Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 20 janvier 2020, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par M. B....
Il soutient que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 (11°) et L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retenus à tort par le tribunal, doivent être écartés comme non fondés car reposant sur des considérations d'ordre général étrangères à l'accessibilité de l'intéressé à un traitement approprié au Kosovo.
Par mémoire enregistré le 29 avril 2020, M. A... B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le moyen invoqué par le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé et que, subsidiairement, le moyen tiré de l'atteinte excessive portée à son droit à la vie privée et familiale serait de nature à justifier le maintien de l'annulation des décisions litigieuses.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée des étrangers et du séjour et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise (...) après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ", et aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
2. Les dispositions précitées n'exigent pas que pour être effectivement accessible au pays d'origine, le traitement approprié à l'état de santé du demandeur soit gratuit ou quasi-gratuit. Il ne peut en aller autrement que si le reste à charge, évalué en fonction du coût de ce traitement au pays est hors de proportion avec les ressources de l'intéressé. En dépit de la demande de l'administration, M. B... n'a produit au débat aucun élément sur la nature actuelle de sa maladie et sur le traitement qui lui est administré. Dans ces conditions, le tribunal n'a pu sans méconnaître les articles L. 313-11 et L. 511-4 du code de l'entrée des étrangers et du séjour et du droit d'asile, déduire du silence de l'intéressé qu'il ne pourrait financer une radiothérapie ou une chimiothérapie dont il ressort de rapports publiés par des organismes indépendants qu'ils sont onéreux au Kosovo et qu'ils ne sont pas pris en charge par un régime d'assurance sociale universelle.
3. Alors qu'il ressort de l'avis du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si un défaut de soins exposerait M. B... à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, une offre de traitement adaptée à son état de santé, lequel a nécessairement évolué depuis sa prise en charge en France, fin 2014, existe au Kosovo. Le préfet de la Haute-Savoie est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé le refus de séjour et les mesures d'éloignement litigieuses au motif qu'elle méconnaissaient les dispositions citées au point 1.
4. Il y a lieu pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal.
5. Le refus de titre de séjour, qui vise les textes dont il fait application et énonce de manière précise et circonstanciée les différents motifs de fait tenant à la situation particulière de M. B..., est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté.
6. M. B... a vécu au Kosovo jusqu'à l'âge de quarante-sept ans où résident encore sa compagne et ses trois enfants, tandis qu'il ne se prévaut en France d'aucune attache particulière. Il suit de là que le refus de régulariser son séjour et l'obligation de quitter le territoire n'ont pu porter d'atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale et ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que le jugement n° 1906364 du tribunal administratif du 19 décembre 2019 doit être annulé et que la demande d'annulation de l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours et a fixé pays d'éloignement doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande à fin d'injonction et d'astreinte.
8. Les conclusions présentées au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée par M. B..., partie perdante, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906364 du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande à fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte présentée au tribunal par M. B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 par M. B... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
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N° 20LY00314
lc