Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Deme, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- le jugement est entaché d'une erreur de fait ;
- la décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observation.
La demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été classée sans suite par décision du 20 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Caraës ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante du Kosovo née le 20 septembre 1952, est entrée en France le 20 janvier 2020. Le 22 juin 2020, elle a sollicité le bénéfice de l'asile. Par une décision du 5 novembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. Par un arrêté du 24 décembre 2020, le préfet du Rhône a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. L'absence de la mention dans l'arrêté attaqué de ce que Mme A... aurait sollicité à une date non précisée un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour en raison de son état de santé n'est pas de nature à entacher l'arrêté d'une erreur de fait.
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ".
4. Si Mme A... fait valoir qu'elle souffre d'un diabète et de problèmes auditifs et que son état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, elle ne l'établit pas en se bornant à produire des ordonnances ou des prescriptions tendant à faire réaliser des examens biologiques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
7. Si Mme A... fait valoir qu'elle ne dispose plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, veuve et sans charge de famille, est entrée récemment en France et a vécu jusqu'à l'âge de soixante-huit ans au Kosovo, pays dans lequel résident deux de ses enfants majeurs. Dans ces conditions, et alors qu'elle n'établit pas que son état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié ne serait pas disponible au Kosovo, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
9. Mme A... n'établit pas la réalité des risques actuels auxquels elle pourrait être personnellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
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N° 21LY01380