Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2019 et le 14 octobre 2020, M. et Mme F..., représentés par la SELARL Jurisophia, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme F... soutiennent que :
- l'administration n'établit pas le prix minoré de la cession ; la doctrine administrative ne fait pas référence à un prix au tantième de copropriété mais aux prix déclarés lors des mutations de biens ;
- elle n'établit pas davantage l'intention libérale des parties ;
- l'application de pénalités pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire, enregistré le 5 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... ont acquis le 21 janvier 2011 un appartement de type 3 avec terrasse et garage en sous-sol en état futur d'achèvement sur le territoire de la commune de Vetraz-Monthoux (74100). La SARL Capita Partners, qui a réalisé les opérations de construction-vente de l'immeuble où est situé cet appartement, a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle l'administration a considéré, notamment, qu'elle avait cédé cet appartement à un prix minoré et a regardé le revenu résultant de l'insuffisance de prix constaté comme constituant un avantage occulte consenti à M. et Mme F... au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts. Sur le fondement de cette rectification, elle leur a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre de l'année 2011, assorties des intérêts de retard et d'une majoration pour manquement délibéré pour un montant total de 72 916 euros ramené à 69 305 euros par décision du 29 mai 2017. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à leur charge ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
3. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir est présumée.
4. Il résulte de l'instruction que pour apporter la preuve qui lui incombe d'une intention pour la SARL Capita Partners d'octroyer, et pour M. et Mme F..., de recevoir, une libéralité, du fait des conditions de la cession de l'appartement en litige, l'administration s'est bornée à faire état de ce que M. F..., artisan peintre exerçant en entreprise individuelle sous le nom " B... A... ", a réalisé les travaux intérieurs du bâtiment G, dans lequel se situe l'appartement qui lui a été cédé, ainsi que dans deux villas jumelées du bâtiment E. Elle n'a cependant, en invoquant uniquement la réalisation de cette prestation, établi ni l'existence d'une intention de la SARL Capita Partners, d'octroyer, et de M. et Mme F..., de recevoir, une libéralité, ni par suite celle d'un avantage occulte constitutif d'un revenu distribué entre les mains de M. et Mme F....
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1704694 du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : M. et Mme F... sont déchargés des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme C..., première conseillère,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 1er avril 2021.
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N° 19LY04645