Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2020, M. A..., représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard.
Il soutient que :
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée se fonde sur une décision portant refus de séjour illégale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision attaquée se fonde sur des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 19 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme F..., présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 20 avril 1980, est entré en France le 10 juillet 2012, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 novembre 2013. Par un arrêté du 22 décembre 2014, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le 11 juillet 2017, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 avril 2019, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2012, qu'il prend soin de son fils C... âgé de cinq ans qui souffre de drépanocytose homozygote, et qu'il a établi une communauté de vie depuis le mois de janvier 2017 avec Mme L..., ressortissante angolaise titulaire d'un titre de séjour qui a donné naissance à leur fille, E..., le 3 décembre 2019.
4. M. A... n'établit toutefois pas, par les seules pièces qu'il produit, qui consistent en des déclarations de revenus ne faisant mention d'aucun revenu, une attestation d'élection de domicile établie par l'association lyonnaise d'ingénierie sociale le 28 janvier 2014, un certificat médical ainsi qu'une ordonnance médicamenteuse établies le 15 septembre 2015 et deux factures établies le 19 novembre 2016 et le 31 décembre 2016, avoir effectivement séjourné en France de façon habituelle au cours des années 2014 à 2016. En outre, si son fils C..., né de son union avec Mme G..., compatriote titulaire d'une carte de résident, bénéficie en France d'un suivi médical, M. A..., qui n'assure pas la garde de cet enfant, avec lequel il n'a jamais vécu, ne justifie pas, d'une part, qu'il assure effectivement l'entretien de cet enfant et participe à son éducation et, d'autre part, que sa présence serait indispensable pour assurer le suivi médical de ce dernier. Enfin, la communauté de vie engagée avec Mme L..., dont l'existence n'est établie qu'à compter du mois d'octobre 2018, présentait un caractère récent à la date de la décision attaquée, et la jeune E... est née postérieurement à la date de cette décision. M. A..., qui n'a été autorisé à séjourner en France que durant l'examen de sa demande d'asile, du 12 juillet 2012 au 5 novembre 2013, se maintient irrégulièrement sur le territoire national depuis le rejet de sa demande. Le requérant, qui est âgé de trente-neuf ans, n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales en République démocratique du Congo, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans et où résident notamment deux de ses enfants ainsi que sa mère et ses deux soeurs. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
5. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la décision du préfet ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants de M. A..., garanti par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour doit être écarté.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 3 à 6 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Eu égard à ce qui précède, le moyen de M. A... tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme K..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 20LY01209
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