2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Thiers Import Automobiles soutient que :
- elle a agi en qualité d'intermédiaire transparent et ne pouvait ainsi être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée que sur les commissions reçues ; ce sont les vendeurs espagnols qui ont démarché et imposé à la société leurs méthodes de fonctionnement, notamment la vente directe au particulier ; son rôle d'intermédiaire transparent était connu des parties, compte tenu des mentions apparaissant sur les différents documents ; ce sont les vendeurs qui payaient ses commissions et aucune facture ne la mentionnait comme vendeur ; elle a utilisé des comptes de tiers pour les flux financiers des achats par les acquéreurs et a enregistré ses commissions sur un compte de produit ; elle n'a jamais été propriétaire des véhicules et se fait rémunérer pour sa prestation consistant à trouver des acquéreurs français aux vendeurs étrangers ;
- par voie de conséquence, aucune pénalité ne pouvait lui être appliquée ;
- la procédure est irrégulière, faute de lui avoir permis de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit.
Par des mémoires, enregistrés le 8 août 2018 et le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- la société Thiers Import Automobiles n'a produit aucune convention de mandat passée avec les sociétés espagnoles, ni aucun autre document révélant qu'elle aurait agi en leur nom ; en réalité, elle recherche, pour le compte de ses clients français, des véhicules directement sur les sites internet de professionnels allemands et belges de l'automobile et assure elle-même le transport de ces véhicules, qu'elle paye dans un premier temps, à direction de leur client français, livré au siège de la société ;
- elle ne peut pas revendiquer le régime de taxation sur la marge ;
- l'administration n'a fait que donner aux faits une qualification juridique exacte et ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit ;
- les pénalités sont justifiées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Thiers Import Automobiles exerce une activité d'intermédiaire de commerce dans le domaine du négoce intracommunautaire de véhicules neufs ou d'occasion. A l'issue d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle le vérificateur a estimé qu'elle exerçait en réalité une activité d'acheteur revendeur de véhicules d'occasion, et non d'intermédiaire transparent, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, assortis de majorations de 40 % pour manquement délibéré. Elle s'est en outre vu infliger l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts pour absence de déclaration d'acquisitions intracommunautaires. La SARL Thiers Import Automobiles relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention./ L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. ".
3. En remettant en cause la qualité d'intermédiaire transparent de la société Thiers Import Automobiles, l'administration n'a pas entendu écarter les différents documents qu'elle avait présentés, dont certains d'ailleurs, émanaient d'entreprises tiers, au motif qu'ils auraient été conclus de manière fictive ou, la requérante recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes, dans le seul but d'éluder l'impôt. L'administration, après avoir constaté des contradictions entre les différents éléments recueillis au cours de son contrôle, certaines pièces ou allégations laissant à penser que la société vérifiée agissait comme mandataire des sociétés espagnoles, recherchant des clients français et se faisant payer une commission par elles, d'autres laissant penser au contraire qu'elle agissait comme mandataire des clients français, chargée de leur trouver un véhicule, s'est bornée à opérer sa propre qualification des opérations en litige en les regardant, compte tenu des éléments recueillis, comme des opérations d'achat-vente réalisées par cette société, et non comme des prestations de courtage réalisées par un intermédiaire transparent. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration a entendu, implicitement mais nécessairement, réprimer un abus de droit. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition est irrégulière à défaut de saisine du comité prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes du 1° du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. ". Aux termes du III de l'article 256 bis du code général des impôts : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien ". Aux termes du 1 de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) b) Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis ". Un intermédiaire agit au nom d'autrui s'il met en relation deux personnes qui contractent entre elles. Il en est de même pour l'intermédiaire qui contracte personnellement avec le tiers lorsque, soit le contrat mentionne expressément qu'il agit au nom d'autrui soit, en l'absence de contrat écrit, la facture est établie directement par le commettant ou par l'intermédiaire en faisant apparaître que celui-ci agit au nom d'autrui, soit enfin, en l'absence de facture, les circonstances de droit ou de fait permettent d'établir que le tiers avait connaissance du fait que l'intermédiaire agissait au nom d'autrui.
5. En l'espèce, la SARL Thiers Import Automobiles se prévaut de sa qualité de mandataire des sociétés espagnoles intervenues dans le cadre des opérations triangulaires visées par la proposition de rectification. Elle fait valoir que si elle n'a pas pu produire de convention de mandat avec ces sociétés espagnoles ni d'autre document révélant qu'elle aurait agi en leur nom, elle leur a facturé des commissions dont elles se sont acquittées. Toutefois, il ressort des constatations faites par le vérificateur, qui ne sont pas sérieusement contestées, que la SARL Thiers Import Automobiles proposait à ses clients particuliers français de rechercher, pour leur compte, des véhicules d'occasion auprès de négociants spécialisés implantés dans un autre Etat membre de la communauté européenne et qu'elle effectuait ces recherches sur les sites internet de professionnels de l'automobile belges et allemands. Une fois le véhicule trouvé, elle faisait signer des mandats de recherche ainsi que des bons de réservation de véhicules à ses clients français, dont le prix était précisément déterminé. Le transport du véhicule était ensuite à la charge de la SARL Thiers Import Automobiles, laquelle payait au préalable intégralement le prix du véhicule aux sociétés espagnoles, afin que celles-ci puisse en verser le prix aux vendeurs belges et allemands, ce qui conditionnait le départ du bien chez le vendeur initial. La livraison était in fine réalisée au siège de la société, sans jamais transiter par l'Espagne. Les sociétés espagnoles émettaient enfin une facture, faisant apparaitre le prix initialement convenu entre la SARL Thiers Import Automobiles et ses clients français, la commission de celle-ci apparaissant incluse dans celui-ci, facture payée par le client français au mandataire au moment où il entrait en possession du véhicule. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration a pu à juste titre considérer que la SARL Thiers Import Automobiles devait être regardée comme ayant agi non en tant que mandataire transparent, mais comme ayant personnellement acquis et livré à ses clients français les véhicules en cause. En application des dispositions précitées, elle devait donc être assujettie sur le prix d'achat du véhicule en France et non sur la commission qu'elle aurait perçue. L'administration a, dès lors, à bon droit, fait application du régime des acquisitions intracommunautaires aux opérations en cause.
6. En appel, la SARL Thiers Import Automobiles indique expressément ne pas revendiquer subsidiairement l'application du régime de taxation sur la marge.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Thiers Import Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Thiers Import Automobiles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Thiers Import Automobiles et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 1er octobre 2019.
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N° 18LY01165
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