Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 février 2017, M. et Mme E... B... et M. et Mme F... A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire délivré le 17 février 2014 à l'EARL Py ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Verjon et du GAEC Py la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les écritures en défense de la commune doivent être écartées des débats, faute de justification de l'habilitation du maire à défendre ;
- la proximité du projet par rapport à leur propriété ainsi que l'altération de leur cadre de vie et les nuisances qu'il emporte leur confèrent un intérêt à agir ;
- le projet architectural est insuffisant au regard des exigences des articles R. 431-7, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, alors que la notice du projet ne fait notamment pas apparaître le château de la Verjonnière qui est situé à proximité et que le chemin d'accès dont la réalisation est prévue n'est pas matérialisé sur le plan de masse ;
- le dossier de demande du permis de construire ne comportait pas le justificatif du dépôt de la déclaration relative au transfert de l'exploitation de l'EARL Py requis en vertu de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme ;
- le projet a été autorisé malgré la proximité de la canalisation de gaz reliant Etrez à la Cure, dont le gestionnaire n'a pas été consulté, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- par sa localisation et sa conception architecturale sommaire, le projet, qui s'inscrit dans le cadre naturel préservé de la plaine bressanne en covisibilité avec le Revermont, en particulier le Mont Myon et qui est situé à environ 170 mètres du château de La Verjonnière et à proximité du parc qui l'entoure, a été autorisé en violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en allouant la somme de 1 200 euros à la commune de Verjon au titre des frais d'instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2017 et un mémoire de production de pièces enregistré le 7 septembre 2018, la commune de Verjon, représentée par la société d'avocats Bismuth, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants, qui n'établissent pas en quoi le projet affecterait directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, ne justifient pas d'un intérêt à agir au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les interventions de l'association Vieilles Maisons Françaises et de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ne sont pas recevables ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention enregistré le 18 juillet 2017, l'association Vieilles maisons françaises et la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, représentées par Me D..., demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2016 et le permis de construire du 17 février 2014.
Elles soutiennent que la localisation et les caractéristiques du projet leur confèrent un intérêt pour intervenir et renvoient aux moyens soulevés par les requérants.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2017, l'EARL Py, représentée par la SCP Deygas Perrachon et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants, qui n'établissent pas en quoi le projet affecterait directement les conditions d'occupation ou de jouissance de leur bien, ne justifient pas d'un intérêt à agir au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les interventions de l'association Vieilles Maisons Françaises et de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, dont les statuts ne prévoient pas l'action en justice au titre de leurs moyens d'action, ne sont pas recevables, alors par ailleurs que le projet ne traduit pas une expansion de l'urbanisation ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 31 août et 1er octobre 2018, les époux B...et A...ainsi que l'association Vieilles Maisons Françaises et la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France concluent aux mêmes fins que la requête.
Ils soutiennent en outre que les écritures en défense de la commune de Verjon doivent être écartées des débats, faute de justification de l'habilitation du maire à représenter la commune dans cette affaire, laquelle ne saurait résulter de l'autorisation d'ester en justice dont fait état la délibération du 8 décembre 2016, d'une part, et de la convocation régulière des élus en vue de cette habilitation, d'autre part.
Vu le mémoire enregistré le 9 octobre 2018, présenté pour la commune de Verjon.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour M. et Mme B..., M. et Mme A..., l'association Vieilles Maisons Françaises et la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, ainsi que celles de Me G... pour l'EARL Py ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 février 2014, le maire de Verjon a délivré à l'EARL Py un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment d'élevage pour vaches laitières et génisses ainsi que d'une fumière couverte au lieu-dit "Terres de la Verjonnière". M. et Mme B... ainsi que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis.
Sur l'intervention des associations Vieilles Maisons Françaises et Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France :
2. Eu égard à leur objet social, les associations Vieilles Maisons Françaises et Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué et du permis de construire du 17 février 2014. Dès lors, leur intervention est recevable.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les requérants aux écritures en défense de la commune de Verjon :
3. Considérant qu'eu égard à l'objet et à la portée d'une telle décision, la circonstance que la question de l'habilitation du maire pour défendre dans l'instance engagée par les époux B...et A...ait été examinée lors de la séance du conseil municipal du 8 décembre 2016 au titre des questions diverses sans avoir été préalablement inscrite à l'ordre du jour est sans incidence sur la validité de cette habilitation et, par suite, sur la recevabilité des écritures de la commune en défense, alors d'ailleurs qu'en l'espèce, il ressort du compte-rendu de séance que l'ensemble des membres du conseil étaient présents et que la délibération en cause a été adoptée à l'unanimité.
Sur la légalité du permis de construire du 17 février 2014 :
En ce qui concerne le contenu du dossier de demande de permis de construire :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain (...) ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinant ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 431-9 de ce code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également :/ a) Le plan des façades et des toitures ; (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. (...) ".
5. Pour soutenir que le projet architectural joint au dossier de demande du permis de construire délivré le 17 février 2014 ne répond pas aux exigences des dispositions précitées du code de l'urbanisme, les requérants exposent que la notice jointe à la demande ne fait pas état de l'ensemble remarquable que constitue le château de la Verjonnière, que les documents graphiques produits ne faisaient pas davantage apparaître cet ensemble immobilier et que le chemin d'accès dont fait état la notice n'est pas matérialisé sur le plan de masse PC2.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, si la notice architecturale jointe à la demande de permis de construire se borne, s'agissant des constructions situées à proximité du projet, à faire état sans autre précision de la présence de bâtiments anciens à usage d'habitation situés à plus de 100 mètres du site d'exploitation projeté, la demande de permis de construire en litige comportait également un plan de masse à l'échelle 1/1250e faisant apparaître la localisation exacte des constructions à usage d'habitation situées à proximité ainsi que l'ensemble arboré les en séparant et situé en bordure du chemin rural n° 6 et de la voie communale n° 2, ainsi qu'un plan de situation auquel était annexée une vue aérienne à l'échelle 1/10 000e faisant apparaître l'ensemble des constructions situées alentour. Il ressort également des pièces du dossier que l'EARL Py, sous la référence PC 6, a produit à l'appui de la demande de permis de construire modificatif à laquelle il a été fait droit par l'arrêté du 20 novembre 2014, un montage photographique établi à la demande du service instructeur selon un angle de prise de vue faisant apparaître les constructions les plus proches, dont le château de la Verjonnière, ainsi que la haie devant être plantée en façade ouest du projet. Si aucun de ces documents ne mentionne ni ne fait apparaître particulièrement les qualités architecturales de ce château, implanté à près de deux cents mètres de la construction projetée, cette circonstance est en l'espèce sans incidence sur la régularité du dossier de demande du permis en litige, qui permettait à l'autorité administrative d'apprécier les caractéristiques du projet et l'insertion de celui-ci dans son environnement au regard notamment des constructions situées à proximité.
7. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, confirmant les indications de la notice architecturale PC 4 selon laquelle un chemin de 4 m de large permettant d'accéder aux constructions sera réalisé depuis l'entrée de la parcelle, et alors que la décision critiquée a été prise au vu de l'avis du 6 février 2014 de la direction des routes du département de l'Ain précisant les conditions dans lesquelles une permission de voirie devra être sollicitée en vue de l'aménagement de l'accès du projet sur la route départementale n° 52, le plan de masse PC 2 joint le 17 décembre 2013 à la demande de permis de construire en litige fait mention, contrairement à ce qui est soutenu, de la création de cet accès et de sa localisation sur une largeur de 4 m le long de la limite parcellaire ouest du terrain d'assiette du projet.
8. Compte tenu de ce qui est dit aux points 6 et 7, le moyen tiré des insuffisances du dossier de demande du permis de construire en litige doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-1, L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation de la demande d'enregistrement ou de la déclaration. ". Si les requérants réitèrent en appel leur moyen tiré de ce qu'il n'est pas justifié de la présence effective dans le dossier de demande du permis en litige de la décision du 4 décembre 2013 par laquelle le préfet de l'Ain a délivré récépissé à l'EARL Py de la déclaration reçue par ses services au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement en vue de l'exploitation des installations en cause, la transmission aux premiers juges de ce récépissé suffit en tout état de cause pour permettre de regarder le vice de procédure invoqué comme ayant été régularisé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
10. Au soutien de leur requête, les requérants réitèrent pour le surplus les moyens soulevés devant les premiers juges selon lesquels le projet, eu égard à ses caractéristiques et à sa localisation, a été autorisé en méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme. Il ya lieu, pour écarter ces moyens, d'adopter les motifs circonstanciés retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire du 17 février 2014.
Sur les frais liés au litige :
12. En premier lieu, les requérants sont fondés à soutenir que le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi en mettant à leur charge au titre des frais d'instance une somme supérieure à celle de 1 000 euros que la commune de Verjon avait réclamée. Le jugement doit ainsi être annulé en tant qu'il a accordé à la commune de Verjon une somme supérieure à 1 000 euros.
13. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés soit mise à la charge des intimées, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Verjon, d'une part, et à l'EARL Py, d'autre part, au titre des frais qu'elles ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : Les interventions des associations Vieilles Maisons Françaises et Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France sont admises.
Article 2 : La somme mise à la charge de M. et Mme B...et de M. et Mme A... par l'article 4 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2016 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est ramenée à 1 000 euros et cet article 4 est réformé dans cette mesure.
Article 3 : M. et Mme B... et M. et Mme A... verseront solidairement à la commune de Verjon et à l'EARL Py une somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...B..., à M. et Mme F... A..., à l'association Vieilles Maisons Françaises, à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, à la commune de Verjon et à l'EARL Py.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2018.
Le rapporteur,
Antoine GilleLe président,
Yves Boucher
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au préfet de l'Ain en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 17LY00615
md