Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 février 2020 et le 11 mars 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 10 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. D... soutient que :
- les décisions du préfet ne sont pas suffisamment motivées ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2020, le préfet de l'Yonne, représenté par la Selarl Claisse et associés, avocats, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H..., premier conseiller,
- et les observations de Me E..., représentant M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 6 avril 1975, ressortissant congolais, est entré en France le 5 octobre 2011 selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'asile, il a fait l'objet le 21 mars 2014, puis le 2 mars 2016 d'obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées. Il a sollicité en octobre 2018 son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 2 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. M. D... fait valoir que lorsque le préfet de l'Yonne a pris à son encontre les décisions litigieuses, il vivait en France depuis 8 ans, qu'il est père de deux enfants, nés le 20 juillet 2013, que sa soeur réside en France et que ses parents sont décédés. Toutefois, il a déjà fait l'objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées. S'il soutient contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants qui ne résident pas dans le même département que lui, les photos qu'il a produites, qui pour la plupart sont postérieures à l'arrêté du préfet, et les quelques envois d'argent adressés à la mère des enfants entre février 2015 et août 2018 ne suffisent pas à prouver qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants à la date des décisions du préfet. S'il fait état de la présence en France de sa soeur et du décès de ses parents, il n'établit pas être dépourvu de toute attache avec son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-six ans. Enfin, il ne justifie d'aucune insertion dans la société française. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir, eu égard aux conditions de son séjour sur le territoire français, qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français le préfet de l'Yonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises et qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a ni méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle.
4. A l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions du préfet de l'Yonne, M. D... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de ces décisions et du défaut de consultation de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Dijon.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme C..., présidente-assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 20LY00816