Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2018, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 8 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou "salarié" ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant le réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à répondre de manière stéréotypée au moyen tiré du défaut de motivation du refus de titre de séjour au regard notamment des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée et de manière stéréotypée s'agissant de sa demande de titre de séjour en qualité de salariée sur le fondement de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se bornant à mentionner sa promesse d'embauche pour un emploi de coiffeuse, sans se prononcer sur son expérience, ses compétences et ses diplômes ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante arménienne née le 3 août 1970, déclare être entrée en France le 14 décembre 2011. Après le rejet de sa demande d'asile, elle a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement prise par le préfet du Rhône par arrêté du 10 avril 2012. Mme C... a alors sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé et cette demande a fait l'objet d'un refus par décision du 24 mars 2014 assortie d'une nouvelle obligation de quitter le territoire. Ses demandes d'annulation de cet arrêté du 24 mars 2014 ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2014, confirmé en appel par une ordonnance du 4 juin 2015. Par un jugement du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation des décisions du 8 janvier 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a, à nouveau, refusé la délivrance d'une carte de séjour au titre des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur la motivation du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient Mme C..., le jugement a répondu de manière suffisante au moyen selon lequel la motivation du refus de titre de séjour serait stéréotypée et satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône du 8 janvier 2018 :
3. En premier lieu, la décision en litige, qui mentionne les éléments de la situation personnelle de la requérante portés à la connaissance du préfet, est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La requérante ne saurait reprocher au préfet de ne pas avoir indiqué son ancienneté, son expérience et son diplôme alors qu'elle s'est bornée à faire état lors de sa demande de titre de séjour d'une promesse d'embauche pour un emploi de coiffeuse. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en litige ou de son caractère stéréotypé doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les moyens selon lesquels le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
6. En présence d'une telle demande présentée par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. La durée et les conditions de séjour ainsi que la situation privée et familiale de Mme C..., qui est célibataire, sans enfant et qui ne justifie pas de l'intensité ou de la stabilité des liens qu'elle aurait noués en France, ne permettent pas de regarder sa situation comme relevant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'elle se prévaut d'une expérience professionnelle de coiffeuse acquise en Arménie et d'une promesse d'embauche dans un salon de coiffure de Lyon. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour à titre exceptionnel.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui est dit aux points précédents s'agissant des moyens dirigés contre le refus de titre de séjour, que Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de la requérante, doivent, en l'absence de tout élément particulier invoqué tenant à cette obligation, être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés précédemment s'agissant du refus de séjour.
10. En sixième lieu, il résulte de ce qui est dit aux points précédents s'agissant des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire, que Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
11. Il résulte de ce tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
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N° 18LY04068
dm