Procédure initiale devant la Cour
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, M. et Mme D... demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les frais de déplacement qui ont été remboursés à M. D... ont été engagés par le dirigeant dans l'intérêt de l'exploitation de la SARL Pouzzolanes des Dômes ;
- l'administration ne démontre ni l'existence, ni le montant de revenus distribués, ni l'appréhension des sommes litigieuses par M. D... ;
- l'administration ne démontre pas que des charges salariales déduites par la SARL Pouzzolanes des Dômes à raison des salaires de M. E... n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'exploitation ni que les sommes correspondantes ont été appréhendées par M. D... ;
- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par un mémoire, enregistré le 4 juillet 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 18LY00261 du 21 mai 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a prononcé, aux articles 1er et 2, la décharge des impositions litigieuses à concurrence de ce qu'implique la requalification en traitements et salaires d'une somme de 25 960 euros regardée par l'administration comme des revenus distribués, réformé, à l'article 3, le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en ce qu'il a de contraire et rejeté, à l'article 4, le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D....
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision n° 432752 du 1er juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et a renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État
Par des mémoires, enregistrés le 5 août 2020, le 10 septembre 2020 et le 24 octobre 2020, M. et Mme D..., représentés par Me B..., concluent aux mêmes fins que précédemment.
Ils soutiennent en outre que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comporte pas les éléments permettant de démontrer que M. D... a appréhendé les sommes qualifiées de revenus distribués ;
- le Conseil d'Etat n'a pas jugé que les frais remboursés à M. D... correspondaient à des déplacements personnels ni que le remboursement de ces frais constituait des revenus distribués.
Par des mémoires, enregistrés le 13 octobre 2020 et le 19 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... était le gérant de la SARL Pouzzolanes des Dômes, qui exerce à Saint-Ours-les-Roches (Puy-de-Dôme) une activité d'extraction et de commercialisation de pouzzolane et dont le capital était intégralement détenu par M. et Mme D... et leur fils jusqu'au 1er octobre 2007, date à laquelle les associés ont cédé l'intégralité de leurs droits sociaux à la SARL Sofijac. La SARL Pouzzolanes des Dômes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 20 septembre 2007, à l'issue de laquelle l'administration lui a assigné des compléments d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration, dans son résultat imposable, de charges, d'un montant de 25 960 euros, correspondant au remboursement au gérant de frais de déplacement dont le caractère professionnel n'était pas établi. Parallèlement à ce contrôle, l'administration a procédé à un contrôle sur pièces de la déclaration de revenus souscrite par M. et Mme D... au titre de l'année 2006, à l'issue duquel les contribuables ont été assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales procédant de l'inclusion dans leur revenu imposable, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes correspondant aux charges réintégrées dans les bénéfices de la société, qui ont été regardées comme des avantages occultes taxables entre leurs mains en application du c. de l'article 111 du code général des impôts.
2. Par un jugement n° 1501481 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions. Par un arrêt n° 18LY00261 du 21 mai 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. et Mme D..., prononcé, aux articles 1er et 2, la décharge des impositions à concurrence de ce qu'implique la requalification en traitements et salaires de la somme de 25 960 euros regardée par l'administration comme des revenus distribués, réformé, à l'article 3, le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt et rejeté, à l'article 4, le surplus de leurs conclusions. Par une décision n° 432752 du 1er juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et a renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la même cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.
4. La proposition de rectification adressée à M. et Mme D... mentionne la nature, le montant et les modalités de calcul des impositions ainsi que l'année concernée et indique les motifs pour lesquels l'administration a considéré que les remboursements d'indemnités kilométriques opérés au bénéfice de M. D..., qui correspondaient en réalité à des dépenses personnelles du gérant, n'avaient, par suite, pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et, n'ayant pas été comptabilisées conformément à leur objet, constituaient des avantages occultes imposables entre les mains de leur bénéficiaire sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration a suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que M. D... avait appréhendé les sommes en cause en rappelant, d'une part, qu'il avait la qualité de gérant de la société, et, d'autre part, que les versements d'indemnités kilométriques avaient été effectués à son profit. Dans ces conditions, la proposition de rectification comportait les précisions suffisantes pour permettre aux requérants de présenter utilement leurs observations, auxquelles l'administration a d'ailleurs répondu le 19 mars 2010. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes. ".
6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Lorsque le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées à la suite d'une procédure de rectification contradictoire, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mises à la charge du contribuable.
7. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D... n'ont pas accepté les rectifications, notifiées selon la procédure contradictoire. Il appartient, dès lors, à l'administration fiscale d'établir le bien-fondé des impositions en litige.
8. Il résulte de l'instruction, et, notamment, de la proposition de rectification adressée à M. et Mme D..., que l'administration, après avoir rappelé que des charges, d'un montant de 25 960 euros, comptabilisées dans le compte " 6414026 indemnités kilométriques D... ", avaient été réintégrées dans le résultat de la SARL Pouzzolanes des Dômes au motif qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'exploitation, a considéré que cette somme correspondait à un avantage en nature qui, n'étant pas mentionné explicitement en comptabilité ni inscrit dans le relevé détaillé des frais généraux, constituait un avantage occulte imposable au nom de M. D..., son bénéficiaire, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
9. Pour estimer que ces frais n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de l'exploitation, l'administration a relevé, d'une part, que seul le montant global des indemnités kilométriques avait été porté en comptabilité par la SARL Pouzzolanes des Dômes, sans aucun élément permettant de déterminer la nature ni l'origine des dépenses en cause ni les modalités de calcul des indemnités kilométriques, et, d'autre part, que si la société avait produit, pour justifier leur comptabilisation, l'agenda de M. D..., ce document ne précisait ni l'objet des déplacements ni l'identité des clients, que de nombreux déplacements avaient été effectués les week-ends et jours fériés et que certains déplacements ne donnaient lieu qu'à l'inscription d'un kilométrage sans aucune autre indication de lieu de déplacement ni de motif professionnel. Elle fait également valoir que si des justificatifs correspondant à des repas ont été produits, ceux-ci n'indiquent ni l'objet de la réunion ni l'identité des convives.
10. M. et Mme D... font valoir qu'ils n'étaient pas présents lors du contrôle, dans la mesure où ils avaient cédé leurs parts dans la société à une société tierce, et soutiennent que l'agenda dont l'administration fait état est un faux. Toutefois, les requérants, qui, au demeurant, n'établissent pas que le document en cause aurait été effectivement falsifié, ne produisent devant la cour aucun élément permettant de justifier les indemnités versées. A cet égard, s'ils produisent la copie de factures de restaurants, ces documents, qui mentionnent uniquement le nom de l'établissement, la date et la composition du repas, ne suffisent pas à établir l'objet des frais en cause et leur caractère professionnel. Dans de telles conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les frais exposés présentent le caractère de dépenses personnelles et n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise.
11. Il est constant que le versement des indemnités kilométriques en cause a été comptabilisé par la SARL Pouzzolanes des Dômes comme un remboursement de frais professionnels. Une telle comptabilisation, alors que ces sommes correspondent à des dépenses personnelles de M. D..., ne répond pas à l'exigence d'une comptabilisation explicite des avantages en nature, telle qu'elle résulte des dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts. Par suite, la prise en charge de ces frais par la SARL Pouzzolanes des Dômes constitue un avantage occulte taxable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c. de l'article 111 précité du même code.
12. Enfin, il n'est pas contesté que la somme de 25 960 euros comptabilisée comme des remboursements d'indemnités kilométriques a été versée à M. D.... Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'appréhension par l'intéressé des sommes distribuées. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé ce montant entre les mains de l'intéressé.
Sur les majorations :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
14. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. et Mme D... ont été assujettis au titre de l'année 2006 à raison de l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de la somme de 25 960 euros, l'administration se fonde sur l'importance des revenus considérés et sur la circonstance que M. D... ne pouvait, en sa qualité d'associé et de gérant de la société, d'une part, et de bénéficiaire des sommes en cause, d'autre part, ignorer que les sommes comptabilisées comme des indemnités kilométriques n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise mais présentaient en réalité le caractère de dépenses personnelles. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté des contribuables d'éluder les impositions dont ils étaient redevables, justifiant l'application de la majoration en litige.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 3 juin 2021.
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N° 20LY01736