Par un jugement n° 1701189 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 13 septembre et 18 décembre 2017, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer sous un mois une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et ne procède pas d'un examen sérieux de sa situation ;
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'illégalité du refus de titre qui lui a été opposé prive de base légale l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, qui procède en outre d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- la décision fixant l'Azerbaïdjan comme pays de renvoi est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle se réfère à tort et en méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à sa qualité de résident de ce pays ;
- la décision fixant le pays de renvoi est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est admissible dans aucun Etat, et viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour en Russie.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2017, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- et les observations de Me C..., pour M. D... ;
1. Considérant qu'au mois de décembre 2014, M. A... D..., né à Bakou en 1982, est entré en compagnie de Mme E... et de leurs deux enfants en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 30 novembre 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juillet suivant ; que, par arrêté du 23 septembre 2016, le préfet de l'Ain a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai ; que M. D... relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 :
2. Considérant que, traduisant un examen de la situation personnelle de M. D..., l'arrêté du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 fait état des circonstances de fait et des considérations de droit qui, ayant trait notamment au rejet de la demande d'asile de l'intéressé, à son état civil et à sa situation personnelle et familiale, donnent leur fondement aux décisions qu'il contient ; qu'il est, ainsi, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et exempt de l'erreur de droit qui est alléguée ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ;
4. Considérant que, pour soutenir que les stipulations et dispositions citées au point précédent ont été méconnues, M. D... fait valoir sa bonne intégration en France, son implication dans l'apprentissage de la langue française, ses perspectives professionnelles, la présence à ses côtés de sa compagne et de leurs deux jeunes enfants scolarisés et expose les conditions dans lesquelles sa famille a été amenée à quitter la Russie où lui-même et sa compagne sont arrivés en 1989 ; que les éléments avancés par le requérant, qui n'était présent en France que depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée consécutive au rejet de sa demande d'asile, ne permettent pas de considérer que la décision lui refusant un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'ainsi, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu de la situation du requérant, cette décision ne méconnaît pas davantage les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et ne saurait être regardée, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ses conséquences sur sa situation personnelle, comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant qu'eu égard aux développements qui précèdent, M. D... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour pour demander l'annulation de la mesure d'éloignement qu'il conteste ; qu'il n'est, pour les mêmes motifs, pas davantage fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
7. Considérant que, par l'article 3 de son arrêté du 23 septembre 2016, le préfet de l'Ain a décidé qu'à l'expiration du délai de départ volontaire d'un mois qui lui est accordé, M. D... "pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il est le résident ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible" ; qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet de l'Ain a entendu fixer au premier chef l'Azerbaïdjan comme pays de renvoi de M. D..., en se fondant sur la circonstance que celui-ci, tout en étant "de nationalité indéterminée", serait cependant "résident" de ce pays ; qu'alors que M. D... expose sans être contredit qu'il a vécu à compter de 1989 en Russie où sont nés ses enfants et fait valoir que l'Azerbaïdjan ne saurait ainsi en tout état de cause être regardé comme son pays de résidence, la qualité de "résident" de l'Azerbaïdjan prêtée à M. D... par le préfet de l'Ain ne saurait légalement justifier la désignation de ce pays comme pays de renvoi de l'intéressé sur le fondement du 1° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. D... est fondé à soutenir que l'article 3 de l'arrêté du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 est entaché d'illégalité ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 désignant son pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; qu'il est, dans cette mesure, fondé à demander, outre la réformation du jugement entrepris, l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui n'annule l'arrêté du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 qu'en tant qu'il fixe le pays de renvoi, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à l'application, au profit de l'avocate du requérant, des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 3 de l'arrêté du préfet de l'Ain du 23 septembre 2016 portant fixation du pays de renvoi de M. D... est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 27 février 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2018.
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N° 17LY03391
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