Par un jugement n° 1500944 du 21 décembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2016, Mme D... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 décembre 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est illégale à défaut pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ; le préfet a commis une erreur de droit en imposant que le père de l'enfant français participe à l'entretien et à l'éducation de son enfant ou que les parents justifient d'une vie commune ; en indiquant que le père de l'enfant n'exerce pas l'autorité parentale, le préfet a commis une erreur de droit ; la fraude n'étant pas constituée, le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 25 mai 2016, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Clot a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante de la République démocratique du Congo, a obtenu, le 15 mai 2012, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français ; que ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 23 avril 2014 ; que toutefois, le 25 février 2015, le préfet de la Côte-d'Or lui en a refusé le renouvellement au motif que l'admission au séjour de l'intéressée avait été obtenue par fraude, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...). " ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ;
4. Considérant que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s 'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., née à Kinshasa, a donné naissance à Dijon, le 30 janvier 2012, à un enfant dont le père, M.C..., également né à Kinshasa, possède la nationalité française ; qu'il est vrai que M. C...a également reconnu un autre enfant, né d'une autre mère, le 1er avril 2013 ; que cette seule circonstance ne permet pas, toutefois, d'établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de la paternité du fils de MmeD..., alors qu'il résulte d'un document relatif à la mise en place d'une action éducative à domicile, qu'il a signé, et d'une attestation de la directrice d'un centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) de Dijon, que M. C...prend part à l'éducation de cet enfant ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Côte-d'Or n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux de la reconnaissance de cet enfant ; que, par suite, c'est à tort que le préfet s'est fondé sur ce motif pour refuser de renouveler, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire de MmeD... ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, MmeD... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de renouveler son titre de séjour et, par voie de conséquence, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
9. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel elle repose, que le préfet de la Côte-d'Or délivre à Mme D...une autorisation provisoire de séjour et la carte de séjour temporaire prévue au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ;
Sur les conclusions du conseil de Mme D...tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à cet avocat de la somme de 1 500 euros qu'il demande ;
Sur les conclusions du préfet de la Côte-d'Or tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à l'Etat au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 décembre 2015 et les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 27 février 2015 refusant un titre de séjour à Mme D... et lui faisant obligation de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à Mme D... une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me B...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
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N° 16LY00496
mg