Par requête enregistrée le 7 mai 2021, M. C..., représenté par Me Bourg, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 et les arrêtés des 1er octobre 2020 et 19 novembre 2020 susvisés ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir statué sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'autorité préfectorale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " interprété par la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur " dès lors que le préfet ne pouvait lui opposer d'être entré irrégulièrement sur le territoire français ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les conditions fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 pour se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement desdites dispositions ;
- les mesures d'éloignement édictées les 1er octobre 2020 et du 19 novembre 2020 sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour du 1er octobre 2020 ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire du 19 novembre 2020 est entachée d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne peut être considéré comme ayant déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
- l'assignation à résidence du 19 novembre 2020 d'une durée de 6 mois est entachée d'erreur de droit et d'un détournement de procédure dès lors qu'il existe des perspectives raisonnables de faire procéder à son éloignement dans la mesure où le trafic aérien n'est pas suspendu ;
- l'obligation qui lui est faite de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police du Puy-en-Velay est disproportionnée dès lors qu'il est scolarisé depuis le mois de septembre 2020 la semaine dans un lycée en Lozère.
la requête a été communiquée au préfet de la Haute-Loire qui a produit un mémoire en défense le 4 janvier 2022, mémoire communiqué au requérant le même jour.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 1er octobre 2020, le préfet de la Haute-Loire a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., ressortissant kosovare, l'a obligé à quitter le territoire français et lui a accordé un délai de départ volontaire de 60 jours à cette fin. Cette dernière décision a été abrogée par un arrêté du 19 novembre 2020, pris par la même autorité. Par le même arrêté du 19 novembre 2020, l'autorité préfectorale a obligé M. C... à quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire. Par un autre arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Loire a assigné M. C... à résidence pour une durée de six mois. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé le 1er octobre 2020, des décisions du 1er octobre 2020 et du 19 novembre 2020 par lesquelles il a été obligé à quitter le territoire français, du refus du 19 novembre 2020 de lui accorder un délai de départ volontaire à cette fin ainsi que de la décision du 19 novembre 2020 par laquelle il a été assigné à résidence pour une durée de six mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... soutient que le jugement attaqué est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir statué sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'autorité préfectorale, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interprété par la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, dès lors que le préfet ne pouvait lui opposer d'être entré irrégulièrement sur le territoire français. Toutefois, après avoir visé le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaîtrait les conditions fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 pour se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a répondu à ce moyen aux points 3 à 5 de son jugement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une omission à statuer sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, si M. C... se prévaut, à l'encontre de la décision du 1er octobre 2020 portant refus de séjour, du point 2.1.3 de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, relatif aux mineurs devenus majeurs, en vertu duquel les préfets doivent procéder à un examen particulièrement attentif de la situation des étrangers entrés mineurs en A... en appréciant " au cas par cas " la possibilité de " délivrer à un ressortissant étranger en situation irrégulière qui poursuit des études supérieures une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " en application de l'article L. 313-7 du CESEDA. [Cette option sera retenue] dans les cas où le mineur devenu majeur ne pourrait attester que ses attaches privées et familiales se trouvent principalement en A..., et où, scolarisé depuis au moins l'âge de 16 ans, il poursuit des études supérieures de manière assidue et sérieuse. ", ces énonciations n'ont ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, de permettre aux préfets de s'extraire des conditions visées à l'article L. 313-7 du code précité pour la délivrance de titre de séjour mention " étudiant " soumis notamment à l'exigence d'une entrée régulière sur le territoire français. Il est à ce titre constant que M. C... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire national.
4. En deuxième lieu, M. C... réitère devant la Cour le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau à l'appui de celui-ci. Il y a lieu pour la Cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 5 de son jugement.
5. En troisième lieu, si, ainsi que le relève M. C..., l'admission exceptionnelle au séjour telle que prévue par les dispositions précitées n'est pas subordonnée à l'entrée régulière du demandeur en A..., il ressort de la décision en litige que le préfet de la Haute-Loire n'a pas entendu opposer à l'intéressé une telle condition pour lui refuser un titre de séjour sur le fondement desdites dispositions. L'autorité préfectorale n'a visé cette condition qu'au titre de l'examen d'un titre de séjour mention " étudiant " sur le fondement de l'article L. 313-7 du code précité.
6. En quatrième lieu, compte tenu de la légalité de la décision portant refus de séjour du 1er octobre 2020, M. C... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à son encontre les 1er octobre 2020 et 19 novembre 2020.
7. En cinquième lieu, les mesures d'éloignement en litige édictées par le préfet de la Haute-Loire rappellent les conditions d'entrée et de séjour de M. C... sur le territoire français et font état de sa situation familiale et son parcours scolaire. Elles ne sont donc entachées d'aucun défaut d'examen de sa situation personnelle.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " (...) L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le recours en annulation exercé par M. C... à l'encontre de la mesure d'éloignement édictée le 1er octobre 2020 est postérieur à l'édiction de la décision du 19 novembre 2020 lui refusant tout délai de départ volontaire. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le préfet de la Haute-Loire a motivé cette dernière décision par le fait que l'intéressé n'avait, à la date du 19 novembre 2020 et en méconnaissance de la mesure d'éloignement édictée le 1er octobre 2020, entrepris aucune démarche en vue de préparer son départ et qu'il avait, les 19 octobre et 4 novembre 2020, déclaré aux services préfectoraux son intention de ne pas quitter le territoire français et de ne pas effectuer les diligences nécessaires à son retour volontaire vers le Kosovo. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort pas de ces éléments que le préfet aurait, en abrogeant le délai de départ volontaire dont disposait alors M. C... et en lui refusant un tel délai, cherché à le sanctionner pour avoir introduit un recours contre la mesure d'éloignement édictée le 1er octobre 2020. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire édictée le 19 novembre 2020 serait entachée d'une erreur de fait et méconnaîtrait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En septième lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. (...) ".
11. M. C... soutient, d'une part, que l'assignation à résidence édictée le 19 novembre 2020 d'une durée de 6 mois est entachée d'erreur de droit et d'un détournement de procédure dès lors qu'il existe bien des perspectives raisonnables de faire procéder à son éloignement dans la mesure où le trafic aérien n'est pas suspendu. D'autre part, il fait valoir que l'obligation qui lui est faite de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police du Puy-en-Velay est disproportionnée alors qu'il est scolarisé depuis le mois de septembre 2020 durant la semaine dans un lycée en Lozère et ne rentre qu'en fin de semaine au Puy-en-Velay.
12. Il ressort des mentions de la décision d'assignation à résidence qu'en raison, à cette date, du contexte sanitaire et des restrictions à l'accès à leurs territoires mises en place par de nombreux Etats dans le cadre de la lutte contre le COVID-19, l'éloignement de M. C... ne peut avoir lieu dans l'immédiat. Le préfet de la Haute-Loire a d'ailleurs produit un document établissant que l'éloignement de l'intéressé vers le Kosovo avait été abandonné à la suite de l'annulation d'un vol réservé par la préfecture le 6 novembre 2020. Par suite, la mesure d'assignation à résidence édictée en raison de l'absence de perspectives raisonnables à court terme d'éloignement est justifiée.
13. Toutefois, en imposant à M. C... de se rendre trois fois par semaine (les mercredis, jeudis et vendredis) à 17 heures 30 précises au commissariat de police du Puy-en-Velay alors que l'intéressé justifie, par les pièces qu'il produit pour la première fois devant la Cour, être scolarisé à compter du mois de septembre 2020 au lycée Saint-Pierre Saint-Paul de Langogne en Ardèche pour y suivre une formation en BTS Maintenances de véhicules en qualité de demi-pensionnaire et être hébergé à titre gracieux à Langogne durant la semaine par un particulier depuis le 9 novembre 2020, le préfet de la Haute-Loire a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans la fixation des modalités de présentation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 19 novembre 2020 portant assignation à résidence en tant qu'elle fixe les modalités de présentation, et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui annule partiellement l'arrêté portant assignation à résidence en tant qu'il fixe les modalités de présentation de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C... D... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Bourg renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : La décision du 19 novembre 2020 portant assignation à résidence prise à l'encontre de M. C... par le préfet de la Haute-Loire est annulée en tant qu'elle fixe les modalités de présentation de l'intéressé.
Article 2 : Le jugement n° 2002097 du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bourg, avocate de M. C..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.
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N° 21LY01483