prendre en compte certaines d'entre elles, qu'elles aient été présentées par courrier ou oralement lors des entretiens avec les habitants ; qu'en particulier, si les requérants font valoir que le commissaire enquêteur a entendu vingt personnes et reçu onze courriers, ils n'établissent pas de ce fait que certaines observations auraient été omises, alors qu'il ressort du rapport du commissaire enquêteur que certains habitants ont envoyé plusieurs courriers ou ont présenté des observations à la fois oralement et par courrier ; qu'enfin, il ressort du rapport du commissaire enquêteur que ce dernier a suffisamment pris en compte les observations formulées par les consorts P...à la fois lors de l'entretien et par un courrier envoyé le 12 décembre 2013, même s'il n'a pas distingué l'analyse de ces deux séries d'observations ;
5. Considérant que le commissaire enquêteur a répondu à toutes les observations formulées au cours de l'enquête publique, quand bien même il n'était pas tenu de le faire ; qu'il a pu se borner à indiquer, en réponse à divers demandes relatives au classement de parcelles similaires, que le classement envisagé répondait à la sauvegarde du paysage agricole ; qu'enfin, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable après avoir indiqué que le projet "aboutit à une consommation maîtrisée de l'espace, maintient une activité agricole forte et les activités de proximité, protège les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les continuités écologiques, et est cohérent avec son PADD" ; qu'ainsi, et alors qu'il renvoyait à l'analyse qu'il avait présentée sur ces différents points ainsi qu'aux réponses aux observations formulées dans son rapport, le commissaire enquêteur a indiqué, même sommairement, les raisons déterminant le sens de ses conclusions et a formulé un avis personnel, quand bien même il a indiqué qu'il recommandait à la commune de prendre en compte par ailleurs les avis des personnes publiques associées ; que son avis était, par suite, suffisamment motivé ;
En ce qui concerne la convocation des élus et leur information :
6. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du registre des délibérations du conseil municipal qui font foi jusqu'à preuve du contraire et ne sont pas utilement contestées, que les conseillers municipaux ont été convoqués le 10 février 2014 pour la séance du 20 février suivant ; que la convocation mentionnait par ailleurs l'ordre du jour ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit par suite être écarté ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ; que ces dispositions, qui ne concernent pas le contenu de la convocation, n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer que celle-ci comporte d'autres informations que celles relatives à l'ordre du jour, ainsi que le prévoit l'article L. 2121-10 du même code pour les communes de moins de 3500 habitants, ni qu'elle soit accompagnée d'une copie des documents à approuver ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers municipaux n'auraient pas été mis à même d'exercer, en tant que de besoin, leur droit à l'information en prenant connaissance du dossier avant la réunion ou en demandant des précisions en séance, afin d'être à même de délibérer en toute connaissance de cause ;
En ce qui concerne la cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définit, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, la commune du Bouchet-Mont-Charvin ne disposant pas d'un réseau d'assainissement collectif, le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) fixait, parmi les objectifs poursuivis en matière d'équipements publics, la conservation d'espaces pour la réalisation d'unités de dépollution des eaux usées locales ; que les requérants soutiennent que, contrairement aux objectifs ainsi fixés, le règlement du PLU ne prévoit aucun emplacement réservé à cette fin ; que, s'il ressort des pièces du dossier que la commune a entendu n'envisager un tel équipement dans un premier temps que dans le centre-bourg, le règlement du PLU, qui ne compromet pas la réalisation à terme de cet objectif, ne saurait être regardé, de ce seul fait, comme n'étant pas cohérent avec le PADD, dont les objectifs n'étaient pas fixés avec précision ;
En ce qui concerne le classement des parcelles :
10. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;
11. Considérant qu'il ressort du PADD et du rapport de présentation du PLU de la commune du Bouchet-Mont-Charvin que le parti d'aménagement retenu vise à maîtriser le développement de l'urbanisation de ce village de 240 habitants environ et s'inscrit dans une perspective de création d'une quarantaine de logements dans les dix années suivant l'adoption du plan ; que cette urbanisation, compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) Fier-Aravis, doit s'effectuer autour du centre-bourg et des deux hameaux principaux de Banderelle et du Longeret, afin de limiter l'étalement urbain et de permettre le développement raisonné des réseaux d'équipements publics ; qu'enfin, les auteurs du PLU ont fixé comme objectif le maintien d'une agriculture forte, en préservant les terrains nécessaires au fourrage et au pâturage ;
12. Considérant que les requérants réitèrent en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, leurs moyens selon lesquels les auteurs du PLU ont commis une erreur manifeste d'appréciation en classant en zone A les parcelles B n° 683, 662 et 664 au lieu-dit les Savattes, les parcelles B n° 3213, 1385, 3209 et 1383 situées à proximité du hameau de Banderelle, la parcelle A n° 2483 située au nord du bourg, ainsi que les parcelles A n° 645 et 655 situées au lieu-dit le Cernix ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) " ;
14. Considérant que les requérants contestent le classement en zone N de la partie ouest de la parcelle B n° 1890 appartenant à M. O... ; que cette partie de parcelle, incluse dans une zone N de taille importante, est située à l'extérieur du hameau de Cons que les auteurs du PLU n'ont pas désigné comme étant au nombre des hameaux où ils entendent développer l'urbanisation ; que cette partie de parcelle est boisée et présente des caractéristiques justifiant un classement en zone naturelle telle que définie par les dispositions précitées ; qu'en classant en zone N cette partie de parcelle, les auteurs du PLU n'ont entaché leur décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, et en tout état de cause, les requérants ne peuvent utilement soutenir que d'autres parcelles comparables auraient bénéficié d'un classement différent ;
15. Considérant que les requérants contestent le classement en zone N de la partie de la parcelle B n° 2448 appartenant à M. O... située au sud d'un écoulement d'eau ; que si la partie nord de cette vaste parcelle, située en bordure du hameau de Banderelle, a été classée en zone AUc, conformément à la volonté des auteurs du PLU d'étendre l'urbanisation autour de ce hameau, la partie sud de cette parcelle et les parcelles qu'elle jouxte à l'est, également classées en zone naturelle, sont éloignées du hameau et bordent un espace boisé naturel, même si elles en sont séparées par une route formant le virage à l'intérieur duquel elles se situent ; qu'en classant en zone N cette partie de parcelle non construite, les auteurs du PLU n'ont entaché leur décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. (...) " ;
17. Considérant que la parcelle B n° 1870 appartenant à M. K..., située au nord du hameau de Cons et en dehors de celui-ci, est en nature de prairies présentant un potentiel agricole ; que, dès lors, et alors même qu'aucune exploitation agricole ne serait située à proximité de cette parcelle, son classement en zone A n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
18. Considérant que les requérants contestent le classement en zone A des parcelles B n° 2244, 2243,2242 et 3183 appartenant à M. et Mme H... ; que ces parcelles, si elles sont situées à proximité de quelques constructions classées en secteur Ah, correspondant à un secteur agricole de taille et de capacité d'accueil limités dans lequel certaines occupations et utilisations sont admises, sont vierges de toute construction et situées au sein d'une vaste zone agricole ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir que ces parcelles sont desservies par une voie et qu'ils avaient bénéficié d'un certificat d'urbanisme en 2012 ; que, dans ces conditions, leur moyen selon lequel le classement de ces parcelles serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
Sur les frais liés au litige :
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune du Bouchet-Mont-Charvin, qui n'est pas partie perdante, verse aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais qu'ils ont exposés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune du Bouchet-Mont-Charvin au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. O... et autres est rejetée.
Article 2 : M. M...O..., M. N...G..., Mme J...Q..., M. C... K..., M. B... P..., M. A... L... et Mme R... E... verseront solidairement à la commune du Bouchet-Mont-Charvin la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. M... O..., premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à la commune du Bouchet-Mont-Charvin.
Délibéré après l'audience du 27 février 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2018.
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N° 16LY00614
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