Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 14 janvier 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 21 septembre 2017 l'ayant sanctionné d'un déplacement d'office ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a porté une appréciation erronée de la réalité des griefs reprochés et n'a pas motivé son jugement sur le moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- le fonctionnaire qui a requis la sanction n'avait pas reçu de délégation pour présenter une telle demande et avait fait l'objet d'une plainte pour harcèlement ;
- la sanction en litige repose sur des motifs dont la matérialité n'est pas établie, son quantum est entaché d'erreur d'appréciation ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir et de procédure.
Par mémoire enregistré le 28 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État ;
- le décret n° 2015-576 du 27 mai 2015 portant statut particulier du corps des ingénieurs des systèmes d'information et de communication ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me D... substituant Me E... pour M. C... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2021, présentée pour M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ingénieur principal des services d'information et de communication affecté, depuis 2013, aux fonctions de responsable du service interministériel départemental des systèmes d'information et de communication (SIDSIC) à la préfecture de la Drôme, relève appel du jugement lu le 18 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête d'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur l'a sanctionné d'un déplacement d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal ayant exposé les motifs qui l'ont conduit à regarder le comportement imputé à M. C... comme établi et fautif, et la sanction comme prononcée à bon droit, les motifs par lesquels il a écarté le moyen tiré du détournement de pouvoir se déduisaient des points précédents et n'avaient pas à être réitérés. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté.
Sur le fond du litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination ". Aux termes de l'article 1er du décret du 29 avril 2004 susvisé : " (...) le préfet de département (...) est dépositaire de l'autorité de l'État. / Ils [les préfets de région et de département] ont la charge des intérêts nationaux et du respect des lois. / (...) / (...) / Ils dirigent, sous l'autorité des ministres et dans les conditions définies par le présent décret, les services déconcentrés des administrations civiles de l'État ". M. A... B... a été nommé préfet de la Drôme par décret du 17 décembre 2015 publié au journal officiel de la république française du 19 décembre suivant et a était habilité de plein droit, en vertu des dispositions précitées, à demander au ministre de l'intérieur de sanctionner M. C..., sans égard à la circonstance que celui-ci ait déposé une plainte pour harcèlement moral. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mise en oeuvre de cette procédure disciplinaire ait pour objet de faire échec à un retour au service de M. C... suite à l'exécution d'une précédente mesure de suspension.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique (...) / Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ", tandis qu'aux termes de l'article 3 du décret du 27 mai 2017 susvisé : " Les ingénieurs des systèmes d'information et de communication exercent des fonctions de conception, de mise en oeuvre, d'expertise, de conseil ou de contrôle en matière de systèmes d'information et de communication. À ce titre, ils peuvent exercer des fonctions d'encadrement. / Ils peuvent également être en charge de la direction des services compétents en matière de systèmes d'information et de communication ".
5. Or, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite à la suspension de fonctions de M. C... prononcée le 16 décembre 2016 en raison de la dégradation des conditions de travail au sein du standard de la préfecture dont il avait la responsabilité, l'inspection générale de l'administration, appelée à déterminer les causes et origines de la situation ainsi constatée, a estimé dans son rapport remis au mois d'avril 2017, que M. C... avait commis quatre types de fautes consistant tout d'abord en une gestion du service entachée d'abus de pouvoir et de favoritisme notamment concernant la mise en oeuvre d'une permanence de 16 heures à 18 heures suite à la demande du secrétaire général de la préfecture et l'attribution de jours de congés en contrepartie, sans information de l'autorité hiérarchique, ou encore en raison de l'altercation avec un agent et de la mauvaise gestion du standard à l'occasion de différents messages électroniques échangés en septembre et octobre 2016. L'inspection a également relevé que M. C... avait méconnu un ordre exprès du secrétaire général concernant la convocation d'un agent et qui a abouti à une majoration de la dégradation des conditions de travail, ainsi que l'édiction sans compétence de sanctions à l'égard de deux agents et enfin un encadrement inadapté pour un chef de service, constatations étayées par les pièces versées au dossier. Ces faits, constitutifs de manquements à son obligation d'obéissance et aux responsabilités statutaires énoncées par les dispositions citées au point 4, présentaient un caractère fautif et étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. [par ordre de sévérité croissante] /(...)/ Deuxième groupe : (...) - le déplacement d'office (...) ". Eu égard aux responsabilités de M. C..., à la gravité et aux conséquences préjudiciables de son comportement sur les conditions de travail de ses subordonnées et alors même que sa manière de servir aurait donné satisfaction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction de déplacement d'office qui correspond dans l'échelle des sanctions à un quantum modéré.
7. En quatrième lieu, dès lors qu'une sanction disciplinaire légalement prise a pour finalité de porter atteinte aux intérêts de carrière de l' agent ayant commis des agissements contraires à ses obligations, les motifs sur lesquels elle repose se distinguent nécessairement des griefs relatifs à une situation de harcèlement moral, lesquels sont dès lors sans incidence sur la légalité de cette sanction. En conséquence, M. C... ne peut utilement soutenir que la sanction en litige résulte d'une situation de harcèlement moral à son égard.
8. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse résulte d'une volonté de l'évincer du service après l'exécution d'une décision de suspension de fonctions doit être écarté, un tel détournement de pouvoir n'étant pas établi par les pièces du dossier.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2017 portant déplacement d'office à titre disciplinaire. Ses conclusions d'annulation doivent être rejetées ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
N° 20LY00176